Réalisée conjointement par la BAfD, l’OCDE et le PNUD et diffusée le 23 mai, la 15e édition des Perspectives économiques en Afrique (PEA) analyse les progrès du continent sur le plan économique, social ainsi qu’en matière de gouvernance, et présente les perspectives pour les deux ans à venir. Selon le résumé, « malgré la morosité de la conjoncture internationale, le repli des cours des produits de base et, dans certaines régions, des conditions météorologiques peu favorables, la croissance économique de l’Afrique a bien résisté en 2015 ». Le PIB, en volume, a progressé au rythme moyen de 3,6 %, soit davantage que la moyenne mondiale (3,1 %) et deux fois plus vite que dans la zone Euro. L’Afrique confirme ainsi sa deuxième place dans l’économie mondiale pour la rapidité de sa croissance, derrière les pays émergents d’Asie. Les prévisions tablent sur une reprise progressive en Afrique en 2016 (3,7 %) et 2017 (4,5 %) sous conditions: un redémarrage de l’économie mondiale et un redressement progressif des cours des produits de base.
Plusieurs facteurs intérieurs expliquent la résilience africaine, continue le résumé. Côté offre, des conditions météorologiques favorables à l’agriculture ont dopé la croissance dans certains pays, même si la sécheresse et les inondations ont pénalisé l’Afrique australe et de l’Est. Dans les pays riches en ressources, la croissance s’est tassée, l’investissement et les dépenses publics étant plombés par la chute des cours des produits de base. Dans plusieurs pays, l’essor de l’activité manufacturière achoppe toujours sur des problèmes récurrents d’alimentation électrique. Côté demande, la consommation privée et les investissements dans le secteur de la construction sont restés les deux grands ressorts de la croissance, signe qu’ils ont relativement bien résisté aux chocs extérieurs. « Mais la langueur de la demande mondiale a freiné la progression des exportations africaines, de minerais et de pétrole notamment, tandis que les attentats terroristes et les problèmes de sécurité dans certains pays ont eu des effets préjudiciables sur le tourisme », souligne le résumé.
Dans de nombreux pays, les pressions budgétaires s’intensifient, ce qui impose plus que jamais de maintenir l’endettement à un niveau soutenable. Globalement, les gouvernements continuent de faire preuve de prudence, en limitant les dépenses et en améliorant le recouvrement des impôts. La dépréciation rapide des taux de change et l’affaiblissement des balances courantes ont attisé l’inflation importée, d’où la décision dans les pays touchés de durcir la politique monétaire pour atténuer les pressions inflationnistes. Dans certains cas, la baisse du prix de l’énergie a bridé l’inflation, libérant un espace supplémentaire pour assouplir la politique monétaire et, en abaissant les taux d’intérêt, relancer la croissance. En 2015, les flux financiers nets en direction de l’Afrique sont estimés à 208 M$, soit 1,8 % de moins qu’en 2014, sous l’effet d’une contraction de l’investissement, selon les PEA. À 56 Md$ en 2015, l’aide publique au développement a toutefois augmenté de 4 %. Les envois de fonds restent la source de financement extérieure la plus stable et la plus importante avec 64 Md$ en 2015. L’Union européenne devrait rester le premier partenaire commercial du continent en 2016 et 2017, estime le document.
Un développement humain trop faible
« Les progrès en termes d’éducation, de santé et de niveaux de vie se poursuivent, mais ils sont trop lents. » En 2015, quelque 879 millions d’Africains vivaient dans des pays à faible développement humain pour 295 millions d’entre eux vivant dans des pays affichant un niveau moyen ou élevé de développement humain. « Les inégalités entre pays, à l’intérieur des pays ainsi qu’entre hommes et femmes constituent autant d’entraves, tout comme le manque de débouchés pour les jeunes, la faiblesse de la transformation structurelle, surtout dans les secteurs où sont concentrés les groupes marginalisés comme l’agriculture ou l’économie informelle », poursuit le résumé.
Réduire les tensions sociales
Selon les PEA 2016, le continent connaît un rythme d’urbanisation inégalé dans son histoire, associé à une croissance démographique sans précédent: la population urbaine a doublé entre 1995 et 2015, année où elle a atteint le chiffre de 472 millions d’habitants. Cette urbanisation de l’Afrique contribue au développement humain, mais pas pour tous. Les nouvelles stratégies doivent donc s’attaquer à la pauvreté urbaine grandissante. « Des politiques urbaines nouvelles et de vaste portée sont nécessaires pour transformer les villes africaines en moteurs de croissance et de développement durable à l’échelle du continent », conseillent les auteurs du rapport.
Les tensions entre groupes sociaux, sous-tendues par l’exclusion économique, politique et sociale, ne seront résolues que quand chaque citoyen sera assuré de pouvoir subsister à ses besoins et d’accéder à des services de qualité. « À charge aussi, pour les gouvernements, d’assurer la sécurité, promouvoir les droits de l’homme et de la femme et protéger les membres les plus vulnérables de la société », alerte le résumé.
Le rôle fondamental des gouvernements
D’après les PEA, à moyen terme, la poursuite de l’amélioration de l’environnement des affaires et l’expansion rapide des marchés régionaux pourraient constituer de nouvelles sources de croissance pour le continent. L’essor du commerce intrarégional, notamment, traduit l’élargissement des perspectives de diversification offertes aux producteurs africains. L’Afrique peut aussi compter sur un atout important: la jeunesse de sa population. Mais pour en tirer pleinement parti, les gouvernements doivent mettre en place et en œuvre des politiques adaptées. Pour améliorer significativement la vie des Africains, les gouvernements doivent œuvrer avec détermination à accélérer la croissance économique et à la rendre plus inclusive. « Trois Africains sur quatre – contre un être humain sur cinq à l’échelle mondiale – vivent toujours dans des conditions déplorables », notent les PEA. Pour atteindre les objectifs de développement fixés par les institutions africaines et la communauté internationale, les pays africains doivent approfondir les réformes structurelles et réglementaires, favoriser la stabilité macroéconomique et s’atteler aux problèmes d’approvisionnement énergétique afin de lever les obstacles à la transformation économique.
L’Afrique de l’Est devance l’Ouest
Depuis 15 ans, l’Afrique affiche des résultats économiques impressionnants, avec une progression moyenne du produit intérieur brut (PIB) en volume de plus de 5 % entre 2001 et 2014, contre une performance à peine supérieure à 2 % dans les années 1980 et 1990, rappelle l’édition 2016 des Perspectives économiques en Afrique (PEA) publiées le 23 mai. Toutefois, depuis deux ans, le rythme s’essouffle et cette tendance devrait se prolonger en 2016, avant la reprise attendue en 2017, continue le rapport. La croissance du continent subit les contrecoups de l’atonie de l’économie mondiale et de la chute des cours des principaux produits de base, même si la demande intérieure, l’amélioration des conditions de l’offre, une gestion macroéconomique prudente et des apports financiers extérieurs propices rééquilibrent la donne. Les PEA 2016 tablent sur un redressement progressif de l’économie mondiale sur fond de lent raffermissement des cours des matières premières. Mais la fragilité de cette reprise et la volatilité extrême des cours rendent ces prévisions éminemment incertaines. Le rapport explique que l’Afrique de l’Est continue de connaître les taux de croissance les plus élevés, devant l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, puis l’Afrique australe et l’Afrique du Nord. Pour les deux ans à venir, « à condition d’une embellie progressive de la conjoncture internationale et nationale, la croissance devrait s’accélérer dans toutes les régions en 2016 et 2017 », assure le rapport.