Avec l’amplification de la menace terroriste et les difficultés rencontrées pour endiguer le développement de la piraterie maritime, la sûreté est devenue une composante importante de la régulation en matière maritime. La sûreté maritime peut être définie comme la combinaison des mesures préventives visant à protéger le transport maritime et les installations portuaires contre les menaces d’actes illicites et intentionnels. Selon une fiche pratique établie par le Parlement français, la sûreté peut également se résumer simplement « en des mesures mises en place afin d’empêcher tout acte illicite, tout acte de malveillance à l’encontre des personnes ou du matériel » ou le terrorisme, la sûreté maritime est destinée à appréhender également tous les actes de malveillance tels qu’incendies volontaires, dégradations, mutineries pouvant porter atteinte à l’intégrité des passagers, etc.
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Les textes applicables en matière de sûreté sont issus de source internationale. Ainsi, l’Organisation maritime internationale (OMI) a ajouté à la Convention SOLAS déjà existante un nouveau chapitre (XI-1 et -2) intégrant le Code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires (Code ISPS). Ce Code ISPS, qui constitue la pierre angulaire de la réglementation en la matière est composé de deux grandes parties (la partie A contenant des règles d’application obligatoire et une partie B présentant des recommandations à l’attention des acteurs de l’industrie).
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En France, le Code ISPS a été rendu applicable par un décret no 2004-290 du 26 mars 2004 qui est applicable aux navires de transport à passagers, ce qui inclut les navires de croisière. Ce texte a été complété récemment par un décret no 2007-937 du 15 mai 2007 relatif à la sûreté des navires ainsi que par une kyrielle d’instructions et de notes techniques émanant des affaires maritimes et, en son sein, la mission sûreté des navires.
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Il est également important de préciser que l’Union européenne s’est dotée d’un règlement communautaire (CE) no 725/2004 du 31 mars 2004, directement applicable en droit français.
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Les sujets relevant de la sûreté maritime relèvent de la responsabilité de la direction des affaires maritimes (sous la responsabilité de la direction de la sécurité maritime et de la mission sûreté des navires). Cette compétence est exercée localement par diverses entités et bureaux de l’administration.
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La règle essentielle applicable en matière de sûreté maritime, qui est portée par le Code ISPS, tient au fait que la mise en œuvre de plans de sûreté et de leur certification par les autorités nationales ont pour vocation de protéger le navire de l’armateur ainsi que son équipage et les passagers, en identifiant en amont les risques éventuellement encourus afin de prévoir une protection de manière satisfaisante. Toutefois, le cadre juridique et la certification de la sûreté d’un navire n’ont pas pour vocation de lutter ou de traiter directement la menace dans la mesure où ce domaine reste du ressort des forces de protection du pavillon, le cas échéant pouvant être mis au service des armateurs dans certaines zones sensibles.
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En pratique, la sûreté maritime s’applique à la fois aux armateurs et aux installations portuaires. Cette dichotomie prend tout son sens dans le cadre de l’industrie de la croisière.
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S’agissant des navires, les armateurs sont tenus d’établir un plan de sûreté détaillant l’éventail des menaces possibles avec corrélativement les mesures de contrôle et de sûreté à appliquer par le bord, ainsi que les interdictions (par exemple interdiction de l’entrée d’un tiers dans la salle des machines), fonction spécifique de l’équipement (circuit CO2 destiné à la maîtrise d’un incendie, équipement de lances à incendie pour repousser une agression extérieure).
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Plus particulièrement, une note technique sur la certification sûreté des navires en date du 25 février 2015 reprend avec précision la description des équipements techniques de sûreté devant se trouver à bord d’un pavillon français:
– les différents moyens de communication;
– le matériel de contrôle, de défense passive et de défense active (notamment les lances à incendie précitées);
– le mode de gestion des armes dites déclarées selon une réglementation propre;
– la gestion d’une zone de repli à bord pour l’équipage;
– la cybersécurité afin d’éviter une interférence extérieure avec les systèmes de communication internes et vers la terre.
Sur le plan humain, les mesures de sûreté se traduisent comme suit:
– un agent de sûreté désigné à bord de chaque navire (Ship Security Officer ou SSO);
– un agent de sûreté désigné dans chaque armement (Company Security Officer ou CSO).
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L’autre volet de la sûreté maritime est la mise en place de mesures dans le cadre des infrastructures portuaires. Les ports français sont en effet tenus de se conformer au Code ISPS afin de présenter un niveau de sécurité élevé (le niveau à atteindre ou maintenir est fixé par le gouvernement en application d’une liste d’indicateurs stratégiques). Sur le plan pratique, les ports ont également l’obligation de respecter un certain nombre de prescriptions fonctionnelles concernant l’accès aux installations portuaires (personnes, marchandises, approvisionnements, etc.).
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Les installations portuaires ont également l’obligation d’établir un plan de sûreté permettant l’application de mesures concrètes nécessaires dans l’optique de protéger les personnes, les engins de transport, les navires et les installations portuaires contre les risques de sûreté. La validité des mesures de sûreté mises en œuvre dans les ports et contrôlées par les autorités étatiques et une déclaration de conformité sera délivrée à l’issue d’un contrôle périodique des installations. Il est à noter que les installations portuaires européennes sont en outre inspectées par une commission européenne de sûreté.
Concrètement, le plan de sûreté définit des niveaux de sûreté (1, 2 ou 3, le niveau 3 correspondant à un potentiel de menace grave), des tâches à accomplir, les exercices et les informations à effectuer et des personnes chargées de l’application du plan de sûreté. Les ports mettent en général en application les mesures suivantes:
– restriction de l’accès portuaire et contrôle des personnes voulant accéder au navire à titre professionnel;
– mise en place de badges et de contrôles à l’attention des visiteurs;
– inaccessibilité aux locaux sensibles du navire par le personnel portuaire;
– vigilance et sécurisation du matériel (digicode et badge automatique);
– coopération avec les services de gendarmerie maritime et des douanes françaises (exemple du Grand Port Maritime de Marseille après les attentats de Paris en novembre 2015);
– un officier de sûreté est désigné dans chaque infrastructure portuaire (Port Facility Security Office ou PFSO);
– un navire en visite dans une infrastructure portuaire doit appliquer au minimum le niveau de sûreté de cette dernière;
– une infrastructure portuaire peut avoir un niveau général de sûreté inférieur à celui d’un navire, tout en appliquant des mesures adéquates pour la zone du navire de niveau de sûreté supérieur;
– mise en place de protection extérieur (grilles, check points, etc.).