L’année 2016 a été chargée sur le transmanche. Après les déboires de SeaFrance puis de MyFerryLink, le marché a pris du temps pour se réorganiser. De Rotterdam à Roscoff, les armateurs qui ont su traverser les différentes tempêtes de ces dernières années ont pu retrouver un peu de sérénité. Selon les premiers chiffres publiés par l’Office national des statistiques britannique, le volume des marchandises échangées entre le Royaume-Uni et les pays membres de l’Union européenne (UE) est en progression en 2016. Les exportations ont augmenté de 7,8 % à 144,4 Md£ quand les importations progressent de 8 % à 240 Md£. Les liens entre le Royaume-Uni et l’UE sont indéniables depuis plusieurs années. Les chiffres le démontrent, puisque si les États-Unis sont le premier partenaire économique devant l’Allemagne, la France et les Pays-Bas pour les exportations, l’Allemagne emporte 14 % des importations du Royaume-Uni au niveau mondial.
L’analyse plus détaillée des échanges de marchandise entre l’UE et le Royaume-Uni montre la place que jouent les pays les plus proches. Outre l’Allemagne, la France et la Belgique restent des partenaires majeurs dans le commerce extérieur britannique. La balance commerciale entre la France et le Royaume-Uni pèse en faveur des valeurs françaises avec 19,4 Md£ exportés par les Britanniques contre 25,1 Md£ importés. D’une manière générale, le Royaume-Uni importe plus de produits européens qu’il n’exporte de ses produits vers l’Union.
Balance commerciale déficitaire
L’évolution au cours des dernières années montre que cette tendance d’une balance commerciale déficitaire du Royaume-Uni vis-à-vis de ses partenaires européens est constante depuis cinq ans.
En entrant dans 2016, tant au sud de la Manche que sur la rive Nord, les opérateurs ont craint d’avoir à faire front à des grains plus ou moins violents. Avec les attentats à Paris au mois de novembre puis ceux intervenus en janvier, la pression migratoire et la tenue du référendum, 2016 aurait pu devenir une année désastreuse.
L’économie a su démentir, même si certains services ont vu leur volume se réduire. Ajouté à ces éléments, le vote programmé pour le 26 juin sur le maintien du Royaume-Uni dans l’UE a rapidement eu un écho dans toute l’Europe. Alors, quand le peuple britannique a décidé à la majorité de quitter l’Union, le Vieux Continent a été secoué. Dès les premiers jours de juillet, la livre Sterling a perdu de sa valeur face à de nombreuses monnaies. Pour les Britanniques, l’après-vote du Brexit a été une véritable douche écossaise. Petit à petit, la monnaie britannique s’est relevée et les choses ont repris leurs cours. Difficile de passer outre des crises comme celle-là, mais Eurotunnel annonce avoir réussi à franchir le cap. Du côté des opérateurs, la mise en place au 1er janvier 2015 des nouvelles normes en matière d’émission les a obligés à entreprendre des travaux sur les navires pour s’adapter aux nouvelles normes.
« Les frontières les plus ouvertes possible »
Passé le vote des Britanniques sur le Brexit, le 17 janvier, Theresa May, Premier ministre britannique, a tenu un discours devant le Parlement en expliquant qu’elle souhaitait que le pays conserve des accords avec l’UE afin d’éviter tout engorgement du commerce avec ses partenaires économiques. « Nous souhaitons les frontières les plus ouvertes possibles », a déclaré Theresa May. Selon les journaux britanniques, le décompte avant la sortie du Royaume-Uni de l’UE devrait se faire en mars. Après avoir donné leur notice, les Britanniques disposeront de deux ans pour négocier avec l’Europe les conditions de leur sortie. Avec les élections en France et en Allemagne, les observateurs sont sceptiques sur le temps laissé aux négociations. Il faudra aux autorités européennes et au Parlement britannique le temps du vote pour accepter les conditions de sortie. Compte tenu des accords de libre-échange actuels, les négociations devraient se réaliser dans des temps assez courts, pour Ian Mitchell, conseiller au Centre pour le développement en Europe. Cette solution serait idéale, mais pour des analystes les pays membres de l’UE n’accepteront pas aussi facilement de laisser les frontières ouvertes. Le Royaume-Uni ne peut disposer des mêmes conditions comme pays membre et comme pays tiers. Et le Premier ministre britannique est allé plus loin lors de son intervention en rappelant qu’« aucun accord avec l’Europe [valait] mieux qu’un mauvais accord ».
Il ressort des différentes analyses menées à la veille des négociations que la sortie de l’UE ne se fera pas sans effets sur la croissance économique. Peut-on imaginer les premiers effets du Brexit toucher les rivages de la Manche dès 2017? Les analystes les plus pessimistes en sont persuadés. Dès lors que les négociations seront hésitantes ou suspendues, les premières barrières pourraient se lever. C’est un peu crier au loup par anticipation puisque le Royaume-Uni restera membre de l’UE deux ans après la notification de sortie. Le calendrier ne devrait pas entrer dans sa phase opérationnelle avant 2019. Si les volumes des échanges de marchandises entre les principaux partenaires européens du Royaume-Uni peuvent subir quelques accrocs, la sortie du Brexit suscite aujourd’hui d’autres points qui pourraient s’avérer positifs. En étant en dehors de l’Union et selon les conditions de sortie, des opérateurs du transmanche imaginent déjà remettre en place des boutiques de vente hors taxes et ainsi améliorer leurs résultats.