Après des décennies d’indifférence (au moins apparente) et une bataille internationale qui a commencé en 2010, les compagnies maritimes conteneurisées – soutenues par le Bimco et l’International Association of Port and Harbors – ont obtenu des États membres de l’OMI que les chargeurs aient l’obligation de leur transmettre, avant embarquement, le poids total du conteneur empoté. La seule exception concerne le transport maritime de courte distance, lorsque le conteneur est embarqué par roulage (remorque esclave ou routière). Cette obligation prendra effet le 1er juillet. Elle est matérialisée par le chapitre vi de la convention internationale Solas que la plupart des États ont ratifiée. Elle s’applique donc de plein droit dans les termes définis à l’OMI. Pour déterminer la VGM (Verified Gross Mass), la convention Solas prévoit deux méthodes: la simple pesée du conteneur après fermeture des portes (et non pas la pesée de l’ensemble routier avant et après empotage), particulièrement adaptée aux vracs; et l’addition des poids de tous les éléments (marchandises, emballages, calage, etc.) empotés dans le conteneur, sans oublier la tare de ce dernier. Malheureusement, le chapitre vi laisse à chaque État la charge de définir les différentes étapes de la méthode 2. Funeste erreur, au moins en Europe. L’Allemagne a proposé de constituer un groupe de travail européen pour faire en sorte qu’une seule méthode soit définie. Pour des raisons non explicitées, la France n’a pas participé à ce groupe de travail, a expliqué l’un des deux représentants du bureau de l’analyse économique des transports fluviaux et des ports, invité par l’AUTF. Toujours est-il qu’un certain nombre d’États européens ont convergé vers une tolérance de +/– 5 % dans le calcul par addition de la VGM. La France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni. La Belgique, si importante pour bon nombre de chargeurs français, montre une rigueur inhabituelle en matière portuaire avec une tolérance de +/– 2 %, et la volonté affichée de vérifier que les compagnies maritimes ont bien le VGM suffisamment tôt pour préparer correctement leur plan de chargement, ou qu’elles ont bien refusé de charger une boîte qui arriverait sans VGM à quai. Mais grâce à Heit Lennart, responsable transport de Dow Chemicals, Belgique (environ 500 000 EVP par an pour le tout le groupe), les chargeurs français ont pu être rassurés: la Belgique serait en train de faire marche arrière et se rallierait aux +/– 5 %. Par ailleurs, la police portuaire n’a pas les moyens humains de vérifier si les chargeurs et les transporteurs respectent bien leurs obligations. Cela dit, la Belgique serait fermement décidée à augmenter les amendes en cas d’accident grave résultant d’une fausse déclaration de la VGM. Heip Lennart a évoqué le chiffre de 2 M€. Sans accident, l’amende ne serait que de 200 €. Soupir de soulagement dans la salle pleine à craquer. Cela dit, un puissant groupe international comme Dow ne connaît toujours pas la position des autorités allemandes, américaines, espagnoles, italiennes ou portugaises. En Allemagne, l’autorité compétente n’est même pas encore clairement désignée. Il est à noter cependant que le Danemark est l’État le plus strict avec +/– 0,5 %. Un peu de Commission européenne n’aurait pas été de trop sur ce dossier pourtant simple.
Pas de zèle
Les 75 chargeurs et autant de représentants de commissionnaires de transport, de fédérations professionnelles ont pu également être rassurés par l’assurance écrite donnée par l’administration française d’appliquer la convention Solas et de « préserver la compétitivité des exportateurs français ». Il n’y a pas de raison de penser que l’administration allemande, belge, néerlandaise ou autres fasse autrement. En d’autres termes, la convention Solas sera appliquée sans zèle, a minima.
Une autre absence de zèle est à rechercher du côté des armateurs, si l’on en juge par la présentation du représentant de l’ONG SMDG (User Group For Shipping Lines and Container Terminals
Pour conclure la présentation du SMDG: « Nous partageons tous, transporteurs, chargeurs et opérateurs de terminaux, le même but: que la marchandise soit chargée. » Les ship planners et les seconds capitaines ne devront pas l’oublier, surtout quand les coefficients de remplissage de navires sont perfectibles.
