« Cette hausse est supérieure à celle du PIB français (+ 1 %) et situe Haropa au même niveau que celui de la croissance du PIB mondial », se félicite Antoine Berbain, directeur général délégué d’Haropa. « Depuis la création d’Haropa en janvier 2012, c’est une progression de 6,9 % en tonnage », ajoute le dirigeant, rappelant aussi que sur la façade Manche/mer du Nord, seulement deux autres ports ont connu une croissance en 2015: Rotterdam à 466 Mt (+ 4,9 %), et Anvers à 206 Mt (+ 3,5 %).
Cette progression a été portée par les vracs. Les vracs liquides (49,7 Mt) ont augmenté de 5,7 %. La conjoncture favorable et les fortes marges du raffinage ont conduit à des importations de pétrole brut en hausse de 7,2 % à 24,7 Mt. L’année est aussi marquée par une bonne croissance des produits raffinés (+ 4,1 % à 19,1 Mt) et une année record pour les produits raffinés ayant transité par Le Havre (12,5 Mt). « Les raffineries de la Seine ont bien tourné en 2015 », note Antoine Berbain. Les vracs solides (à 12,8 Mt) sont en augmentation de 4 % avec des exportations de céréales à des niveaux historiques (8,17 Mt), soit une croissance de 12,6 %. C’est la meilleure année en tonnage depuis 2010 et la deuxième meilleure année depuis 15 ans. « Les opérateurs ont réussi à trouver des débouchés pour leurs blés de qualité fourragère », note Antoine Berbain. Ces exportations de céréales (de qualité moyenne) sont venues compenser les trafics d’agrégats en chute libre (– 36 %) à 980 000 t, pénalisés par un BTP en berne.
Les conteneurs (26,4 Mt) accusent un recul de 1,9 % en tonnage et une progression de 0,8 % en EVP à 2,6 MEVP. Haropa souligne le développement significatif du trafic inland (+ 3 % à 1,94 MEVP) et un léger recul du transbordement « par nature plus volatil et moins structurant ».
Les trafics divers (ferries, roulier, papetiers, métallurgie, forestier…) accusent une baisse de 17 % à 2,4 Mt. Toutefois, le terminal roulier du Havre effectue une bonne reprise après des années de baisse: + 7 % avec 300 000 véhicules.
Haropa prévoit 350 M€ privés et 90 M€ publics
En 2015, les entreprises installées sur les trois ports du GIE Haropa (Le Havre, Rouen, Paris) ont investi environ 350 M€ qui s’inscrivent majoritairement dans des programmes pluriannuels. Le groupe LBC Sogestrol a ainsi investi 245 M€ au Havre entre 2008 et 2022, dont 160 M€ réalisés à ce jour. En remontant la Seine, ce sont notamment les entreprises Flexifrance (conduites flexibles, groupe Technip), Valgo (sur l’ex-site de la raffinerie Petroplus de Petit-Couronne), Beuzelin (silo céréalier) ou encore Boréalis (engrais solides) qui ont investi sur le port de Rouen. Les différents ports de Paris ont accueilli en 2015 (comme en 2016) les investissements de différents acteurs du BTP: Cemex, CRH, Lafarge-Holcim ou encore Unibéton.
L’année 2015 a aussi été marquée par des engagements en termes d’implantations logistiques et industrielles, comme ceux du promoteur Panhard au Havre et à Rouen ou de Sarp Industries à Limay-Porcheville. La convention de réservation foncière de Bonneuil vise quant à elle à permettre le chargement-déchargement de matériaux pour la construction de la ligne 15 Sud du Grand Paris express.
L’investissement public s’est élevé à 90 M€ en cumulé. Ils s’inscrivent eux aussi pour la plupart dans des programmes pluriannuels, à commencer par la construction du terminal multimodal du Havre sur 60 ha, au bout du grand canal du Havre. Il vise à distribuer sur des barges et des trains les conteneurs arrivant sur les terminaux de Port 2000 collectés par navette ferroviaire (même opération dans l’autre sens). Après un faux départ à l’été 2015, le dépôt de bilan de l’exploitant en octobre et le retrait du propriétaire et maître d’ouvrage en février, le port du Havre, nouveau propriétaire, travaille à la recherche d’un nouvel équilibre économique de cette plate-forme. Celle-ci ne fonctionne aujourd’hui qu’en mode restreint et uniquement pour la partie fluviale. Un premier train est annoncé pour le 20 mars.
