L’année 2015 aura été difficile pour la planète commerce international. Dans son rapport sur l’Afrique (Africa Pulse), la Banque mondiale prévoit un ralentissement dans les économies des pays subsahariens. Dans ce rapport, il est prévu qu’en 2015 la croissance mondiale sera de 2,5 % contre 2,6 % en 2014. Plus particulièrement pour les pays d’Afrique subsaharienne. Après une croissance de 4,6 % en 2014, le taux de croissance de cette région devrait descendre aux environs de 3,7 % en 2015. Les pays exportateurs de matières premières sont les plus touchés. Le Nigeria, l’Angola, la Guinée équatoriale et la république du Congo ont souffert d’une baisse du prix du pétrole. Les producteurs de minerais comme la Mauritanie et le Botswana ont vu leur croissance ralentir en raison de la demande réduite des industriels chinois. D’autres pays ont été touchés par des problèmes de politique interne voire des difficultés à produire en raison d’un manque d’électricité. Pour confirmer cette tendance, la Côte d’Ivoire notamment s’affiche comme l’exception avec un taux de croissance en hausse. Pour les rédacteurs de ce rapport, la baisse de la production chinoise apparaît comme une des causes majeures de ce ralentissement. L’empire du Milieu est devenu au fil des ans le premier partenaire économique de cette région. Il est, pour certaines matières premières, le premier partenaire commercial de certains pays. Ainsi, des pays de l’Afrique subsaharienne ont vu leurs échanges avec la Chine se multiplier par trois entre 2007 et 2014. Cette dépendance à l’économie chinoise a porté ses fruits lors de la croissance à deux chiffres de l’Asie, mais a aussi eu l’effet inverse aux premières lueurs d’un ralentissement voulu par le gouvernement de Pékin.
Une courbe chaotique
Cette tendance générale se retrouve dans les échanges conteneurisés. Selon les statistiques publiées par CTS (Container Trade Statistics) et reprises par Dynamar dans sa newsletter, le volume mondial conteneurisé a augmenté de 1 % en 2015 à 140,4 MEVP. Si les trafics intercontinentaux affichent une augmentation de 1,6 %, les échanges intra-continentaux se réduisent. Les trafics conteneurisés avec les pays d’Afrique subsaharienne se situent à l’avant-dernier poste des grandes routes maritimes internationales. Sur les trois dernières années, les conteneurs en sortie des ports africains n’ont progressé que de 1,3 %. Sur cette période, la courbe a été chaotique. Après avoir enregistré une croissance de 4,4 % en 2014, ils ont affiché une diminution de 3 % en 2015. En termes d’importations de conteneurs en Afrique, la tendance est plus positive. En 2014, le trafic conteneurisé en import a augmenté de 6,1 % à 6,9 MEVP, pour ensuite perdre 2,6 % à 6,7 MEVP. Au final, les importations de trafics conteneurisés avec l’Afrique restent sur une tendance de croissance de 3,3 %. Au global, le trafic intercontinental avec l’Afrique a pesé 9,3 MEVP en 2015 avec une baisse de 2,7 %. L’année 2015 montre bien le ralentissement des échanges de l’Afrique avec le reste du monde puisque sur les deux années précédentes (2014 et 2013), le trafic conteneurisé n’a eu de cesse de progresser. Il reste que sur une plus longue période, la croissance reste encore positive.
L’Europe supplantée
Au fil des ans, l’Europe a été supplantée par la Chine et l’ensemble des pays asiatiques comme partenaire des pays africains. Les chiffres de 2015 confirment cette tendance. En termes de trafics conteneurisés, ceux de l’Afrique avec le continent européen et le continent asiatique entrent pour 75 % du trafic global conteneurisé intercontinental. Une proportion qui varie peu dans le temps. Les pays d’Afrique subsaharienne privilégient toujours ces deux continents. Dans les trafics conteneurisés exposés ci-dessus, l’origine véritable des conteneurs n’est pas détaillée. Ainsi, lorsqu’une boîte est transbordée dans un port européen pour être ensuite acheminée vers un port africain, il est difficile de savoir si CTS considère ce conteneur comme originaire d’Europe ou de son continent d’origine.
