Depuis 2012, tous types de navires confondus, la fréquence des blessures à bord a augmenté de façon substantielle, note le rapport 2016 du Swedish (P&I) Club, mais la moyenne des indemnités s’est légèrement érodée, passant sous la barre des 60 000 $. Très en deçà des plus de 110 000 $ enregistrés en 2009. Considérée comme une alerte importante, la hausse de la fréquence pourrait être expliquée par une plus grande conscience des droits des navigants et du niveau de l’indemnisation possible. Cela dit, le P&I Club souligne également les conditions de vie à bord qui sont considérées comme étant plus stressantes. La baisse des « interactions sociales », en d’autres termes l’isolement croissant, est également citée. « Les navigants sont sous pression pour travailler plus durant de plus longues périodes », écrit cette mutuelle d’armateurs qui, en 2015, représentaient 3,76 % de la jauge mondiale (rapport du courtier britannique Tysers). « Ils bénéficient de moins de possibilités de loisirs et de contacts que les sédentaires. » Sur dix ans, le « top 10 » des blessures dont l’indemnité a été la plus élevée est ainsi constitué: brûlures et explosions, glissades et chutes (dans les deux cas sur porte-conteneurs), traumatisme par la chute d’un objet (vraquier et porte-conteneurs).
Chutes et glissades
De 2005 à 2014, sur les porte-conteneurs, 51,58 % des indemnisations comprises entre 5 000 $ et 3 M$ ont eu pour cause des glissades et des chutes (contre 38 % pour les vraquiers et 41 % pour les pétroliers). Les traumatismes par chute d’un objet présentaient presque 11 % de ces indemnisations, soit deux fois moins que sur les vraquiers (22,73 %), et d’un niveau similaire à celui des pétroliers (13 %). La troisième principale cause d’indemnisation s’applique au fait d’avoir été happé par une machine tournante ou un équipement: 8,14 % sur un porte-conteneurs, 11,36 % sur un vraquier et 12,96 % sur un pétrolier. Des niveaux assez similaires. Ces accidents ont principalement lieu sur le pont cargaison, la salle des machines et les ponts ouverts. Ils surviennent surtout lors d’opérations d’entretien courant qui « normalement » demandent une autorisation de travail et une évaluation du risque, ainsi que le prescrit le code de procédures de sécurité, rappelle le P&I Club. « Le problème est que ce code n’est pas pris en compte. » L’autre problème est la forte proportion de glissades et chutes qui se produisent sur les porte-conteneurs. L’explication serait à chercher dans le nombre important de dockers qui s’activent durant les opérations de chargement/déchargement de ce type de navire et qui laissent de nombreux équipements de saisissage sur le pont, avant de les installer sur les conteneurs.
Outre un pont principal encombré, le P& I Club évoque un éclairage trop faible et des passerelles et des grilles déformées durant les opérations commerciales. Les chutes d’objets sont, sans surprise, la conséquence d’un saisissage à la mer insuffisant.
L’entraînement par machine tournante est principalement dû à l’absence d’une autorisation de travail, à son inobservation ou à la neutralisation des sécurités.
Plusieurs exemples illustrent les propos du P& I Club, et notamment le presque incontournable accident lors d’un exercice de mise à l’eau d’un canot de sauvetage; ce dernier libéré de façon inopinée alors qu’il se trouvait à 3 m de haut.
Problèmes cardiovasculaires
Après les accidents, le P&I Club s’intéresse aux maladies les plus fréquentes à bord. De 2005 à 2014, pour des demandes d’indemnisations inférieures à 3 M$, tous types de navires confondus, la tendance est à l’augmentation du coût des traitements supportés par l’employeur. Un peu plus de 16 000 $ en 2005 contre 27 000 $ en fin de période. Depuis 2013, la fréquence des déclarations de maladies est en très forte hausse. Cette tendance est alarmante et doit être analysée, estime le P&I Club. Un autre facteur de préoccupation est le manque durable de « navigants » suffisamment formés et expérimentés.
Sur les dix dernières années, pour les indemnisations comprises entre 5 000 $ et 3 M$, sur les porte-conteneurs, 29,63 % des pathologies concernaient le système cardiovasculaire, contre 24 % sur les vraquiers et 26 % sur les pétroliers. Les troubles musculo-squelettiques représentaient 14,5 % des maladies déclarées sur les porte-conteneurs contre 7,32 % sur les vraquiers et 8,8 % sur les pétroliers. Enfin, sur les porte-conteneurs, les troubles du système digestif représentaient 10 % des pathologies (11 % sur les vraquiers et 9 % sur les pétroliers).