Au Havre, Haropa investit aussi dans le renforcement des quais pour l’accueil de l’éolien offshore — même si des incertitudes pèsent sur les deux usines d’Areva — et dans la modernisation du réseau ferré portuaire du Havre. Le lancement de l’enquête publique (8 mars-26 avril) pour la modernisation de la ligne ferroviaire Serqueux-Gisors est une « bonne nouvelle », selon Vincent Breteau, directeur adjoint stratégie et développement d’Haropa: « Cette infrastructure est nécessaire pour l’économie normande et nationale. » Ce dernier pointe le risque d’une enquête dominée par la contestation des riverains du Val-d’Oise. Aussi met-il en garde le monde économique et portuaire: « Il est important que les entreprises se mobilisent dans le cadre de cette enquête publique et émettent des avis positifs. Tous les avis seront comptabilisés et seules les entreprises émettront des avis positifs. » L’année 2015 a aussi été marquée par le bouclage ferroviaire de Port-Jérôme, les travaux de viabilisation des 24 ha de la plate-forme Rouen vallée de Seine logistique (RVSL) amont, ou le chantier de l’agrandissement de la zone d’évitage d’Hautot-sur-Seine, à une dizaine de kilomètres en aval de Rouen. Ce chantier, qui s’inscrit dans le programme de l’amélioration des accès maritimes du port de Rouen, a été « inauguré » le 20 février par le Capesize Fernandina (289 m de long). Le navire a testé avec succès cette zone de manœuvre agrandie après avoir déchargé 76 000 t de charbon chez Sea Invest.
Programme 2016
Selon Vincent Breteau, le cumul des investissements privés devrait atteindre 400 M€ en 2016. Au Havre, les acteurs s’appellent LBC Sogetrol ou encore les logisticiens SDV et Prologis. À Rouen, ce sont les groupes Beuzelin ainsi que Tessenderlo (engrais liquide) adossé à l’usine Boréalis. Le port de Genevilliers accueille quant à lui les logisticiens DSV et Segro, ce dernier ayant investi dans un entrepôt logistique à étages.
Le programme d’investissement public s’élève à 150 M€. Cela inclut le programme de modernisation des écluses du port du Havre (François-Ier et Tancarville) ou encore la rénovation d’un terminal portuaire dédié aux engrais, situé face à l’usine d’engrais Boréalis à Grand-Quevilly près de Rouen. Cela comprend aussi la remise en service d’un quai de Petit-Couronne, près de Rouen, qui était inutilisé depuis 2012. Ce programme de réaménagement vise à accueillir Beuzelin et son nouveau silo à céréales, Surveyfert et GDE.
Une nouvelle phase de dragage entre Rouen et Duclair est programmée pour 2016. C’est la poursuite de l’approfondissement du chenal d’accès du port de Rouen qui vise à gagner un mètre de tirant d’eau à la montée et à la descente (dans 97 % des situations de marée). Ce qui donnera 11,30 m à la descente et 11,70 m à la montée. Mais, souligne Vincent Breteau, « la finalité est aussi de permettre d’élargir les fenêtres d’entrée et de sortie du chenal pour tous les navires. Ils pourront entrer plus tôt dans le chenal et sortir plus tard ».
Le programme d’approfondissement du chenal de navigation représente un coût de 125 M€ sur 2014-2019, mesures environnementales comprises. À cela s’ajoutent 38 M€ pour l’aménagement et le rempiètement des quais, soit un total de 163 M€. Selon les dirigeants d’Haropa, cette amélioration des accès nautiques conditionne le développement du Grand port maritime de Rouen, du fait de l’augmentation de la taille des navires pour les trafics de produits raffinés et de céréales. Pour ne pas être bridé dans son développement commercial, Rouen veut en effet pouvoir accueillir des navires Handymax à pleine charge (35 000 t/50 000 t) et des Panamax à quasi pleine charge (55 000 t/60 000 t). La stratégie de Rouen est d’accueillir des navires plus gros et plus chargés pour continuer à toucher les destinations qu’il touche aujourd’hui, et pour en toucher de nouvelles.
À Paris, l’année 2016 sera marquée par les travaux d’envergure autour du Grand Paris: création du port de Vitry-sur-Seine et poursuite du projet de port Seine Métropole Ouest.