La campagne 2015-2016 s’achève sur une note positive pour les céréaliers français. Alors que le début de la campagne a été atone, les dernières semaines ont montré un retour en force des blés tendres sur le marché de l’exportation. Au fur et à mesure de la campagne, les exportateurs ont su trouver des débouchés pour les céréales françaises. Pour les blés tendres, l’exportation vers l’Union européenne (UE) devrait s’établir aux environs de 7 Mt et s’élever à 12,8 Mt pour les pays tiers, soit un record pour ce dernier score. Des données qui ont été grossissantes ces derniers mois. Le stock de report se réduit à 3,3 Mt mais reste malgré tout « supérieur de 700 000 t par rapport à la moyenne des cinq dernières années », indique la note conjoncturelle de FranceAgriMer de juillet. La campagne précédente s’est achevée sur une exportation de 7,8 Mt vers l’UE et de 11,4 Mt vers les pays tiers. Une dynamique à l’exportation qui a été portée par l’ouverture vers de nouvelles destinations des produits français, et notamment en Asie du Sud-Est et en Chine.
Révision à la hausse
Cette révision à la hausse des exportations des céréales françaises s’applique aussi sur le maïs dont les dernières estimations tablent sur 400 000 t à l’export, soit une hausse de 50 000 t par rapport aux dernières prévisions de FranceAgriMer. Quant à l’orge et au blé dur, les exportations sont prévues en stabilité pour les derniers mois, et devraient s’établir respectivement à 4,7 Mt et 500 000 t.
Le schéma des trafics céréaliers en France, notamment sur les blés, se décline aussi sur l’ensemble des principaux pays exportateurs. Selon le rapport du département de l’agriculture américain (USDA, United State Department of Agriculture) du mois d’août, les exportations de céréales sont revues à la hausse. Sur les neuf premiers mois de la campagne, l’UE estime aux environs de 36,4 Mt les céréales exportées. Un chiffre qui pourrait encore progresser. Dans le même temps, l’UE aura importé 16,2 Mt de céréales. La direction des statistiques de l’UE note une hausse conséquente des exportations de blé à 22,4 Mt au cours de la campagne précédente. Pour sa part, la France enregistre 8,4 Mt exportées, mais en retrait par rapport aux campagnes précédentes. Quant aux importations, elles progressent aussi sur l’ensemble de l’UE. Elles gagnent 40 % à 3,3 Mt. Des chiffres en hausse par rapport à la moyenne annuelle des cinq dernières années qui se situe aux alentours de 2,4 Mt. Des chiffres en hausse aussi pour les importations de maïs, de blé dur et les exportations d’orge quand les exportations de maïs et de blé dur sont en repli.
36,4 Mt exportées par l’UE
Le département américain de l’agriculture analyse les chiffres de la production et des trafics céréaliers sur la planète. Il note que la campagne 2015-2016 a été meilleure que la précédente. Elle a vu les trafics augmenter globalement de 11,5 %. Les importations, toutes céréales confondues, ont augmenté de 5,2 % à 340,8 Mt. Ces flux se composent principalement de blé et de maïs. À l’export, 348,7 Mt ont été exportées, soit une hausse de 4,8 %. L’UE demeure le premier ensemble du monde exportateur de blé avec plus de 33 Mt, suivi de près par la Russie avec 25,5 Mt, le Canada avec 22,1 Mt et les États-Unis avec 21,8 Mt. Le tiercé de tête des pays importateurs se compose de l’Égypte (11,9 Mt), l’Indonésie (9,9 Mt) et l’Algérie (8,2 Mt). Il convient de noter la montée en puissance de la Chine parmi les pays importateurs qui a pesé 3,4 Mt sur les marchés, soit presque le double par rapport à la campagne précédente.
