Le Journal de la marine marchande (JMM): Quel est le rôle du comité des armateurs fluviaux par rapport au tourisme fluvial, plus particulièrement dans son aspect croisières fluviales et paquebots fluviaux?
Didier Léandri (D.L.): Le Comité des armateurs fluviaux représente les croisiéristes opérant sur le réseau français au même titre que les bateaux promenades et les opérateurs de fret. Notre rôle est d’accompagner le secteur du tourisme fluvial en travaillant à l’établissement d’un cadre social, réglementaire, technique et économique propice au développement de l’activité.
J.M.M.: Quels sont les axes de travail du Caf pour les années à venir concernant le tourisme fluvial?
D.L.: Notre objectif est entièrement tourné vers la compétitivité de la filière du tourisme fluvial et vers la capacité d’accueil des nouveaux bateaux. Compétitivité d’abord, puisqu’il faut constater que dans la concurrence à laquelle se livrent les grands pays européens en matière de tourisme fluvial, la France, si elle a des atouts « naturels » indéniables, reste très chère à exploiter pour les croisiéristes: redevances d’escale, coût social élevé, taxes sur le carburant, « mille-feuille administratif » pour pouvoir exploiter, mise aux normes communautaires, tarifications d’usage non coordonnées par axe, etc.
Capacité d’accueil ensuite, parce que la France n’a pas su anticiper le développement important de la filière et considérer à leur juste mesure les retombées économiques associées. Si bien que nous manquons aujourd’hui cruellement d’escales, particulièrement sur l’axe Seine.
En définitive notre activité, peut-être parce qu’elle se développait presque spontanément ces dernières années, n’a pas suffisamment été accompagnée et nous en payons aujourd’hui le prix par un ralentissement du marché.
J.M.M.: Quel est le poids économique du tourisme fluvial et l’offre selon les bassins?
D.L.: Le nombre de passagers transportés en France en 2015 est proche de 12 millions, dont 8 millions en région parisienne. S’agissant de la croisière avec hébergement, l’offre se développe sur tous les bassins. Dix-sept unités sont arrivées entre 2014 et 2016 sur la Seine, le Rhône et la Gironde, et pour la première fois en 2015, une compagnie propose des croisières sur la Loire. On dénombre aujourd’hui 52 paquebots sur les fleuves de France.
J.M.M.: Quels peuvent être les freins au développement?
D.L.: Pour le secteur des bateaux à passagers, les aléas climatiques restent un facteur constant et déterminant pour les activités des opérateurs touristiques des circuits de promenades avec ou sans restauration (ensoleillement, pluviométrie, crues, etc.). En outre les attentats des mois de janvier et novembre 2015 à Paris pèsent désormais sur l’activité des entreprises du tourisme fluvial. Les compagnies de bateaux promenades subissent depuis le 13 novembre une diminution significative de la fréquentation, et les compagnies de bateaux de croisière avec hébergement constatent que leurs prévisions de réservations pour 2016 sont en baisse. Toutefois, à moyen terme, selon l’observatoire du tourisme en Ile-de-France, 55 % des professionnels prévoient une amélioration de leur activité.
J.M.M.: Qu’en est-il de la mission confiée à jacques maillot par le ministre des affaires étrangères et le secrétaire d’état aux transports en avril 2015 sur « comment faire de la france l’une des premières destinations mondiales de croisières maritimes et fluviales »?
D.L.: Le rapport Maillot n’a pas encore été rendu public, il le sera en septembre. Nous savons que les secrétariats d’État au tourisme et aux transports prennent aujourd’hui très au sérieux cette filière et prévoient des annonces fortes à l’occasion de cette publication.
J.M.M.: La conférence nationale sur le fret fluvial a-t-elle abordé le sujet du tourisme fluvial? si oui, sur quels points particuliers et quelles préconisations?
D.L.: Les travaux de la conférence nationale sur le fret fluvial se terminent. Le rapport sera remis dans le courant de l’été au secrétaire d’État aux Transports, Alain Vidalies. Bien que centré sur le fret fluvial, certaines des recommandations qu’il contiendra intéresseront le secteur du tourisme. Par exemple, sur le plan technique, pour faciliter l’accès des bateaux fluviaux aux zones estuariennes selon une demande ancienne de la profession. Ou sur le plan des services aux usagers fournis par VNF aux écluses, sur la fiscalité avec l’amortissement Macron et l’exonération des plus-values de cession, sur les nouvelles normes d’émissions polluantes à partir de 2019 (règlement européen dit EMNR). Mais à ce stade, ce ne seront que des recommandations faites au secrétaire d’État aux Transports, à charge pour lui de les suivre ou pas.
J.M.M.: Des annonces sur le tourisme fluvial devraient avoir lieu à la rentrée après avoir été attendues avant l’été. Quelles sont les pistes envisagées à ce jour?
D.L.: Sans entrer dans le détail de mesures qui là encore appartiennent au gouvernement, nous croyons savoir que la question des escales sera absolument centrale. Il est indispensable d’augmenter la capacité d’accueil, de remettre en état et développer des postes d’escales et de stationnement adaptés aux différents usagers. Il ne s’agit pas uniquement de postes à quai, mais d’un ensemble de services qui vont de l’accessibilité piétonne et automobile à l’alimentation en eau et en électricité et au traitement des déchets, en passant par une intégration paysagère et touristique avec les territoires. Les professionnels attendront aussi des réponses sur la compétitivité de leur filière.