Le cyber-risque entre dans l’exceptionnel

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La création d’une police couvrant les risques exceptionnels remonte à la fin du xixe siècle. Les assureurs, au cours des années précédentes, ont toujours couvert les risques de guerre ou de piraterie dans le cadre de leur police pour les risques ordinaires. Au fur et à mesure des années, la paix devenant plus durable que les conflits, les assureurs réfléchissent à séparer les risques de guerres et assimilés des risques ordinaires. Cette tendance voit le jour en Grande-Bretagne à la fin du xixe siècle pour être confirmée en France au sortir de la Seconde Guerre mondiale.

Les corps de navires et les facultés sont assurés pour leurs risques ordinaires d’une part, et d’autre part dans le cadre d’une police particulière pour les risques appelés exceptionnels. En effet, ces risques incluent les conséquences des conflits armés mais aussi ceux issus des émeutes, des conflits civils, des mouvements sociaux ou d’actes de terrorisme.

Sur le marché français, les risques exceptionnels sont couverts par une police type. Pour permettre aux armateurs de disposer d’un assureur spécialisé, les compagnies d’assurances ont créé le Garex (Groupement d’assurance de risques exceptionnels) en 1980. Ses membres actuels sont Allianz SE France, Axa CS, Caisse centrale de réassurance (CCR), Generali, Helvetia, Mapfre et Mitsui Sumitomo. Ce GIE souscrit les garanties de risques exceptionnels sur les corps de navire pour ses membres. Le Garex travaille avec tous les courtiers actifs dans l’assurance maritime, qu’il s’agisse de grands courtiers internationaux ou de courtiers locaux spécialisés. Sa création est née de la volonté de ses membres de disposer d’une structure spécialisée dans les risques exceptionnels pour les corps de navires. « Nous travaillons avec les imprimés français, mais nous avons aussi la possibilité de travailler sur les conditions d’assurance d’autres marchés comme la Grande-Bretagne », nous a confié Patrice Gilbert, directeur général du Garex. Les conditions françaises ne sont guère utilisées sur d’autres marchés que le français. « Elles sont pourtant plus avantageuses pour le client mais avec des approches de culture différentes », continue Patrice Gilbert. En Grande-Bretagne, c’est à l’assuré de prouver que le sinistre est garanti par la police. En France, il appartient à l’assureur de démontrer que le sinistre survenu n’est pas couvert par les garanties. Deux cultures et deux façons différentes de travailler.

Risque de guerre: un marché spéculatif

Pour les corps de navires, les taux de base et surprimes sont cotés indépendamment du marché de Londres et sont déterminés en fonction de nombreux critères: qualité de l’assuré, composition de la flotte, zones de navigation, mesures de sécurité prises… Les zones de navigation sont déterminées par le Joint War Committee en fonction des dangers. « Nous intervenons sur un marché fortement concurrentiel. Nous nous adaptons très vite aux situations de crise et aux conditions du marché international: la réactivité est l’une de nos forces », continue Patrice Gilbert.

Le marché de l’assurance risques de guerre est hautement spéculatif et il convient de suivre au jour le jour son évolution. Pour le directeur général du Garex, il n’existe pas de zones sans danger. Ainsi, lorsque les marins de MyFerryLink ont occupé deux navires de l’armement pendant le mouvement social de juillet 2014, la police risques de guerre pour les corps de navires est entrée en action. Les risques exceptionnels sont beaucoup plus volatils que les risques ordinaires. Les sinistres sont moins nombreux mais avec une facture souvent plus élevée. Le Garex a progressivement augmenté ses capacités pour répondre aux attentes des clients.

