Mesures environnementales et assurances transports

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Comme le rappelle Frédéric Denèfle, directeur du Césam (Comité d’études et de services des assureurs maritimes et transports) en ouverture de notre dossier, la table ronde consacrée aux risques écologiques et énerfétiques permettra d’apporter un éclairage sur l’offre d’assurance transports et la manière dont elle répond aux évolutions légales et factuelles en matière de protection de l’environnement. Il précise que « face aux directives européennes sur la responsabilité pour pollution environnementale, les marchés d’assurance traditionnels évoluent et proposent des options de couverture alternatives sur les risques écologiques et environnementaux ».

Les risques énergétiques et écologiques à prendre en compte dans le transport maritime sont multiples. Ils concernent les dommages environnementaux comme les pollutions maritimes et engagent la responsabilité civile des opérateurs. Cécile Bellord, déléguée générale adjointe d’Armateurs de France, rappelle que les politiques environnementales à l’échelle internationale imposent des cadres réglementaires contraignants pour le transport maritime, auxquels les armateurs et les assureurs s’adaptent. Les mesures prises par l’Organisation maritime internationale (OMI) sont traduites à l’échelle européenne (et française) dans des réglementations spécifiques au transport maritime. C’est le cas de l’annexe vi révisée de la convention Marpol et du Code technique sur les NOx, qui prévoient de ramener le plafond mondial de la teneur en soufre à 0,5 % à compter du 1er janvier 2020.

Plafonds de responsabilité

De même, les conventions de l’OMI prévoient un système complet d’indemnisation des victimes de pollution par les hydrocarbures. La convention du 29 novembre 1969 (modifiée en 1992) sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, dite CLC (Civil Liability Convention), fixe les plafonds de responsabilité des propriétaires de navires afin que ces derniers puissent s’assurer. La convention Fipol du 18 décembre 1971 (modifiée en 1992) crée un fonds international d’indemnisation par les propriétaires de cargaisons, pour compléter ce dispositif d’indemnisation. Lors de sa 66e session en avril 2014, le Comité de la protection du milieu marin (MEPC) de l’OMI a adopté des amendements à la règle 13 de l’annexe vi de Marpol, qui prévoient l’application des normes d’émission de NOx du niveau III aux moteurs diesel marins installés à bord des navires construits à partir du 1er janvier 2016 et exploités dans la zone de contrôle des émissions de l’Amérique du Nord ou dans la zone de contrôle des émissions de la zone maritime Caraïbe des États-Unis. La prévention de la pollution de l’atmosphère par les navires est encore renforcée dans le règlement UE 2015/757 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2015 concernant « la surveillance, la déclaration et la vérification des émissions de dioxyde de carbone du secteur du transport maritime » et modifiant la directive 2009/16/CE. Le texte rappelle que « dans sa résolution du 5 février 2014 pour les politiques en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030, le Parlement européen a invité la Commission et les États membres à fixer comme objectif contraignant pour l’Union à l’horizon 2030 de réduire les émissions nationales de gaz à effet de serre d’au moins 40 % par rapport aux niveaux de 1990 ». À la suite des naufrages de l’Erika et du Prestige, plusieurs directives et règlements de l’Union européenne ont renforcé les normes relatives à la sécurité des transports maritimes.

Au niveau international encore, la 69e session du MEPC s’est tenue du 18 au 22 avril. À la suite de l’adoption de l’accord de la Conférence de Paris sur les changements climatiques, le MEPC a poursuivi l’examen d’une proposition de plan de travail visant à définir la contribution des transports maritimes internationaux dans les efforts déployés à l’échelle mondiale en vue de lutter contre le changement climatique. Le comité a eu à examiner la mise en œuvre de la Convention internationale de 2004 pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires (Convention BWM), dont les critères d’entrée en vigueur sont sur le point d’être remplis. D’autres travaux sur le rendement énergétique des transports maritimes internationaux, et notamment sur l’élaboration d’un système de collecte de données relatives à la consommation de combustible des navires, ont également été examinés.

Principe du pollueur-payeur

Selon Cécile Bellord, les pressions exercées sur le transport maritime sont excessives dans le cadre législatif français, où les opérateurs cumulent les obligations issues du droit maritime avec la réglementation environnementale. Pour elle, le système actuel est opérationnel, parce que les armateurs ont intérêt à mettre en place des solutions de transport propres et moins gourmandes en carburant et qu’ils consacrent des fonds recherche et développement pour la mise en conformité de leurs navires avec les normes de réduction des pollutions atmosphériques. Les armateurs remplissent donc « volontairement les obligations en matière de protection de l’environnement ».

Au niveau des systèmes d’assurance, la FFSA (Fédération française des sociétés d’assurance) rappelle sur son site que les « risques pollution » et les « dommages environnementaux » sont couverts. Par exemple, la « police française d’assurance maritime couvrant la responsabilité du propriétaire de navire de mer » comprend la garantie aux dommages, pertes ou préjudices consécutifs à la pollution résultant du déversement d’hydrocarbures. Le marché des P& I Clubs offre des protections responsabilité civile (RC).

