Nouveau code des douanes: « une révolution pour notre profession »

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Journal de la marine marchande (JMM): le code des douanes de l’union (CDU) est entré en application au 1er mai. quels sont les changements qu’il apporte concrètement pour les opérateurs du transport maritime?

Anne Sandretto (A. S.): Les conséquences impactent particulièrement la profession de commissionnaire en douane qui devient celle de représentant en douane dans le nouveau CDU. Les organisateurs de transports internationaux, notamment maritimes, sont également bien souvent des professionnels du dédouanement. La représentation en douane est désormais ouverte à toute personne physique ou morale qui réalise pour elle-même ou pour le compte d’autrui des opérations douanières. Il s’agit là d’une situation concurrentielle exacerbée qui présente à la fois avantages et risques.

JMM: quel est le cadre réglementaire de ce nouveau statut de représentant en douane?

A. S.: Aujourd’hui, la libéralisation totale du dédouanement nécessite un cadre professionnel minimum. Les articles 39-d et 18-3 du CDU introduisent le critère de compétence en douane, qui permettra d’évaluer l’expertise douanière et de conserver une bonne qualité de services des opérations en douane. Tout opérateur qui souhaite obtenir le statut d’opérateur économique agréé (OEA) devra prouver qu’il respecte des critères en matière de compétence ou de qualification professionnelle dans le domaine de la douane. Ce critère de compétence s’appliquera également pour tout représentant en douane souhaitant offrir ses services dans un État membre autre que celui dans lequel il est établi.

Trois possibilités sont offertes dans le texte du CDU: trois ans d’expérience, un diplôme qualifiant, ou bien encore la certification à un standard de compétence européen. La notion de représentant en douane élargit le périmètre fonctionnel de notre activité. L’offre de services ne se limite pas à la déclaration douanière mais s’ouvre au conseil et à l’expertise en commerce international. Le périmètre géographique s’élargit également. Un représentant en douane pourra désormais exercer des prestations douanières dans les autres États membres. Il s’agit là d’une complète révolution pour notre profession.

JMM: comment le transport maritime va-t-il s’adapter à ces nouvelles réglementations?

A. S.: Le CDU est entré en application le 1er mai, mais une période transitoire juridique et administrative de trois ans est prévue. Les autorisations douanières accordées avant la date du 1er mai pourront perdurer le temps de leur validité dans la limite de la phase transitoire (soit au plus tard fin avril 2019). Les opérateurs bénéficiant déjà du statut OEA auront encore le temps de remplir les nouveaux critères d’exigences avant la prochaine vérification de leur statut. Le statut OEA est un label qualité pour les processus douaniers et sûreté-sécurité. Le CDU réserve en effet aux entreprises certifiées OEA un accès quasi exclusif aux nouvelles autorisations douanières. C’est le cas du dédouanement centralisé communautaire. Une période de transition informatique est également prévue jusqu’au 31 décembre 2020, ce qui permettra aux douanes et aux opérateurs d’adapter l’ensemble des systèmes informatiques interopérables.

JMM: quel est l’impact du cdu sur la compétitivité des opérateurs du commerce international?

A. S.: J’évoquais une situation de concurrence exacerbée à l’échelle européenne. Elle concerne l’ensemble des opérateurs de transport international et les représentants en douane, autant les opérateurs privés que les instances portuaires, les grandes plates-formes logistiques et les administrations douanières elles-mêmes. L’attractivité d’un État membre va se jouer sur sa capacité à offrir le meilleur point d’entrée et de sortie des marchandises en Europe. Cela dépendra de la rapidité de mise en œuvre de solutions techniques et réglementaires performantes dans une étroite collaboration entre les services privés et les services administratifs. La douane se retrouve ainsi au cœur de la chaîne logistique, elle doit travailler en concertation et coordination avec les opérateurs. C’est un défi que les pays du nord de l’Europe (Belgique, Pays-Bas, Allemagne) sont prompts à relever. La Belgique a déjà publié le 6 avril l’arrêté royal définissant les nouvelles modalités d’application de la profession de représentation en douane. Les délais administratifs en France restent longs. Un exemple concret récent: les modalités d’application de la proposition de loi adoptée le 10 mars par le Sénat concernant l’autoliquidation pour tous de la TVAI ne sont toujours pas publiées, et aucun calendrier n’est pour l’instant transmis aux opérateurs.

