La sécurité et la sûreté maritimes, des préoccupations presque panafricaines

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Après Yaoundé en juin 2013 et le sommet de Mahé en 2015, la sécurité et la sûreté maritimes reviennent sur le devant de la scène politique. « Lors des derniers sommets de l’Union africaine, le Togo a souhaité que les thèmes de la sécurité et de la sûreté maritimes soient de nouveau abordés. Pour aller au bout de notre démarche, l’Union africaine nous a confié la tâche d’organiser ce sommet. Nous pensons qu’il aura des retombées diplomatiques importantes pour le Togo qui avait quelque peu été effacé de la scène internationale », a indiqué Robert Dussey, ministre togolais en charge des Affaires étrangères, le 14 octobre, à la veille de la séance plénière.

La charte a suivi un processus interne à l’Union africaine pour être présentée le 15 octobre devant les chefs d’État. En avril, lors du sommet d’Addis-Abeba, en Éthiopie, l’Union africaine a adopté le principe de cette charte. Ensuite, le texte a été présenté devant le comité technique sécurité et défense de l’organisation avant d’être validé par le conseil des ministres de la justice de l’Union africaine. Le texte a ensuite été visé par le comité des ambassadeurs avant d’être adopté lors du conseil des ministres de l’Union africaine le 13 septembre à Lomé. Le 15 septembre, avec 43 délégations présentes à Lomé, le sommet de l’Union africaine a adopté cette charte. « Nous avions besoin d’un quorum de 36 pays présents. Nous en avons eu 43 à Lomé », affirme Robert Dussey. Au final, 31 pays ont signé le texte. Parmi ces 31 pays signataires du document, huit pays ne disposent pas de façade maritime: le Tchad, le Burkina Faso, le Niger, le Rwanda, la République centrafricaine, le Mali, le Soudan et le Burundi, soit 25 % des pays signataires. Parmi les nations présentes à ce sommet, certains n’ont pas signé la charte: le Cameroun, le Sénégal ou encore l’Ouganda. Parmi les signataires de la charte se retrouvent également le Nigeria, qui subit aujourd’hui une grande partie des actes de piraterie dans le golfe de Guinée, le Togo, le Liberia, la Sierra Leone, l’Angola, la Somalie, le Kenya, la Tanzanie, le Ghana, le Bénin, la Libye ou encore la Côte d’Ivoire.

Création d’un fonds de financement

Lors de sa conférence de presse, le 14 octobre, Robert Dussey a présenté le texte de la charte comme contraignant. « Pour la première fois depuis le sommet de Yaoundé en juin 2013, l’ensemble des nations africaines a décidé d’adopter un texte. En juin 2013, nous avons créé un système mais nous n’avions pas de fonds. Parmi les mesures contraignantes que cette charte présente, il est prévu de créer un fonds pour financer les actions. » En matière de piraterie, si un organisme est créé pour rendre compte des évolutions, la question de la sanction pénale des pirates n’est pas évoquée dans ce document. « La convention de Montego Bay prévoit des sanctions pénales contre les actes de piraterie. Maintenant, si jamais nous sommes confrontés à des difficultés ou des conflits juridiques entre les États concernés, nous pourrons faire appel à la Cour de Justice de l’Union africaine. Elle a peu fonctionné. Il faudra donner des moyens à cette juridiction pour qu’elle puisse le faire. » Concernant la pollution maritime, outre la sensibilisation des populations et des gouvernements à ce sujet, la charte présente peu d’éléments contraignants.

Garder le cap des efforts entrepris

Malgré les critiques sur le sommet, le texte a finalement été adopté et a pris toute son importance. « Nous sommes réunis aujourd’hui, le 15 octobre, pour apporter à nos enfants un cadre sécurisé au travers d’une approche continentale de la sécurité maritime », a rappelé le président de la république du Togo, Faure Essozimna Gnassingbé, dans son discours d’introduction. Il a souligné que cette charte constituait un socle pour prévenir les actes de piraterie et de pollution maritime. Empruntant à la dialectique maritime, il a conclu en demandant que les États « gardent le cap des efforts entrepris ».

La présidente de la commission technique de l’Union africaine, Nkosazana Dlamini Zuma, a abondé dans ce sens: « La mer est un bien qu’il faut savoir préserver, a-t-elle déclaré à la tribune. Un bien qui représente des milliards de dollars de recettes et des millions d’emplois pour nos peuples. » Un plaidoyer maritime qui a été encore plus loin. Disposer d’une stratégie maritime sur le long terme signifie, pour la présidente de la commission technique de l’Union africaine, de disposer aussi de moyens pour développer l’économie bleue. « Les navires qui acheminent les matières premières africaines à l’international, mais aussi ceux qui importent des marchandises doivent arborer un pavillon africain. » Le retour en force de cette volonté politique de voir renaître un monde armatorial africain, disparu depuis les années 1980, semble s’intensifier dans les différents forums. « Il existe une ceinture maritime africaine », a continué Nkosazana Dlamini Zuma qui plaide aussi en faveur du développement du transport maritime à courte distance pour opérer du transfert modal de la route vers la mer.

Un rêve ou une réalité? Après les attaques nombreuses contre les navires en Somalie pendant des années, mais aussi contre des navires sur l’ensemble du continent africain, le cabotage maritime a perdu de sa teneur. La route a su prendre le dessus. « Nous ne devons pas abandonner nos espaces maritimes a des brigands, des criminels et des pirates », a souligné le président de l’Union africaine.

La charte africaine sur la sûreté et la sécurité maritimes et le développement en Afrique

Le texte pose les principes fondamentaux de promotion de la paix, de la sécurité, de la stabilité et du développement, d’une part. D’autre part, elle rappelle la protection des droits fondamentaux humains, des libertés et des règles de droit international, la libre circulation des personnes et des biens, l’égalité souveraine et l’interdépendance des États membres, l’intégrité territoriale et la subsidiarité.

L’article 3 stipule que ce texte est destiné à prévenir et réprimer la criminalité nationale et transnationale, le trafic de migrants, la traite des personnes et la pêche illicite. Elle pose comme objectif de protéger l’environnement, et l’environnement maritime en particulier. Elle promeut une économie maritime florissante et durable. Enfin, elle promeut et renforce la coopération dans les domaines maritimes, la prévention et l’alerte précoce, la lutte contre la piraterie, les vols à main armée contre les navires mais aussi les trafics illicites en tout genre. Parmi les différents points que cette charte aborde, on trouve la création et le développement de compagnies maritimes africaines; la promotion d’accès à des opérateurs africains aux services et professions relevant du secteur maritime; ainsi que la préférence accordée aux compagnies nationales ou régionales maritimes pour le cabotage local afin de promouvoir le commerce intra-africain. La charte engage les États africains à développer les infrastructures et les équipements maritimes afin que chaque port « atteigne ses potentiels de croissance et de développement ». Elle incite les États à passer par des partenariats publics-privés « pour faciliter la modernisation des installations en vue d’atteindre des services de qualité ». Enfin, dans le document, il est prévu la création d’un fonds pour la sécurité et la sûreté maritimes. Hormis ce fond, les État s’engagent à débloquer sur leurs budgets nationaux des fonds pour préserver et garantir la sécurité maritime, la sûreté maritime tout en respectant les obligations des États côtiers et États du pavillon.

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