Les imprécisions relatives à la mise en œuvre de la transmission du VGM ne doivent donc pas trop inquiéter les chargeurs. D’autant que selon le futur arrêt français, le « règlement des éventuels manquements aux dispositions entre dans le cadre des relations commerciales entre le chargeur et l’armateur ». À toutes fins utiles, le décret 66-1078 du 31/12/1966 sur les contrats d’affrètements et de transport maritime sera modifié pour préciser que si le capitaine n’a pas connaissance de la masse totale du conteneur, celui-ci « ne doit pas embarquer ». Qui vérifiera, dans les ports, que le bord respecte cette obligation et quelle serait la sanction applicable au navire, en cas d’embarquement sans transmission dans les délais de la VGM? En cas d’accident résultant de cet embarquement sans information préalable sur le poids total, la faute inexcusable du transporteur a de fortes chances d’être retenue, estime le cabinet d’avocats Del Viso qui a étudié le dossier pour le compte de l’AUTF.
Message EDI spécifique
Le contenu du message Vermas (Verified Gross Mass), conçu spécialement pour transmettre au transporteur le VMG, est très « sobre ». Sont obligatoires les mentions suivantes: le nom et l’adresse du chargeur au B/L (en clair, tout exportateur vendant autrement que « départ usine », son mandataire ou le commissionnaire de transport agissant comme tel); le nom, le numéro de téléphone ou l’adresse mail de la personne autorisée par le chargeur à transmettre, en son nom, le VGM (le point a suscité de nombreuses questions voire inquiétudes dans l’assistance); le numéro du conteneur concerné; le VGM en kilos, semble-t-il. Il est recommandé d’y ajouter le numéro du booking donné par le transporteur, pour éviter un éventuel retard, ou le numéro du B/L; le lieu, la date et l’heure de la pesée du conteneur ou de la détermination de son poids brut total. Sont optionnelles les indications suivantes: le numéro du scellé, la méthode choisie ou le certificat de pesée. Le délai de prévenance du transporteur par le chargeur ou son représentant est défini entre les deux parties au contrat de transport.
Ancienne obligation de loyauté
De nombreuses questions de l’assistance ont porté sur la détermination de la VGM par addition des contenus, comme si le poids total du conteneur était une nouveauté dans le monde des chargeurs. Le cabinet Del Visa a donc rappelé que la convention internationale de Bruxelles de 1924 pour l’unification de certaines règles en matière de connaissement et la loi française de 1966 rendaient le chargeur garant de l’exactitude des mentions relatives à la marchandise inscrites sur le connaissement conformément à ses déclarations. Toute inexactitude commise par lui engage sa responsabilité à l’égard du transporteur. Mais formellement, le chargeur n’était pas obligé d’informer le transporteur, jusqu’à ce que la convention Solas en décide autrement. Sauf en cas d’accident, la déclaration plus ou moins juste du chargeur n’avait donc aucune importance. Il n’est pas certain que cela change beaucoup.
En effet, selon la prochaine réglementation française, en cas de doute, le capitaine a la faculté de faire peser le conteneur à quai. Si le poids finalement trouvé est à +/– 5 % celui indiqué par le chargeur, les frais générés par cette vérification seront à la charge de la compagnie. En cas de dépassement de cette tolérance, les frais seront payés par le chargeur. Mais comme les transporteurs n’ont pas, selon le SMDG, ni la volonté, ni le pouvoir de vérifier et que peu d’États, sauf la Belgique, semblent vouloir s’assurer de la mise en place de bonnes pratiques, la pesée de vérification semble peu probable.
*SMDG a vocation, depuis 1987, à définir le conteneur et la forme des messages EDI utilisés dans le transport maritime.
Guide pratique de l’AUTF
Pour accompagner ses cotisants, l’Association des utilisateurs de transport de fret a publié un guide pratique sur la réglementation relative au poids des conteneurs. Y sont rappelées à toutes fins utiles les différences juridiques entre transitaire et commissionnaire de transport. Selon l’incoterm de vente et la présence dans le circuit de l’un ou l’autre de ces intermédiaires – voire d’un groupeur –, la responsabilité de la transmission de l’information relative au poids total vérifié peut être différente.
Devant le flou actuel sur le délai de prévenance pour transmettre l’information, il est conseillé aux chargeurs qui recourent à des appels d’offres de demander que ce délai soit précisé dans les réponses des transporteurs maritimes. À défaut, l’information devra être transmise au plus tard à l’entrée du terminal; ce qui semble étrange si le conteneur chargé arrive au terminal plusieurs jours avant le départ du navire. Il faut souhaiter bonne chance aux rares importateurs européens qui achèteraient départ usine chinoise ou américaine. Ils seront les chargeurs au B/L.