Hanjin Shipping pèse lourd dans le monde de la conteneurisation. Avec 79 navires pour une capacité totale de 547 606 EVP, Hanjin Shipping se situe à la dixième place des armateurs conteneurisés, selon le classement d’Alphaliner. La mise en redressement de l’armateur suscite aujourd’hui des inquiétudes. Selon les derniers chiffres, quelque 500 000 conteneurs seraient actuellement immobilisés sur les navires ou dans les ports. Au 12 septembre, le site Internet d’Hanjin annonce 59 navires soit en attente devant un port, soit arrêté, soit sous embargo. La liste des navires est régulièrement mise à jour. Les navires affrétés ont été rendus à leur propriétaire sur demande des liquidateurs judiciaires afin d’éviter une hémorragie trop importante des créances.
Parallèlement à l’immobilisation des navires, les conteneurs qui sont actuellement dans les ports sont parfois difficiles à récupérer pour les chargeurs. « La préoccupation principale des chargeurs, dans un premier temps, est de libérer les conteneurs. En Europe, certains chargeurs peuvent prendre possession de leur conteneur sous la condition de payer les THC et de remettre une caution pour le conteneur qu’ils récupèrent lorsqu’ils déposent le conteneur vide », explique Fabien Becquelin, responsable transport maritime de l’AUTF. Une condition qu’il explique tout en nuançant: « Il ne faut pas non plus que le paiement des THC se fasse alors qu’elles ont déjà été réglées. Nous devons être vigilants sur ce point. »
« Le Black Friday approche »
La situation d’Hanjin Shipping n’a pas que des incidences financières pour les chargeurs, continue Fabien Becquelin. Ils sont parfois victimes du déchargement de leurs conteneurs dans des ports de pays entre l’Europe et l’Asie où ils ont été dégroupés. Ils doivent revoir leur chaîne logistique. Même s’il n’existe pas de moments opportuns pour une défaillance d’entreprise, la crise d’Hanjin intervient à la veille de la Peak Season quand la grande distribution commence ses approvisionnements pour les fêtes de fin d’année. Une situation qui n’a pas de conséquences qu’en Europe. Aux États-Unis, l’arrivée à grands pas de Thanksgiving et de Noël inquiète les détaillants. Ainsi, Samsung a annoncé qu’il avait pour 38 M$ de biens sur les navires d’Hanjin, ajoutant craindre que ces derniers ne puissent pas payer les frais de stationnement et que les biens soient saisis par les créditeurs de l’armateur. Idem pour LG, qui indique que 10 % à 20 % de ses exportations à destination de l’Amérique du Nord étaient confiées à Hanjin. « Nous avons besoin d’un autre transporteur pour le remplacer ». « Le Black Friday approche », a déclaré Cho Sung-Jin, chef de la section électroménager de LG, faisant référence à la journée qui suit la fête de Thanksgiving, connue pour sa frénésie d’achats à prix promotionnels, notamment sur l’électroménager. « Je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à la demande avec nos stocks actuels aux États-Unis », a précisé Cho Sung-Jin pour qui cette situation est « inquiétante ».
Certes, Korean Air a consenti à l’armement une caution de 60 milliards de wons (55 M$). Le groupe a de suite débloqué 36 M$ pour libérer une partie de la marchandise. Hanjin a aussitôt décidé de vendre trois de ses unités pour renflouer les caisses, mais cela risque de ne pas être suffisant.
En Europe, la situation dépend des ports. À Rotterdam, plusieurs milliers de conteneurs sont en attente. Au Havre, le port n’a pas reçu de navires d’Hanjin depuis le mois de mai. Le dernier conteneur embarqué destiné au marché français l’a été sur un navire le jour de l’annonce de la mise en redressement judiciaire. Et « Hanjin France reste en contact régulier avec ses clients et les chargeurs pour les tenir informés et trouver des solutions », nous a confié un proche du dossier. En effet, Hanjin est membre de l’alliance CKHYE, et ses clients peuvent ainsi décider de charger sur d’autres navires.