Les trafics conteneurisés entre l’Europe et l’Afrique subsaharienne restent dans une proportion constante au cours des dernières années. En 2015, les trafics africains avec l’Europe ont franchi le cap des 3 MEVP. Un courant qui a progressé de 6,5 % en trois ans. Néanmoins, pour l’Europe, l’Afrique subsaharienne représente un faible courant avec 3,03 MEVP, soit juste devant l’Australasie qui pèse en tout (exportations et importations cumulées) quelque 740 000 EVP. Dans le même ordre d’idée, les trafics de l’Afrique subsaharienne avec les pays asiatiques ont vu leurs chiffres surpasser ceux des relations avec l’Europe depuis plus de cinq ans. En 2015, l’Asie a représenté 3,9 MEVP. Un chiffre en baisse de 5,2 %. En 2014, Les trafics conteneurisés entre l’Asie et l’Afrique subsaharienne ont dépassé la barre des 4 MEVP à 4,11 MEVP. Alors, si l’Afrique se range en dernière position des partenaires commerciaux conteneurisés de l’Asie, elle tend à prendre une place plus importante dans le courant global.
La conteneurisation n’est qu’une partie des trafics commerciaux de l’Afrique. La structure des ports africains démontre de cette polyvalence. Aux côtés des terminaux à conteneurs, les ports développent des espaces pour les trafics conventionnels, les vracs solides et les vracs liquides. Des ports comme celui de Dakar, d’Abidjan, de Lomé ou du Gabon misent sur cette polyvalence. Certes, pour entrer dans la dimension internationale des échanges, l’Afrique investit dans de nouveaux terminaux conteneurisés mais en réservant une place à côté pour les autres activités portuaires. Cette polyvalence se démontre par l’intérêt que portent les grands noms de la manutention sur des terminaux dits plus spécialisés. Ainsi, Necotrans se fait une spécialité aujourd’hui de travailler sur la logistique pétrolière et minière. La société française développe, avec les autorités portuaires locales, son savoir-faire sur la prestation logistique de bout en bout. Aujourd’hui, avec des partenaires, Necotrans est actif dans certains terminaux à conteneurs. Il intervient dans la gestion opérationnelle de terminaux polyvalents sur des sites comme à Dakar, à Kribi ou à Brazzaville. D’autres opérateurs spécialisés sur des trafics de vracs montrent un intérêt pour l’Afrique, à l’image de Sea Invest qui regarde les développements locaux mais aussi d’autres opérateurs pour y développer de l’activité.
Du côté de la conteneurisation, l’appétence pour les terminaux portuaires ne cesse de grandir. Le groupe Bolloré, DP World, Ictsi, APM Terminals ou Hutchison Ports ont déjà posé des jalons. En Afrique, le groupe français de Puteaux garde quelques longueurs d’avance pour avoir misé sur ce continent depuis plusieurs décennies. Il a remporté quelques terminaux ces derniers mois à l’image de celui d’Abidjan (le terminal à conteneurs 2) mais aussi Conakry. Les procédures engagées contre le groupe dans le cadre de la concession du terminal de Conakry, accordée en février 2011, ne modifient en rien son souhait de préserver son réseau sur le continent.
Un retour à de meilleures conditions
Pour tous ces opérateurs, accroître sa présence sur le continent africain, et notamment dans la chaîne logistique, tient aux prévisions pour les prochaines années. Dans son rapport Africa Pulse, la Banque mondiale estime qu’après la pause de la croissance africaine, 2016 et 2017 devraient voir un retour à de meilleures conditions grâce à une hausse du prix des matières premières sur les marchés internationaux. La Banque mondiale prévoit une croissance de 4,4 % en 2016 et de 4,8 % en 2017. Un chiffre global qu’il faut pondérer en fonction des économies, explique le rapport de la Banque mondiale. Le Nigeria et l’Afrique du Sud, les deux poumons de l’Afrique, pourraient voir leur croissance démarrer plus difficilement, notamment en raison des incertitudes politiques et de la crise de l’électricité. Cependant, pour les autres pays de la région, la croissance pourrait être plus importante.
Certains analystes expliquent avec force que le potentiel de croissance africain passe aussi par une plus grande coopération régionale des échanges commerciaux. Le trafic intrarégional conteneurisé a atteint 142 000 EVP en 2015 et demeure à ce niveau depuis plusieurs années. Au travers de la croissance de ce trafic, l’Afrique pourrait se trouver une croissance organique et prendre ainsi le pas sur ses relations internationales. Sans pour autant arriver aux niveaux du trafic intrarégional asiatique (qui est estimé en 2015 à 30,9 MEVP), l’Afrique pourrait prétendre arriver au même niveau que l’Amérique latine dont les chiffres sont dix fois supérieurs à ceux de ce continent.