JMM: le CDU apporte-t-il une réelle simplification pour les entreprises importatrices/exportatrices?

A. S.: Je ne suis pas certaine qu’il s’agisse réellement de simplification, je parlerais plus volontiers de complexification. Le renforcement des mesures de sécurité et de lutte contre le terrorisme rend le maintien de la fluidité des trafics de marchandises difficile. Le code des douanes se présente dans sa nouvelle version en quatre grands textes: le code de l’Union, les dispositions d’application, les actes d’exécution et le règlement sur la phase transitoire. L’évolution va donc dans le sens de la complexité, mais cette évolution renforce également la notion de compétence en douane dont nous avons parlé. Dans ce nouveau contexte de CDU, la Commission européenne (DG Taxud) a publié le Customs Framework, qui définit la compétence en matière douanière pour les agents de l’État. Ce cadre se base sur 21 compétences identifiées. La Commission européenne a ressenti également le besoin d’harmonisation des compétences pour les douaniers. TLF Overseas, à travers ses organisations professionnelles, représentatives au niveau européen, a lancé le projet de création d’un standard européen de compétence en douane. Cele-ci serait, pour les professionnels du dédouanement, un outil de valorisation marketing certain.

JMM: le dédouanement centralisé communautaire expose-t-il davantage aux risques en matière de sûreté?

A. S.: Non, pas du tout. La centralisation du dédouanement communautaire ne remet pas en cause le système de déclaration de sûreté-sécurité et l’obligation de déclaration avant toute entrée et sortie du territoire communautaire. En revanche, le jour où la centralisation sera réellement appliquée au niveau européen, la concurrence à ce niveau entre toutes les administrations et les professionnels du dédouanement s’en trouvera amplifiée. En matière de sûreté, l’Europe a fait depuis longtemps le choix de favoriser l’analyse de risque anticipé plutôt que de scanner systématiquement les cargaisons, comme prévu par la législation aux États-Unis. Le risque se gère déjà en amont, l’exigence d’information sur la marchandise est particulièrement forte. La Commission européenne, à travers le CDU, exige des informations plus précises à renseigner pour une meilleure qualité de l’analyse de risques: classification exacte des produits transportés, et à terme, pour le transport maritime, la mention des noms du vendeur et de l’acheteur de ces produits. Jusqu’à présent pour le maritime, les déclarations sommaires de sûreté devaient être faites avant le chargement de la marchandise, alors que pour l’aérien, cette déclaration était exigée au plus tard quatre heures avant l’arrivée de l’avion. Désormais, ces déclarations en aérien devront également être effectuées avant chargement dans l’avion. Si l’analyse par les administrations douanières de ces données ne donne pas pleine satisfaction, une cargaison peut être frappée d’une interdiction de charger (« do not load »). Le nouveau CDU prévoit un système où les différentes parties impliquées pourront venir enrichir la base avec leurs données respectives afin d’affiner l’analyse de risque. Nous parlons de « dual filing » et de « multiple filing ». Les compagnies maritimes transmettront les informations liées au voyage, et les organisateurs de transport et/ou leurs clients pourront entrer les informations requises sur la marchandise. Ces applications seront possibles dès l’achèvement des travaux informatiques, au plus tard en 2020.

JMM: quelles sont les adaptations nécessaires pour le représentant en douane au regard du CDU?

