Cadre et régime juridiques mêlent différents droits

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Dans le règlement no 1177/2010 du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne (UE) du 24 novembre 2010 concernant les droits des passagers voyageant par mer ou par voie de navigation intérieure, la croisière est définie comme « un service de transport par mer ou par voie de navigation intérieure exploité exclusivement à des fins de plaisance ou de loisirs, complété par un hébergement et d’autres prestations, consistant en plus de deux nuitées à bord ».

Si la croisière maritime existe depuis la fin du xixe siècle, il a fallu attendre ce règlement pour voir apparaître une définition de l’activité. « La définition du règlement no 1177/2010 met en lumière que le cadre et le régime juridiques de la croisière mêlent différents droits, puisqu’elle intéresse à la fois le droit maritime, le droit du tourisme et le droit de la consommation. Les sources de droit applicables à la croisière sont nationales, européennes et internationales », précisent Stéphanie Schweitzer, avocate associée au barreau de Paris, et Jean-Baptiste Charles, avocat au barreau de Paris, du cabinet Holman, Fenwick Willan France LLP (HFW).

Le règlement (CE) no 392/2009 du 23 avril 2009 relatif à la responsabilité des transporteurs de passagers par mer en cas d’accident constitue un autre texte juridique important pour le secteur de la croisière maritime. Ce règlement no 392/2009 a fait entrer en vigueur au sein de l’UE la convention d’Athènes de 1974 relative au transport par mer de passagers et de leurs bagages. Les deux règlements no 392/2009 et no 1177/2010 sont entrés en vigueur en 2012. Ils ont comblé l’absence de règles uniformes au sein de l’UE et ont fait suite à l’adoption du protocole de 2002 modifiant la convention d’Athènes de 1974, qui a notamment instauré une assurance obligatoire pour le transporteur maritime de passagers applicable en matière de croisières.

Un caractère hybride

Les deux avocats signalent que « de nombreux textes d’inspiration « consumériste » sont applicables en matière de croisière maritime. Il en va ainsi des dispositions de la réglementation européenne en matière de voyages à forfait avec une nouvelle directive (UE) no 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, abrogeant la précédente directive no 90/314/CEE du Conseil, applicable depuis le 1er janvier 2016 sur ce sujet ainsi que les dispositions du Code du tourisme, du droit de la consommation et des règlements relatifs aux droits des passagers ». Comme illustration du caractère hybride de la croisière maritime du point de vue du droit, du cadre et du régime juridiques, Stéphanie Schweitzer et Jean-Baptiste Charles donnent l’exemple d’un récent arrêt de la Cour de cassation (9 décembre 2015) « qui a tranché, non sans controverses, la question de l’application des dispositions du Code du tourisme en matière de forfait touristique à la croisière ». Dans son arrêt, la Cour de cassation a relevé que la responsabilité de l’opérateur de croisière devait être engagée sur le fondement de l’article L. 211-16 du Code du tourisme qui prévoit une responsabilité sans faute et présumée de la part de l’organisateur de voyages. « La Cour de cassation considère ainsi que la croisière constitue un forfait touristique dans la mesure où l’opérateur de croisière organise non seulement le transport des passagers mais aussi la totalité des opérations composant la croisière et l’ensemble des services touristiques complémentaires offerts à ce titre. »

Les droits des passagers

Concernant les passagers des croisières maritimes ou fluviales, le législateur européen a édicté des règles protectrices sur le modèle de celles déjà existantes dans le transport aérien, ferroviaire et routier. Le règlement no 1177/2010 impose ainsi aux opérateurs une obligation générale d’information tout au long de la croisière. Il prévoit notamment des mesures d’indemnisation en cas de retard ou d’annulation. Il porte une attention particulière aux droits des personnes handicapées ou à mobilité réduite (PMR) pour leur assurer « la possibilité […] de faire une croisière dans des conditions comparables à celles des autres citoyens ». Sur le plan pratique, « il faut notamment tenir compte du fait que la personne qui embarque à bord d’une croisière est tout à la fois un voyageur, un passager, un touriste et un consommateur », relèvent les deux avocats.

La responsabilité du transporteur

Concernant la responsabilité de l’organisateur de croisière en cas de lésions corporelles ou de mort, le règlement no 392/2009 distingue les dommages corporels résultant d’un événement maritime de ceux non causés par un événement maritime. Selon la convention d’Athènes de 1974, intégrée dans ce règlement, « événement maritime » désigne « le naufrage, le chavirement, l’abordage ou l’échouement du navire, une explosion ou un incendie à bord du navire ou un défaut du navire ». Cette liste, « qui semble limitative, conduit à déduire que les autres dommages sont ceux qui résultent d’accidents individuels, soit notamment la chute d’un passager lors de ses déplacements à bord du navire. […] Il doit s’agir également des dommages corporels résultant de la mauvaise exécution des prestations hôtelières fournies à bord du navire », expliquent Stéphanie Schweitzer et Jean-Baptiste Charles, à la lecture d’un fascicule du Jurisclasseur Transport Lexis Nexis consacré en avril 2013 au cadre et au régime juridique de la croisière maritime.