Cyber-risque: un défi à relever

Aujourd’hui, les risques exceptionnels évoluent. Ainsi, le terrorisme recouvre la subtilité du marché. « Nous menons une réflexion par rapport au marché pour envisager les évolutions. » Et dans ces évolutions, Patrice Gilbert voit l’arrivée du cyber-risque comme un défi à relever dans les prochaines années. « Nous essayons de l’exclure. Nous menons une réflexion sur la frontière entre le risque ordinaire et le risque exceptionnel. »

Être un facilitateur

Sur le marché des assurances facultés, la CCR, société anonyme appartenant à 100 % à l’État, intervient comme réassureur des compagnies d’assurances pour les risques exceptionnels des garanties sur les facultés (mais également corps et véhicules utilitaires). « Le principe de notre société est d’être un facilitateur dans les limites de l’assurabilité », explique John Lenormand, directeur du département risques de guerre, terrorisme & autres réassurances publiques. La création de la CCR en 1946 a été motivée par le choix du gouvernement de l’époque de favoriser le développement des exportations françaises dans un monde qui sortait de la guerre. Il fallait donc se prémunir contre d’éventuelles attaques contre les navires et les marchandises transportées. Et dans ce cadre, l’ensemble des sociétés d’assurance françaises ont mis en place un imprimé (via la FFSA) permettant de couvrir le transport d’une marchandise de manière globale – de « bout en bout » quel qu’en soit le mode de transport –, une garantie étendue qui prend en compte le transport depuis l’usine de l’expéditeur jusqu’au magasin du réceptionnaire. Cet imprimé, dénommé garantie étendue, vient en complément de l’imprimé plus « classique » dit Waterborne (couvrant les dommages aux biens uniquement pendant la phase maritime du transport). La convention de garantie étendue prévoit de compléter les imprimés risques ordinaires « standards » en proposant une période de stockage au maximum de 60 jours après le déchargement des marchandises. Après des pratiques et à la demande des grands négociants (en commodities), la période de stockage s’est étendue à un an. Depuis cette année, les souscripteurs tentent de revenir à une période de deux mois afin de maîtriser au mieux les risques d’accumulation de valeurs dans les ports et sur les lieux de stockage (voir le sinistre de Tianjin en août 2015).

Tout comme les corps de navires, les garanties risques exceptionnels des facultés sont aussi sujettes à être victimes du cyber-risque. Toute la difficulté de ce risque est de savoir l’appréhender. Doit-on l’intégrer dans une police ordinaire ou disposer de garanties à part? « Le risque de voir le cyber-risque se répandre sur plusieurs polices ne serait pas une bonne solution. Ce serait une bombe à retardement. Nous plaidons pour une garantie prise dans sa globalité, avec un service pour la prévention et la gestion de crise, et une possibilité de revoir en cours d’année la tarification en fonction du risque », explique Laurent Montador, directeur général adjoint de la CCR. Avec l’évolution de la société, les facultés sont aussi susceptibles d’être victimes de terrorisme. « Nous réassurons des marchandises sensibles comme de l’uranium ou des matières premières convoitées. Il faut intégrer toutes les dimensions dans ces transports. Même si nous intervenons en back up, nous regardons avec attention les évolutions du marché. » De plus, au-delà des évolutions du monde, la CCR examine les avancées technologiques. Ainsi, l’assurance des hydroliennes doit-elle être couverte par les assureurs Iard ou transports? « Nous assurons des biens mobiles et nous devrions les prendre en charge », explique Laurent Montador. Le gigantisme des navires est aussi un nouveau défi. « Nous avons dû changer d’approche parce que nous avons une accumulation plus importante sur un seul navire. Cela augmente la volatilité des risques. Un sinistre avec un de ces navires pourrait engendrer des coûts importants. »

En réassurant les risques exceptionnels, les souscripteurs de la CCR se doivent d’être réactifs face aux événements. « Nous couvrons les marchandises sur l’ensemble de la planète avec seulement trois exceptions: celles vers l’Iran, vers la Syrie et vers la Corée du Nord », indique John Lenormand. Sur l’ensemble de la planète, des événements surviennent parfois rapidement. « Nous devons être réactifs mais aussi agiles. Il ne faut pas avoir de réactions trop épidermiques parce que la réactivité à court terme peut nuire sur le long terme. » Pour conserver un marché stable, « nous luttons contre la volatilité », conclut Laurent Montador pour qui le principe de la pérennité dans l’assurance facultés des risques exceptionnels reste le fil directeur.

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