Dans le rapport du Conseil économique, social et environnemental de décembre, Rémy-Louis Budoc, rapporteur, a souligné l’importance de l’industrie de la croisière dans les différents ports ultramarins français. « Le tourisme est aussi un secteur important pour le développement économique des outre-mer, en particulier le secteur de la croisière en progression ces dernières années dans plusieurs régions du monde comprenant des territoires ultramarins. Certains ports ultramarins ont également un rôle important dans le transport des habitants inter et intra-îles. »
Guadeloupe et Martinique en forte hausse
Au cours des dernières années, la croisière a fait un retour dynamique dans les paysages portuaires des différents ports. Ainsi dans les Caraïbes, à la fin de la dernière décennie, la Guadeloupe et la Martinique ont souffert d’une mauvaise image auprès des opérateurs de croisières. Pour les armateurs, les deux îles françaises ont souvent été décochées des catalogues. Un travail de fond entre les différents opérateurs de ces îles et une véritable volonté politique ont permis aux deux îles de revenir sur la scène internationale de la croisière.
En 2015, le Grand port maritime de la Guadeloupe, Guadeloupe Port Caraïbes, affiche un trafic en croissance au cours des trois dernières années. En 2013, Port Caraïbes a enregistré 892 000 passagers, tous trafics inclus, et en 2015, ce sont 1 098 234 qui ont transité par le port. Au total, le trafic passagers a augmenté de 23,1 % en trois ans. Il comprend le trafic inter-archipel, inter-îles et la croisière. Ce dernier s’affiche en forte hausse avec une progression de 48 % en 2014 et de 36,5 % en 2015. Sur les trois dernières années, la croisière a enregistré un doublement.
En Martinique, les chiffres s’inscrivent dans la même tendance. En 2013, le Grand port maritime de la Martinique a accueilli 154 070 croisiéristes. En 2015, cette donnée s’élève à 548 239 passagers. Sur les trois dernières années, la croisière y a progressé de 255 %.
Rémy-Louis Budoc l’a bien compris, la croisière peut jouer un rôle structurant dans les ports ultramarins, et notamment aux Caraïbes. Les excursions des croisiéristes ont des retombées sur l’économie locale. Dans les deux ports caribéens, la croisière est un enjeu de taille. Cette industrie est inscrite en bonne place dans les plans stratégiques. Port Caraïbes souhaite se placer dans une stratégie de port de base des croisières. Dans son premier rapport stratégique, il affiche sa volonté de se donner les moyens de sa politique en adaptant ses infrastructures. En 2015, le port est relié directement au centre-ville pour offrir aux passagers des sorties en ville aisées. En Martinique, la même politique s’est mise en place depuis plusieurs années. Avec les aménagements réalisés à la Pointe Simon, les armateurs ont de nouveau inscrit l’île française dans leur catalogue. La nouvelle gare maritime et la capacité d’accueillir des navires dans des anses autres que Fort-de-France sont des atouts que la Martinique met en avant.
Guyane: un potentiel à exploiter
Au sud des îles des Caraïbes, en Guyane, la croisière n’a pas le même engouement. Dans son rapport, Rémy-Louis Budoc rappelle, à propos de la Guyane que « l’activité de croisière est quasi inexistante (1 à 2 navires par an), mais mériterait d’être développée au regard des nombreux paquebots qui croisent au large des îles du Salut ». Les « célèbres » îles du Salut qui ont accueilli le pénitencier de la Guyane et le centre spatial de Kourou sont des atouts pour la Guyane, sans oublier le tourisme vert avec l’Amazonie à proximité.
Si le port de Dégrad des Cannes reçoit peu de navires, il s’agit de croisières avec une clientèle plus aisée et des navires de taille humaine. En avril, le Serenissima y a accosté. Les 80 touristes embarqués ont pu visiter Cayenne et le centre spatial. Ne disposant pas de quais adaptés à la croisière, l’accueil des navires de croisière se réalise sur les quais commerciaux. « Le port a mis en place une zone d’accès réglementée pour être en conformité avec les normes internationales de sûreté », a souligné le port. Et pourtant, selon l’autorité portuaire le potentiel de croisière reste encore à exploiter. En 2015, 28 paquebots ont escalé au large des îles du Salut, soit presque le double qu’un an auparavant, et le nombre de passagers a augmenté de près de 30 %.
La situation s’améliore pour La Réunion
À La Réunion, la croisière a payé les difficultés de la compagnie Costa Croisières. Le Cese, dans son rapport sur les ports ultramarins, analyse la situation de la croisière dans l’île de l’océan Indien qui a été difficile les premières années de la décennie. Il explique: « En 2013, seuls 11 paquebots de croisière ont fait escale contre plus d’une vingtaine en moyenne les années précédentes. Le nombre de croisiéristes a en conséquence fléchi à 16 326. L’activité de croisière, instaurée depuis décembre 2008, était assurée grâce aux rotations de quatorze jours dans l’océan Indien de l’armateur italien Costa Croisières. Cet armateur a rencontré des difficultés en 2012 et a concentré son activité sur les Caraïbes et l’Asie. » En 2015, la situation a été meilleure. Port Réunion a accueilli 39 954 passagers et 22 escales de paquebots. Une industrie qui a explosé de 87 % en 2015. Le retour en force de Costa Croisières a permis ce nouveau dynamisme.
Projets de développement en Nouvelle-Calédonie
Quant à la Nouvelle-Calédonie, elle profite de la proximité de l’Australie et d’un marché en plein essor. Depuis 2013, le Port autonome de Nouvelle-Calédonie a résolument tourné sa stratégie vers la croisière. « Le nouveau schéma directeur 2014-2025, adopté en 2014, est tourné vers le développement de la croisière pour recevoir deux paquebots simultanément et des études sont menées afin d’envisager des travaux pour accueillir les navires de 300 mètres de long », indique le rapport présenté en décembre par Rémy-Louis Budoc.
Depuis cette année, le nombre de croisiéristes a progressé de 20,6 % à 357 323 passagers. Le nombre d’escales est stable, se situant à 169 paquebots en 2015 et 2014. En 2013, Nouméa a reçu 146 navires, soit 15,7 % en trois ans. Pour l’autorité portuaire de Nouméa, la croisière constitue un axe majeur de développement. Parmi les investissements que le port prévoit, la construction d’une gare maritime sur Grande Rade pouvant recevoir deux, voire trois navires simultanément est à l’ordre du jour. Sur Petite Rade, le maintien de l’actuel terminal permettra de consolider la croisière. Les études de faisabilité ont été lancées en février et devraient s’étendre sur 11 mois. Parallèlement un comité de pilotage constitué les collectivités territoriales, la CCI, le port et toutes les parties prenantes autour de la croisière a été créé pour « plancher » sur une extension de cette filière à l’ensemble de la Nouvelle-Calédonie.