« La France a le devoir d’investir fortement dans la logistique, pour réduire ses coûts et gagner en réactivité »

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Journal de la marine marchande (JMM): quel bilan peut-on déjà tirer de la récolte 2016 en France, en Europe et dans le monde?

ÉRIC ALLAIN (É.A.): La récolte française a pâti cette année de mauvaises conditions météorologiques, tout particulièrement en mai et juin. Pluies soutenues et manque d’ensoleillement record ont fortement affecté les rendements dans une grande moitié nord de la France. Les régions les plus productrices ont été les plus touchées, certaines parcelles n’ont pas été récoltées, les inondations ont aggravé localement la situation début juin. Même si les chiffres ne sont pas encore tout à fait définitifs, la récolte de blé dépasse à peine 29 Mt cette année, au lieu des 41 Mt engrangées l’an dernier et une moyenne de 37,2 Mt sur les cinq dernières années.

La situation n’est guère plus brillante pour les orges et le blé dur, avec des moissons respectivement de l’ordre de 10 Mt et de 1,4 Mt. Le colza a certes moins souffert que les céréales à paille, mais la récolte s’inscrit également en baisse par rapport à l’an dernier, autour de 4,7 Mt. Seuls le maïs et le tournesol, semés et récoltés plus tardivement, pourront sans doute tirer leur épingle du jeu. Nous attendons une récolte de maïs grain au niveau de l’an dernier, soit un peu moins de 14 Mt, et une récolte de tournesol de l’ordre de 1,3 Mt.

Les échos qui nous parviennent de nos partenaires européens sont encore très partiels. Si les intempéries ont touché une bonne partie du nord de l’Europe, les récoltes semblent meilleures dans certains pays d’Europe centrale et orientale, comme la Roumanie et la Bulgarie. En revanche, elles sont aussi en baisse (entre 10 % et 20 %) en Allemagne, en Pologne et dans les pays baltes.

La récolte de céréales s’annonce très abondante à l’échelle mondiale, aux États-Unis et spécialement chez nos principaux concurrents comme la Russie et l’Ukraine, qui pourraient prendre des parts de marché sur nos destinations de proximité, du Maghreb jusqu’au Moyen-Orient.

JMM: la campagne céréalière 2015-2016 s’est achevée le 30 juin. Quelles ont été les tendances logistiques de cette année? Quelles ont été les conséquences des taux de fret bas au cours de la campagne sur les exportations et les importations?

É.A.: La filière céréalière française a réalisé une très bonne campagne d’exportation en 2015-2016, malgré un démarrage un peu lent pour le blé. D’après les dernières données douanières, la France a exporté 12,6 Mt de blé tendre et 4,7 Mt d’orges en grain en dehors de l’Union européenne. Le blé français a été très compétitif tout au long de la campagne. Il a retrouvé sa place habituelle sur le marché algérien, après avoir perdu des parts de marché en 2014-2015. La France a aussi servi massivement le Maroc, dont les récoltes de blé et d’orge 2016 ont été mises à mal par la sécheresse. En revanche, les destinations de l’Asie du Sud-Est sont en retrait par rapport à la campagne précédente, pendant laquelle ils avaient constitué un débouché important pour des blés fourragers à la faveur d’un taux de fret très bas.

Des destinations plus exotiques comme le Mexique ou l’Indonésie se sont ajoutées à la faveur de taux de fret particulièrement bas. Le Baltic Dry Index a, en effet, atteint son minimum historique en février, dans un contexte de ralentissement de l’économie mondiale et de recul de la demande chinoise.

Concernant les orges, la campagne s’est achevée sur l’excellent score de 4,7 Mt d’exportations vers les pays tiers. On doit ce résultat à des achats conséquents de la Chine en orges fourragères, en toute première partie de campagne, en plus des flux d’orges brassicoles traditionnels. L’Arabie Saoudite, gros importateur d’orges pour nourrir son cheptel, a pris le relais en seconde partie de campagne, mais aussi le Maroc.

L’importance des débouchés à l’exportation n’a pas empêché la France de satisfaire la demande communautaire. Nous avons aussi vendu à nos voisins européens près de 8 Mt de blé tendre, 6 Mt de maïs et 3 Mt d’orges, même si ces flux empruntent moins la voie maritime.

JMM: au cours de la campagne passée, constatons-nous un transfert des acheminements portuaires vers des modes plus massifiés comme le train ou le fluvial? Quelle est la politique de franceagrimer pour développer le réseau logistique massifié et aussi son intervention pour favoriser de nouvelles infrastructures, comme par exemple le cercle serqueux-gisors en ferroviaire, ou le canal Seine-Nord en fluvial?

É.A.: À ce jour, le basculement général des transports pondéreux vers la route continue, même si une forte prise de conscience s’est faite jour pour ralentir et si possible retourner cette évolution. Les filières agricoles s’impliquent ainsi avec l’État et les Régions dans l’entretien et la rénovation du réseau capillaire et l’organisation logistique ferroviaire. De nombreux investissements sont en cours en matière de transport fluvial comme le canal Seine Nord, mais aussi l’amélioration des installations de stockage et de transbordement partout en France, notamment afin de développer la multimodalité.

JMM: la logistique entre pour une part importante dans la vente des céréales. Franceagrimer souhaite-t-il s’impliquer davantage dans cette filière pour promouvoir les céréales françaises?

É.A.: La logistique et le transport représentent un enjeu crucial pour les matières agricoles pondéreuses comme les produits des filières grandes cultures, dans un marché mondialisé et concurrentiel. Face à des compétiteurs de plus en plus organisés, la France a le devoir d’investir fortement dans ce domaine pour réduire ses coûts et gagner en réactivité. Les filières agricoles doivent s’impliquer dans ces investissements comme dans l’organisation des transports, notamment ferroviaires et fluviaux. C’est une condition sine qua non pour répondre aux besoins de clients toujours plus exigeants. FranceAgriMer s’efforce de porter ce besoin, de l’organiser et de l’accompagner auprès des autorités comme des responsables de l’économie des transports.

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