Curieusement, les appendicites à bord des vraquiers représentaient plus de 12 % des pathologies, contre 4 % sur les porteconteneurs et 8 % sur les pétroliers. Autre sujet de perplexité, les troubles génito-urinaires qui arrivaient avec presque 13 % au 2e rang des pathologies sur les pétroliers, contre 9 % sur les porte-conteneurs et 10 % sur les vraquiers. Le P&I Club ne donne aucune explication sur ces différences dans la survenance des maladies. Il se limite à souligner l’importance généralisée des troubles cardio-vasculaires, qui sont également les plus onéreux.
Un équipage ne peut pas faire grand-chose contre la survenance de ces derniers, mis à part avoir une alimentation saine (à bord, l’influence de l’employeur est prépondérante) et faire de l’exercice. Traiter un navigant qui fait un malaise à bord est très compliqué et traumatisant, souligne le P&I Club. Il recommande à ses membres de bien vérifier l’état de santé des navigants qui doivent embarquer (ce qui n’est pas toujours facile, voire légal). L’une des principales causes de maladies coronariennes est l’hypercholestérolémie qui survient entre 45 ans et 50 ans et reste très difficile à combattre. « Ce qui signifie que les navigants âgés de plus de 45 ans courent un risque plus grand de subir un accident cardio-vasculaire. Or du fait du manque prévu à court terme d’officiers, on assistera à un vieillissement de cette population et donc à une hausse des pathologies », estime le P&I Club. Il est « essentiel » de maîtriser cette problématique, ajoute-t-il. Une solution consiste à faire passer une visite médicale détaillée avant recrutement. Le P&I Club a développé son propre protocole d’examens. Deux établissements de santé aux Philippines sont habilités à faire passer cette visite selon le protocole du P&I Club, explique-t-il. Ce qui n’a pas empêché de voir augmenter la fréquence des maladies constatées à bord ainsi que le coût des premiers soins. Le P&I Club recommande donc à ses membres de prêter plus d’attention à ce problème et de recourir plus fortement aux visites médicales poussées avant recrutement. Il leur est recommandé, une nouvelle fois, de s’assurer de la qualité des repas servis à bord, d’aider les fumeurs à arrêter, de limiter les consommations d’alcool et de favoriser l’exercice physique à bord, comme durant les congés.
Rappel des causes
Qu’il s’agisse d’accidents de navigation ou d’accidents de navigants, le P&I Club rappelle à ses membres les causes généralement identifiées:
– le manque d’entraînement à la fois aux procédures de la compagnie et aux compétences pratiques;
– les prises de risques inutiles;
– le manque d’expérience;
– l’autosatisfaction;
– la non-prise en compte des guides de bonnes pratiques et/ou des procédures approuvées;
– le manque de conviction dans l’importance de la sécurité et la confiance excessive dans ses propres capacités;
– les procédures compagnie trop générales, sans lien avec la réalité de l’exploitation du navire;
– le manque de communications entre les membres d’équipage;
– la communication insuffisante entre le bord et la terre;
– la non-prise en compte des différences culturelles entre les nationalités et/ou professions présentes dans la compagnie;
– le manque d’autorité après la découverte d’une erreur.
Sans surprise, face à ces faiblesses, le P&I Club dresse sa « to do list ». Certaines suggestions pourraient agacer à terre comme à bord. Par exemple: il est préférable de conduire des inspections physiques plutôt que de faire remplir des formulaires. Les procédures doivent être spécifiques et correspondre à une évaluation d’un risque précis. Le commandant doit favoriser l’expression par chaque membre de l’équipage d’une inquiétude. Il doit encourager chacun à mettre en question un officier supérieur lorsqu’une erreur a été commise.
Ce moyen de rattraper une erreur humaine en train d’être commise n’est pas le plus facile à mettre en œuvre à bord comme à terre, en particulier pour un salarié, philippin ou non, employé en CCD.
Le classement des P&I Clubs
Le rapport du courtier britannique en assurances et réassurances Tysers, à la date du 20 février 2015, permet de classer les treize P&I Clubs existant dans le monde en trois groupes. En tête, le Gard, le UK P&I Club et le North of England avec des parts de marché variant de 17,12 % à 10,83 % des 1,104 Mdtjb circulant dans le monde. La deuxième division est formée par Britannia, le Steamship et le West of England (9,83 % à 6,12 % de la jauge mondiale). Ferment la marche le London (3,97 %), le Swedish, le Shipowners et l’American (1,26 %).
Cette ventilation ne reflète pas précisément celle portant sur les primes encaissées en 2014 et encore moins celle concernant les réserves financières de chacun des P&I Clubs. Pour fixer les grandeurs, les treize P&I Clubs ont encaissé près de 4 Md$ et ont en réserve presque 4,623 Md$.