La première remarque tient à l’omniprésence du Brésil dans les premiers rangs du classement. Les deux premiers ports affichent plus de 100 Mt de trafic. Il s’agit de Ponta da Madeira et de Tuburao. Ponta da Madeira a réalisé en 2014 un trafic de 112,5 Mt, en croissance de 4,8 %. Tuburao, a vu son trafic se stabiliser avec 109,8 Mt en 2014, soit une légère baisse de 0,6 %. Ces deux principaux établissements sud-américains caracolent en tête depuis plusieurs années de par leur spécificité. Ils sont la propriété du groupe minier Vale. Leur fonction est avant tout l’export de minerais de fer et de manganèse. Si les deux ports du groupe Vale dominent le classement des ports sud-américains, le Brésil est largement présent dans les premières places. Ainsi, sur les dix premiers établissements, six ports brésiliens ont pris les premières positions. Derrière Ponta da Madeira et Tuburao se retrouvent Santos, Itaguaí/Sepetiba, Barroso puis Paranaguá. Le premier port non brésilien de la liste revient au Mexique avec le terminal de Cayo Arcas. Un terminal pétrolier situé dans la baie de Mexico. Il est doté de bouées de chargement de pétrole et réalise principalement ce type de trafic. En 2014, Cayo Arcas a réalisé un trafic de 41,3 Mt, en baisse de 13,8 %. En huitième position vient s’insérer de nouveau un port brésilien, Ilha Guaiba, dont la particularité est d’être un port sec situé à quelques kilomètres de Rio de Janeiro. Enfin, pour conclure sur les dix premiers ports, viennent celui de Golfo de Morrosquillo (Colombie) avec 39 Mt, et l’argentin San Lorenzo/San Martin avec 35,3 Mt. Le port argentin, situé sur le Río de la Plata, joue un rôle important pour le pays puisqu’il traite à lui seul quelque 35 % des exportations nationales de céréales, notamment sur le soja et le blé. Les ports de la côte Ouest sont plus éparpillés. Le premier port péruvien, Callao, se situe à la 13e place avec un trafic de 31,8 Mt, en progression de 9 %. Quant au Chili, il faut descendre à la 30e place pour trouver San Antonio avec 16,1 Mt. Si l’Argentine, pour sa part, affiche le port de San Lorenzo dans les dix premiers, il faut descendre à la 43e place pour trouver Bahía Blanca et à la 49e place pour Rosario. Enfin, sur le continent, l’Uruguay avec Montevideo se place en 44e position avec un trafic de 12,4 Mt. Dans son étude annuelle sur le système portuaire du continent réalisée en décembre 2015 pour la dernière édition, la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (Cepal) met en évidence le poids des ports dans la logistique de la conteneurisation. Les ports sud-américains ont traité plus de 2 Mdt par an, dont un peu moins d’un quart (470 Mt) concerne uniquement les conteneurs. Ainsi, entre 2005 et 2014, presque une décennie, le trafic conteneurisé a progressé de 74 %, soit un taux moyen annuel de 7 %.
Quarante ports réalisent 90 % du trafic
De 2005 à 2008, les ports ont affiché un taux de croissance à deux chiffres. Avec la crise économique, les trafics conteneurisés ont perdu de leur volume pour se redresser à partir de 2011. En 2015, le trafic conteneurisé a progressé de 1,7 % sur le continent. Cela confirme les chiffres des dernières années qui ont vu une hausse de 0,7 % en 2013 et de 0,8 % en 2014. Un trafic qui se concentre sur 40 ports qui réalisent 90 % du trafic. Au total, ces ports réalisent 53,1 MEVP quand 98 autres ports traitent 5,9 MEVP. L’augmentation du trafic se remarque sur la côte Ouest du continent qui progresse de 1,1 %. La côte Est, pour sa part, enregistre une baisse de 1,4 %. Une diminution qui tient aux mauvais résultats des ports brésiliens en 2015. Sur la côte Ouest, les ports chiliens progressent de 1,1 % quand ceux du Pérou accusent un repli de 3,6 %. Ils font contrepoids à la performance des ports de l’Équateur et de Buenaventura, sur la côte pacifique de la Colombie. Selon l’étude menée par la Cepal, les hausses de trafic sont liées à deux éléments majeurs. En premier lieu, les ports qui ont investi dans de nouvelles infrastructures ont vu automatiquement leurs trafics s’accroître. Ainsi, Carthagène (Colombie), Colon (Panama), Guayaquil (Équateur) ou encore Manzanillo et Vera Cruz au Mexique ont profité de leurs nouvelles installations pour grimper dans le classement. L’autre élément qui a profité aux ports a été la gestion des terminaux. L’entrée de plus en plus fréquente de grands groupes internationaux de manutention dans les ports a été pour ces derniers un élément de dynamique. APM Terminal, Hutchison Ports, ICTSI, Port of Singapore Authority ont pris position dans de nombreux ports de la région. En entrant dans le système portuaire régional, ces opérateurs ont apporté avec eux de nouvelles façons de travailler mais aussi une volonté de développer les ports en s’associant dans la construction de nouveaux quais. Pour les auteurs de l’étude de la Cepal, les réformes de l’organisation du travail portuaire menées au cours des deux dernières décennies portent aujourd’hui leurs fruits.
Entre 2010 et 2014, le continent sud-américain a connu 312 jours de grève dont 76 % sont liés à des questions salariales. La privatisation des ports n’entre que pour 7 %. D’un point de vue géographique, les ports chiliens ont enregistré à eux seuls 46 % de ces jours de grève, soit 143 jours.
Anticiper les mouvements sociaux
L’arrivée de nouveaux opérateurs privés avec des conditions opérationnelles impliquant de nouveaux moyens de manutention et une informatisation des opérations a permis aux ports sud-américains de rattraper une partie de leur retard par rapport aux autres établissements du monde. Les principales préoccupations des salariés portuaires se portent désormais davantage sur la formation et le maintien de l’emploi. Dans cette situation de progression vers une plus grande automatisation, les auteurs du rapport de la Cepal mettent en exergue les risques de mouvements à venir. « Il est important de créer des conditions pour anticiper les mouvements sociaux », notent les rapporteurs. Il faut s’appuyer sur le dialogue social entre toutes les parties de la chaîne logistique pour asseoir la croissance portuaire du continent sur le long terme. Parmi les solutions à mettre en œuvre, il est fait mention de la mise en place du mécanisme du dialogue social, de l’établissement d’un agenda commun sur le développement du travail, la formation, la validation des compétences et la contribution à l’amélioration les standards de sécurité.
Enfin, pour continuer dans cette voie de croissance du système portuaire, les auteurs de la note de la Cepal appellent à une nouvelle gouvernance des ports, à un meilleur équilibre entre centralisation et décentralisation. Ils pensent que certaines décisions, comme la planification et le développement territorial, doivent revenir à l’État. Il ne faut plus voir un port comme un lieu de passage des conteneurs mais s’intéresser à toutes les marchandises. Et surtout, le port doit intégrer dans sa gestion sa place au cœur de la ville et de l’économie locale.