Le navire arrive devant un premier jeu de doubles portes qui s’ouvrent alors sur la première des trois chambres, alimentée comme les autres par un jeu de trois bassins. Ilya Espino de Marotta, vice-présidente exécutive de l’ingénierie et de l’administration des programmes de l’Autorité du canal de Panama (ACP), résume: « Ce qui nous rend nos nouvelles écluses complètement uniques, c’est le fait d’avoir choisi un système de bassins de cette dimension qui recycle l’eau. En 17 minutes, les nouvelles écluses se remplissent. Une fois le navire passé de l’autre côté des doubles portes, l’eau va se vider dans trois bassins puis revenir alimenter l’écluse afin de réutiliser 60 % de l’eau pour le passage suivant. » Alors que jusqu’à présent, toute l’eau était rejetée dans l’océan.
Chacune des 16 portes des nouvelles écluses fait 56 m de large, 31 m de haut et 10 m d’épaisseur. Construites en Italie, leur conception a pris plus de huit mois et chacune revient à 350 M$. Pourtant, en août, quand elles ont toutes fini par être livrées et que la mise en eau à eu lieu, des fissures sont apparues. « Il a fallu rajouter des barres d’acier, renforcer tous les murs liés aux portes. Mais nous avons résolu ce problème d’ingénierie », rassure la pilote en chef du chantier pour l’ACP.
4 000 t à faire coulisser
Pour faire coulisser ces 4 000 t, il a fallu innover. Des caissons de flottaison ont été amenés sous la porte pour en réduire le poids et le ramener ainsi à près de 400 t. C’est le seul moyen pour qu’elles puissent avancer sur les 55 m de large de chaque chambre. Et pour permettre le va-et-vient de l’eau entre les bassins et la chambre dans laquelle se trouve le navire, chaque écluse est équipé de 76 valves. « Seize valves permettent d’amener l’eau du lac à l’océan. Puis chaque chambre a 12 valves de conduite sur ses murs pour égaliser l’eau des bassins vers les chambres. Et huit petites valves peuvent ajuster les 10 cm d’eau d’écart qui peuvent être déversés d’une chambre à l’autre », détaille Andres Vermeire, ingénieur en automatisation pour la société belge Jan de Nul, l’une des quatre à faire partie du consortium Groupement Unis pour le canal (GUPC).
À 32 ans, Andres Vermeire a conçu tout le système de commandes de ces nouvelles écluses dont les 35 000 informations qu’il traite sont reçues en temps réel sur les 17 écrans de la tour de contrôle venant de 17 bâtiments différents. « Nous avons mis cinq ans et demi à le réaliser et beaucoup de temps à convaincre l’ACP d’abandonner l’idée d’un système centralisé et manuel qui comporte trop de risques d’erreur. Ce n’était pas assez puissant et trop dangereux. C’est unique au monde. »
Les chiffres de l’expansion
• 5,48 Md$ dépensés
• 41 088 travailleurs de 71 nationalités
• Neuf ans de chantier pour un contrat de 1 833 jours, 20 mois de retard
• 192 000 t de structures d’acier, l’équivalent de 19 tour Eiffel
• 4,4 Mm3 de béton, de quoi construire 56 Empire State Building
• 150 Mm3 de terre déplacée
• 12 Mt de basalte, le poids de deux pyramides de Khéops
• 18,3 Mkg d’explosifs
• Deux nouvelles voies d’accès: 6,1 km côté Pacifique et 3,2 km côté Atlantique
• 200 tests de contrôle réalisés sur 300 scénarios possibles
• Une chambre, c’est: 427 m de longueur, soit quatre terrains de football; 55 m de largeur, soit trois terrains de basket; 18,3 m de profondeur, soit un immeuble de six étages
• Durée de passage des nouvelles écluses: 154 mn
• Temps d’ouverture d’une porte coulissante: 4,5 mn
• Distance d’un océan à l’autre: 50 km contre 12 000 km en passant par le Cap Horn
• 136 réservations de post-Panamax pour les 18 prochains mois