Les indices des Panamax ont touché le fond
Ces trafics mondiaux en accélération sur la campagne 2015-2016 peuvent s’expliquer par plusieurs phénomènes. En premier lieu, la production mondiale de blé a été exceptionnellement bonne en 2015. Elle a atteint 734,8 Mt. Une hausse de 0,95 %. La consommation a suivi le mouvement et a progressé de 0,47 % à 709 Mt. Cette hausse de la production et de la consommation s’est combinée avec une baisse des taux de fret. Au cours de la campagne 2015-2016, les indices des taux de fret ont atteint parfois des niveaux au plus bas depuis des années. L’indice pour les Panamax a touché des fonds abyssaux. Au début de la campagne, en juillet 2015, les taux de fret des Panamax se sont établis aux environs des 1 000 points. Le 17 juillet, il a atteint un pic avec 1 162 points. Rapidement, tout au long de la campagne, les taux de fret des Panamax n’ont cessé de descendre avec quelques remontées erratiques. Au mois de décembre, soit à la moitié de la campagne céréalière, l’indice des taux de fret pour les Panamax s’évaluait à 410 points, soit moins de la moitié de ce qu’il était au début de la campagne et son plus bas niveau depuis sa création en 1998. Face à une baisse aussi drastique et un marché atone, les armateurs ont accepté des frets à n’importe quel prix, ont rapporté des analystes. Il aura fallu attendre le mois d’avril pour voir une nouvelle hausse des taux de frets sur les céréales. « C’est le seul mois de la campagne pour le moment au cours duquel les armateurs n’ont pas eu l’impression de s’être fait avoir », a expliqué un analyste de Braemar. Des taux qui ont notamment été boostés par la campagne céréalière sud-américaine qui a exporté une grande quantité de produits vers l’Asie, et un léger regain en Europe et en Méditerranée.
La campagne 2015-2016 finie, les opérateurs se tournent vers la récolte 2016. En France, les conditions météorologiques ont perturbé la production céréalière. Dans son rapport du 21 juillet, Cerealis note que la campagne céréalière 2016-2017 prend un mauvais départ. Dès la fin des premières récoltes, l’observateur note que la production française de blé pourrait se réduire de 10 % à 37 Mt. Et certains analystes grossissent le trait en envisageant une baisse de 20 % de la production de blé à 32 Mt. Les conditions météorologiques du printemps ont détruit une partie des récoltes voire amené des maladies. Les régions d’Ile-de-France, Nord et Est de la France ont été particulièrement touchées. Cette baisse de la production française va se trouver confrontée avec une hausse des principaux pays producteurs dans le monde. Ainsi, le peu de blé français ne devrait pas s’échanger à des niveaux élevés en raison d’une offre pléthorique. Dans son rapport mensuel, l’USDA estime que la baisse de production européenne sera largement compensée par les récoltes meilleures en Argentine, en Russie, au Kazakhstan, en Ukraine et au Canada. Dans ce contexte, même si les prévisions d’échanges de céréales sont en hausse, ils devraient demeurer en dessous des flux enregistrés au cours de la campagne passée.
La Russie, premier exportateur mondial de blé
Certains analystes imaginent déjà la Russie au premier plan des pays exportateur de céréales sur la campagne commencée en juillet. Le département américain de l’agriculture table sur plus de 30 Mt de blé exporté par la Russie. De son côté, l’Ukraine pourrait mettre sur le marché quelque 14,5 Mt et notamment des céréales pour l’alimentation animale. Outre leurs récoltes records, la Russie et l’Ukraine vont aussi bénéficier des mauvaises récoltes européennes pour prendre des parts de marché sur les pays importateurs. Outre sa faiblesse à l’export, l’Europe (et plus particulièrement la France) pourrait devenir un importateur net de céréales sur cette campagne. Il faudra voir avec les stocks de réserve pour alimenter le marché national et conserver des places sur les pays tiers. Pour Cerealis, « tout n’est pas pour autant négatif. La récolte historique de 2015 a laissé des stocks confortables dans l’Hexagone, bien que les exportations aient été très dynamiques vers des marchés historiques comme le Maghreb, mais aussi des destinations nouvelles comme le Mexique. Les stocks de 4,9 Mt (stocks à la ferme inclus) devraient, en tout cas dans l’immédiat, permettre de faire la jointure avec la prochaine récolte tardive et éviter toute rupture dans la commercialisation du blé », indique la note de conjoncture du mois de juillet.
Les flux de céréales au cours de la prochaine campagne céréalière devraient évoluer. L’Europe devenant importatrice, les taux de fret des Panamax pourraient retrouver des couleurs dans les prochaines semaines.