A. S.: Les entreprises qui resteront compétitives sur le marché sont celles qui sauront investir dans les compétences humaines, au-delà du contrôle nécessaire des process informatiques. La formation est un enjeu majeur de ces futurs développements, notamment sur le marché du digital en expansion. TLF Overseas, en partenariat avec l’Aftral (organisme de formation professionnelle en transport et logistique en France et en Europe), a mis à jour les modules de formation initiale de la Fiata (Fédération internationale des associations de transitaires et assimilés) et développé un nouveau module de formation continue. Le CDU peut représenter une opportunité, à condition de développer une véritable offre française collaborative public-privé.

Représentant en douane

L’article 18, dans les dispositions générales du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union, régit le cadre des activités du « représentant en douane »:

1. Toute personne peut désigner un représentant en douane. Cette représentation peut être soit directe, auquel cas le représentant en douane agit au nom et pour le compte d’autrui, soit indirecte, auquel cas le représentant en douane agit en son nom propre, mais pour le compte d’autrui.

2. Le représentant en douane est établi sur le territoire douanier de l’Union. Sauf dispositions contraires, il est dérogé à cette exigence lorsque le représentant en douane agit pour le compte de personnes qui ne sont pas tenues d’être établies sur le territoire douanier de l’Union.

3. Les États membres peuvent déterminer, conformément au droit de l’Union, les conditions dans lesquelles un représentant en douane peut fournir des services dans l’État membre dans lequel il est établi. Toutefois, sans préjudice de l’application de critères moins stricts par l’État membre concerné, un représentant en douane satisfaisant aux critères fixés à l’article 39, points a) à d), est autorisé à proposer ces services dans un État membre autre que celui dans lequel il est établi.

4. Les États membres peuvent appliquer les conditions déterminées conformément à la première phrase du paragraphe 3 aux représentants en douane qui ne sont pas établis sur le territoire douanier de l’Union.

Dédouanement centralisé

Article 179

1. Les autorités douanières peuvent, sur demande, autoriser une personne à déposer auprès d’un bureau de douane compétent pour le lieu où cette personne est établie une déclaration en douane concernant des marchandises présentées en douane à un autre bureau de douane.

L’obligation d’autorisation visée au premier alinéa peut être levée lorsque la déclaration en douane a été déposée et que les marchandises ont été présentées à des bureaux de douane sous la responsabilité d’une seule autorité douanière.

2. Le demandeur de l’autorisation visée au paragraphe 1 est un opérateur économique agréé pour les simplifications douanières.

3. Le bureau de douane auprès duquel la déclaration en douane est déposée:

a) surveille le placement des marchandises sous le régime douanier concerné;

b) procède aux contrôles douaniers aux fins de la vérification de la déclaration en douane visée à l’article 188, points a) et b);

c) au besoin, demande que le bureau de douane auquel les marchandises sont présentées procède aux contrôles douaniers aux fins de la vérification de la déclaration en douane conformément à l’article 188, points c) et d);

d) accomplit les formalités douanières aux fins du recouvrement du montant des droits à l’importation ou à l’exportation correspondant à l’éventuelle dette douanière.

4. Le bureau de douane auprès duquel la déclaration en douane est déposée et le bureau de douane auquel les marchandises sont présentées s’échangent les informations nécessaires pour vérifier la déclaration en douane et octroyer la mainlevée des marchandises.

5. Sans préjudice de ses propres contrôles en ce qui concerne les marchandises qui sont introduites sur le territoire douanier de l’Union ou qui en sortent, le bureau de douane auquel les marchandises sont présentées procède aux contrôles douaniers visés au paragraphe 3, point c), et communique au bureau de douane auprès duquel la déclaration en douane est déposée les résultats de ces contrôles.

6. Le bureau de douane auprès duquel la déclaration en douane est déposée procède à la mainlevée des marchandises conformément aux articles 194 et 195, en prenant en compte:

a) les résultats des contrôles auxquels il a procédé lui-même aux fins de la vérification de la déclaration en douane;

b) les résultats des contrôles effectués par le bureau de douane auquel les marchandises ont été présentées aux fins de la vérification de la déclaration en douane et des contrôles applicables aux marchandises qui sont introduites sur le territoire douanier de l’Union ou qui en sortent.

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