La loi pour la biodiversité

La proposition de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, sera en discussion finale lors d’une séance publique qui aura lieu au Sénat les 10, 11 et 12 mai. L’article 2 bis, qui vise l’inscription de la notion de « préjudice écologique » dans le code civil, a été âprement discuté entre les deux chambres. Les amendements apportés par les sénateurs au projet de loi reprennent la proposition de loi déposée par le sénateur Bruno Retailleau et votée au Sénat en 2012. L’article 2 bis propose d’ajouter un nouveau titre iv au sein du code civil, intitulé « responsabilité du fait des atteintes à l’environnement », limitant le préjudice écologique aux « dommages graves et durables causés à l’environnement ». L’amendement s’inspire d’un rapport « pour la réparation du préjudice écologique » rédigé par un groupe de travail présidé par Yves Jégouzo. Remis le 17 septembre 2013 à l’ex-ministre de la Justice Christiane Taubira, le rapport devait donner lieu à un projet de loi qui n’a pas été inscrit au calendrier de l’Assemblée nationale. Les députés ont adopté en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, le 17 mars, l’introduction du préjudice écologique dans le code civil. Barbara Pompili, secrétaire d’État en charge de la Biodiversité, s’en réjouit: « Il s’agit de consolider les acquis de la jurisprudence, encore fragile, tout en assurant la sécurité de l’ensemble des parties prenantes. ». Pour Barbara Pompili, le préjudice écologique n’était pas exclusif au regard des autres procédures: « Il peut y avoir des actions en civil contre des dommages économiques, et il y a le préjudice écologique qui porte sur le dommage écologique. »

C’est précisément cette possible inscription de la notion de préjudice écologique dans le code civil qui inquiète particulièrement Cécile Bellord: « La notion de préjudice écologique pur est exclusivement française, elle découle d’une politique du risque zéro intenable, liée au traumatisme de l’Erika. » Elle souligne que les armateurs appellent à l’établissement de règles communes à l’échelle internationale pour harmoniser la concurrence. Pour Cécile Bellord, la politique environnementale française n’est « pas intelligible pour le monde maritime et manque de visibilité ». Elle souligne que « les acteurs sont sensibilisés aux risques environnementaux et responsabilisés ». Selon elle, « les réglementations environnementales sont bien gérées dans le droit maritime et le système doit être exclusif de toute autre mode d’indemnisation ». À propos de l’obligation RE, elle s’inquiète que l’amendement ne donne « la possibilité à tout un chacun de pouvoir réclamer réparation du préjudice écologique, sans limitation et de manière totalement imprévisible ». Cette éventualité n’est selon elle pas tenable d’un point de vue assurantiel, et il n’est pas possible d’admettre la responsabilité si elle n’est pas assurable: « Les risques environnementaux sont déjà couverts dans le droit maritime et la proposition de loi pour la biodiversité ajouterait des obligations redondantes au système dédié existant. »

Responsabilité civile atteinte à l’environnement et responsabilité environnementale

Concernant les conséquences des atteintes à l’environnement en termes de responsabilité civile des opérateurs, la FFSA précise sur son site que la loi du 1er août 2008 a mis en place le principe dit du « pollueur-payeur » et créé une nouvelle « responsabilité environnementale » pour les entreprises. Le principe du pollueur-payeur, c’est « la mise en jeu de la responsabilité environnementale d’un exploitant, du fait de son activité professionnelle, en cas de dommage grave ou de menace imminente de dommage grave à l’environnement ». La responsabilité civile atteinte à l’environnement (RCAE) d’un opérateur est engagée en cas de dommages corporels, matériels et immatériels subis par les tiers et résultant d’une atteinte à l’environnement consécutive à un accident imputable à son activité. La responsabilité environnementale (RE) intervient en dehors de tout dommage à un tiers et est engagée à raison des dommages environnementaux dont un opérateur serait à l’origine du fait de son activité. La responsabilité environnementale suppose nécessairement une réparation en nature.

Au titre de la loi du 1er août 2008, trois formes de réparation sont prévues: la « réparation primaire », qui vise à remettre en l’état initial les ressources naturelles du site endommagé. La « réparation complémentaire », qui permet de fournir un niveau de ressource naturelle ou de service comparable à celui de l’état initial. Et la « réparation compensatoire » qui doit réparer les pertes provisoires de ressources naturelles et de services en attendant le retour à l’état initial.

Les assureurs proposent en réponse une « garantie responsabilité environnementale » qui couvre les frais de prévention et de réparation des dommages environnementaux incombant à l’exploitant, suivant les types de contrats d’assurance et sous réserve de la mise en œuvre des actions de prévention ou de réparation. Contrairement aux cautions, les garanties d’assurances responsabilité environnementale jouent indépendamment de toute défaillance de l’exploitant. Il suffit que l’atteinte à l’environnement due à l’activité de l’exploitant assuré survienne de façon accidentelle. Les garanties de type responsabilité civile ne couvrent pas cette nouvelle responsabilité environnementale. Les assurés, s’ils veulent être couverts, doivent souscrire un nouveau contrat ou demander une extension de garantie. L’assurance de la responsabilité environnementale présente des exclusions de garantie comme la faute intentionnelle, l’inobservation des textes légaux ou le mauvais état des équipements.

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