Les avocats soulignent que le règlement no 392/2009 relatif à la responsabilité des transporteurs de passagers par mer en cas d’accident renvoie aux stipulations de la convention d’Athènes de 1974 et prévoit dans son article 3.1: « En cas de préjudice résultant de la mort, de lésions corporelles d’un passager causées par un événement maritime, le transporteur est responsable dans la mesure où le préjudice subi par le passager pour un même événement ne dépasse pas 250 000 unités de compte ». Ils notent que « le transporteur peut toutefois s’exonérer en démontrant, par exemple, que l’événement maritime (naufrage, etc.) résulte d’un acte de guerre, d’hostilités, d’une guerre civile, d’un phénomène naturel de caractère exceptionnel, inévitable et irrésistible, ou résulte en totalité du fait qu’un tiers a délibérément agi ou omis d’agir dans l’intention de causer l’événement ». Ce mécanisme de plafonnement ou de limitation de la responsabilité du transporteur est une caractéristique essentielle du droit des transports.

Un certificat à bord du navire

En matière d’assurance, « le règlement no 392/2009 a considérablement renforcé le régime en instaurant une obligation de mettre en place une assurance ou une garantie financière couvrant la responsabilité du transporteur maritime (à l’instar des agents de voyage et tours opérateurs), tant pour les risques ordinaires que pour les risques de guerre et de terrorisme », relèvent Stéphanie Schweitzer et Jean-Baptiste Charles. L’obligation s’applique aux navires pouvant transporter plus de 12 passagers et ne concerne pas les unités opérant dans les eaux intérieures La preuve de la souscription de l’assurance par le transporteur maritime est apportée par la détention d’un certificat délivré ou visé par l’autorité compétente de l’État d’immatriculation du navire qui doit être être conservé à bord du navire.

Autre renforcement du régime d’assurance, le règlement no 392/2009 reconnaît au passager un droit d’action directe contre l’assureur du transporteur ou toute personne fournissant la garantie financière. Les modalités d’exercice d’une telle action sont toutefois limitées et encadrées en fonction du droit applicable.

Croisières fluviales, pas de convention internationale

Concernant les croisières fluviales, Stéphanie Schweitzer, avocat associée au barreau de Paris, et Jean-Baptiste Charles, avocat au barreau de Paris, du cabinet Holman, Fenwick Willan (HFW) France LLP mettent en avant un arrêt de la Cour de cassation du 16 avril 2015 constituant l’une des rares décisions publiées dans ce domaine qui connaît pourtant un développement soutenu. Celui-ci retient qu’en matière de croisières fluviales, la responsabilité du transporteur est jugée selon le droit commun de la responsabilité. « Dans cette espèce, lors d’une croisière fluviale, un passager avait levé le bras au passage d’un pont pour en toucher la voûte et s’était gravement blessé à la main. Les juges avaient appliqué les dispositions du Code civil et retenu d’ailleurs un partage de responsabilités entre le transporteur et la victime ». Pour les deux avocats: « À la différence de la croisière maritime, il n’existe pas de convention internationale applicable à la croisière fluviale ». La seule convention internationale existante est la convention de Budapest du 22 juin 2001 applicable uniquement aux transports internationaux de marchandises. Il existe également un maintien en Alsace-Moselle du droit fluvial local constitué par la loi du 15 juin 1895 sur les rapports de droit privé dans la navigation intérieure. « Toutefois, le même raisonnement qu’en matière de croisières maritimes pourrait trouver à s’appliquer. En effet, la croisière fluviale étant fréquemment incluse dans une prestation plus vaste pouvant être assimilée à un forfait touristique, le régime de responsabilité applicable à l’organisateur de la croisière serait celui prévu par l’article L.211-16 du Code du tourisme prévoyant le principe de la responsabilité de plein droit de cet organisateur à l’égard de l’acheteur. »

Croisières fluviales, pas de convention internationale

Concernant les croisières fluviales, Stéphanie Schweitzer, avocat associée au barreau de Paris, et Jean-Baptiste Charles, avocat au barreau de Paris, du cabinet Holman, Fenwick Willan (HFW) France LLP mettent en avant un arrêt de la Cour de cassation du 16 avril 2015 constituant l’une des rares décisions publiées dans ce domaine qui connaît pourtant un développement soutenu. Celui-ci retient qu’en matière de croisières fluviales, la responsabilité du transporteur est jugée selon le droit commun de la responsabilité. « Dans cette espèce, lors d’une croisière fluviale, un passager avait levé le bras au passage d’un pont pour en toucher la voûte et s’était gravement blessé à la main. Les juges avaient appliqué les dispositions du Code civil et retenu d’ailleurs un partage de responsabilités entre le transporteur et la victime ». Pour les deux avocats: « À la différence de la croisière maritime, il n’existe pas de convention internationale applicable à la croisière fluviale ». La seule convention internationale existante est la convention de Budapest du 22 juin 2001 applicable uniquement aux transports internationaux de marchandises. Il existe également un maintien en Alsace-Moselle du droit fluvial local constitué par la loi du 15 juin 1895 sur les rapports de droit privé dans la navigation intérieure. « Toutefois, le même raisonnement qu’en matière de croisières maritimes pourrait trouver à s’appliquer. En effet, la croisière fluviale étant fréquemment incluse dans une prestation plus vaste pouvant être assimilée à un forfait touristique, le régime de responsabilité applicable à l’organisateur de la croisière serait celui prévu par l’article L. 211-16 du Code du tourisme prévoyant le principe de la responsabilité de plein droit de cet organisateur à l’égard de l’acheteur. »

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