En France, passé le premier moment d’émotion, le dossier Hanjin n’a pas fait de vague, du point de vue des chargeurs ou de celui des réceptionnaires. En effet, l’AUTF n’a pas été saisie par ses membres de problèmes particuliers, répond Fabien Becquelin, directeur des transports internationaux. No news is good news. Tel n’est pas le cas aux États-Unis et à plus forte raison en Corée du Sud.
À tel point que la Federal Maritime Commission s’est penchée sur le dossier car la compagnie coréenne représentait environ 10 % du marché transPacifique. La FMC a rappelé qu’elle serait très vigilante à ce que les gestionnaires de terminaux américains n’imposent pas aux réceptionnaires, des frais déraisonnables. Son site internet précise même ce que les gestionnaires de terminaux peuvent ou non demander aux réceptionnaires avant et après le dépôt de bilan.
La FMC ou l’un de ses commissaires s’est interrogée sur les moyens pour un chargeur de vérifier la situation financière de ses fournisseurs. « Les chargeurs s’intéressent de plus en plus à la situation financière des transporteurs » a répondu Robert van Trooijen, responsable Asie-Pacifique de Mæersk Line, interrogé le 6 novembre par l’agence Reuters. « Et elle n’est pas bonne pour la plupart d’entre-nous ». Cet intérêt soudain a été confirmé par Evergreen, la semaine précédente: « les grands chargeurs américains demandent des informations sur notre situation » a répondu le porte-parole de la compagnie taïwanaise, Golden Kou. Si pour les compagnies cotées en bourse, il est relativement facile de se faire une idée du fait de leurs obligations de détailler leurs résultats, tel n’est pas le cas de MSC, et dans une moindre mesure, de CMA CGM, par exemple.
Sachant qu’il y a une faillite retentissante pour les 30 ans (USL en 1986; Hanjin en 2016), est-il raisonnable de tenter de mettre en place une probable usine à gaz pour évaluer la situation des compagnies conteneurisées qui ne souhaitent pas en parler?
Les équipages attendent
Le Hanjin-Scarlet est au mouillage au large de Prince Rupert sur la côte ouest du Canada depuis le 30 août, explique le porte-parole de l’autorité portuaire à Reuters. Il a déchargé quelques conteneurs, a été saisi et attend à l’ancre avec environ 800 boîtes à bord, à la date du 27 octobre. Il ne reste plus que 10 jours de nourriture pour les 24 membres de l’équipage qui n’a plus d’eau.
La CGT Grand Ouest a été la seule organisation qui, dès le 18 septembre, a attiré l’attention sur le sort des marins, coréens ou non, bloqués à bord des navires d’Hanjin. Le syndicat « constate que seules les cargaisons font l’objet de tractations ». Il « demande que l’ITF à laquelle adhère la CGT de tout mettre en œuvre afin que les marins soient bien défendus et payés ». Le 28 septembre, l’ITF faisait savoir que l’équipage du Hanjin-Marine, navire affrété, s’est vu interdire toute descente à terre par les Douanes américaines, lors de son escale à Seattle, après avoir attendu trois semaines au mouillage. Raison invoquée: l’équipage est susceptible de s’enfuir compte tenu de la situation de la compagnie. En fin d’après-midi, une banderole est installée: « nous avons le droit de descendre à terre ». Les dockers de Seattle font ce qu’il faut pour que tout le monde soit informé. Le 18 octobre, l’ITF se félicite de voir les autorités américaines accepter la descente à terre des équipages d’Hanjin. Entre-temps, le gouvernement coréen, l’association des armateurs coréens et la Fédération des syndicats des marins coréens, agissant de concert, ont veillé au bien-être des équipages en garantissant, notamment, l’avitaillement, trois mois de salaires et trois ans de cotisations retraite, indique l’ITF.
Après avoir déchargé sa cargaison, le navire Hanjin-China a été saisi le 3 novembre à Shanghai par l’opérateur de terminal qui réclame 875 000 $, indique l’agence de presse sud-coréenne Yonhap. Au total, cinq navires (seulement) ont été saisis, à Singapour, fin août, au Canada et en Corée du Sud.