Les choses sont cependant en train de changer grâce à l’essor progressif de l’Arc Nord. Ce jeune couloir logistique mise sur le transport par voie d’eau (notamment sur le rio Tapajós), et sur différents relais portuaires: entre autres, Barcarena, Santarém et la station de transbordement de Miritituba (tous les trois situés dans l’État du Pará), ou encore Santana (État de l’Amapá). Quant au port de São Luis (Maranhão), il représente une autre option pour écouler les céréales produites dans la région de Matopiba, formée par les États de Maranhão, Tocantins, Piauí et Bahia.
Le coût logistique, inférieur de 50 $/t, constitue le principal avantage de l’Arc Nord par rapport aux itinéraires traditionnels. Les opérateurs, de plus en plus nombreux à s’intéresser à ce nouvel itinéraire, ne s’y sont pas trompés. Pionnier, Bunge a eu recours à cette voie commerciale dès 2014. Amaggi (premier groupe mondial dans le soja) a investi 450 millions de réals (123 M€) entre 2013 et 2015 afin d’augmenter le volume de céréales transporté par le couloir logistique Madeira-Amazonas. La société a ainsi mis en activité un terminal d’usage privé à Porto Velho (État du Rondônia) et une station de transbordement à Itacoatiara (État d’Amazonas). Son ambition: atteindre une capacité fluviale de 5 Mt par an dans la région, soit une hausse de 80 %.
De son côté, le négociant américain de matières premières Cargill entend doper ses exportations via l’Arc Nord en lançant sa propre flotte fluviale, ce qui représente un investissement estimé à 120 millions de réals (33 M€). Ces barges, qui navigueront sur le rio Tapajós jusqu’à Santarém, complètent le dispositif logistique initié par la multinationale ces dernières années. Le programme d’investissements 2014-2016, d’un total de 675 millions de réals (185 M€), a été consacré à 82 % au développement logistique de l’Arc Nord. Cette enveloppe devrait permettre d’augmenter la capacité du port de Cargill à Santarém – en passant de 2 Mt à 5,5 Mt par an, principalement de soja – et d’installer une station de transbordement fluvial sur les rives du rio Tapajós, dans le district de Miritituba, d’ici à la fin de l’année.
Doublement du trafic annuel
La Cianport (Companhia Norte de Navegação e Portos) opère quant à elle entre sa station de transbordement de Miritituba et le port de Santana, où elle a créé un terminal cé-réalier. Un autre terminal d’usage privatif devrait compléter le dispositif dans l’île de Santana, permettant de quasiment doubler son trafic annuel et d’atteindre les 3,5 Mt. Enfin, Hidrovias do Brasil a commencé ses opérations en août, après avoir finalisé deux terminaux: l’un, situé à Miritituba (au carrefour entre la route BR-163 et le rio Tapajós), assure le transbordement du soja et du maïs, et l’autre à Vila do Conde, dans la municipalité de Barcarena. Une capacité de 6,5 Mt annuelles est prévue d’ici à cinq ans, tandis que des contrats décennaux ont été signés pour le transport de céréales avec les entreprises Multigrain, Noble Agri et Nidera.
En 2015, l’Arc Nord a ainsi affiché 20 Mt de soja et de maïs à l’export, contre 13 Mt l’année précédente. Soit une croissance de 54 % en volume. Les estimations tablent sur une capacité opérationnelle de 40 Mt à l’horizon 2020. La viande, les dérivés du bois et la canne à sucre devraient d’ailleurs venir étoffer ce trafic.
Mais quelques obstacles freinent l’envol de l’Arc Nord. Tout d’abord, les nombreuses concessions portuaires programmées dans la région par le gouvernement de Dilma Rousseff semblent finalement être passées aux oubliettes. De plus, la route BR-163 compte un tronçon de 200 km sans revêtement, ce qui complique le transport routier dans la zone, et aucune date n’est avancée pour un quelconque appel d’offres. Enfin, le projet Ferrogrão, qui consisterait à construire 1 000 km de voies ferrées entre le Mato Grosso et Miritituba, n’a toujours pas vu le jour.
De gros investissements en perspective
Santos Brasil, à la tête du principal terminal conteneurs d’Amérique du Sud, le Tecon Santos, sort le grand jeu. Après avoir reçu le feu vert du Secrétariat spécial aux ports pour un renouvellement anticipé de cette concession, la société a annoncé un vaste plan d’investissement de 1,28 milliard de réals (351 M€) pour agrandir et moderniser son terminal. Le quai d’accostage devrait ainsi passer de 980 m de long à 1 200 m, grâce au prolongement du quai du terminal d’exportation des véhicules (TEV). Cette extension permettra l’accostage simultané de trois navires post-Panamax, capables de transporter entre 7 000 EVP et 12 500 EVP. Un dragage permettra aux bassins du terminal d’atteindre 15 m de profondeur. Les quatre voies ferrées, qui comptent actuellement 400 m de long, doubleront de longueur afin de permettre l’entrée d’un train entier dans le terminal. Une nouvelle intégration intermodale éliminera le croisement entre les camions sortants et les lignes de trains. Les flux seront réorganisés afin de gagner en efficacité, les équipements seront modernisés. Les travaux, lancés cette année, devraient être conclus d’ici à quatre ans et permettre d’atteindre une capacité de 2,4 MEVP, contre 2 MEVP actuellement.
Le groupe Libra a également annoncé un vaste chantier de rénovation de ses terminaux à Santos, pour un montant de 750 millions de réals (206 M€). Le projet Libra Terminais Santos (PLTS) prévoit l’unification de trois terminaux (33,35 et 37) de l’entreprise, la modernisation des équipements, la construction d’un super bassin de 1 312 m et l’installation de nouveaux tronçons ferroviaires. La capacité devrait ainsi quasiment doubler et atteindre 1,6 m MEVP par an à l’horizon 2019.
De son côté, TCP, l’entreprise qui administre le terminal conteneurs de Paranaguá, a signé avec le gouvernement brésilien le renouvellement anticipé de son contrat de concession pour une durée supplémentaire de 25 ans. En contrepartie, TCP s’engage à injecter 1,1 milliard de réals (302 M€) dans la modernisation du terminal. La moitié de ces investissements est prévue d’ici à 2018. Parmi les travaux programmés figure principalement l’extension des quais d’accostage, qui passeront de 879 m à 1 099 m de long. Le terminal pourra accueillir trois navires en même temps et atteindre une capacité annuelle de 2,5 MEVP, contre 1,5 MEVP à l’heure actuelle.