Drôle d’entente entre des entrepreneurs Corses qui font fi des décisions de justice et d’une année de procédure collective. La SNCM attribuée à Patrick Rocca change de main au bénéfice de Corsica Linea. Selon nos sources, ces derniers auraient déjà pris possession de plus de 90 % des titres de Corsica Maritima. Patrick Rocca ne conserverait qu’un quinzième des titres de l’entreprise.
Respecter le plan de cession
Dans son jugement du 20 novembre, le tribunal de commerce de Marseille « donne acte à Patrick Rocca de son accord sur les garanties d’inaliénabilités légales […] ». En d’autres termes, cela signifie qu’il s’engage à conserver les actifs de l’entreprise durant deux ans à compter de la cession effective, jusqu’en février 2018. Or, en cédant les parts sociales à Corsica Linea, il s’affranchit de cette obligation légale. Les juges consulaires et le Parquet n’auraient ainsi plus leur mot à dire. À ceci près que le nouveau cessionnaire serait tenu lui aussi par le plan de reprise établi au bénéfice de Patrick Rocca. À commencer par le maintien des accords sociaux, l’engagement de conserver le siège social à Marseille ou encore celui de renouveler la flotte de la SNCM composée de six navires.
Lors d’un comité d’entreprise extraordinaire au siège de Corsica Maritima, le 10 mars, ont siégé des membres du consortium Corsica Linea, signe d’une évolution capitalistique. Il a été question de la reprise des accords sociaux mais également du transfert du siège en Corse et de la mise en place d’une fiducie sûreté sur des navires. Cette mesure, autorisée par le tribunal, permettrait ainsi de financer un nouveau plan de sauvegarde de l’emploi. Les salariés doivent se réunir à nouveau en comité d’entreprise extraordinaire dans les jours qui viennent.
Si Corsica Linea se passe du feu vert du tribunal, que dire de l’opposition des salariés à ce plan de reprise? Que pèse désormais l’avis de ces derniers dans un scénario qui semble écrit depuis trois mois? Ainsi, après les 583 licenciements intervenus en décembre, il faudra s’attendre à de nouvelles compressions d’effectifs dans les mois qui viennent au sein de la compagnie, laquelle compte actuellement 845 salariés.
Rocca pris en tenailles
Pour quel montant Patrick Rocca a-t-il cédé sa compagnie? Vraisemblablement, l’homme d’affaires est pris en tenailles. En témoigne le marché intervenu ces derniers jours. Toutes les actions en justices se sont éteintes, selon nos sources. Corsica Linea, qui contestait la décision de justice du 20 novembre, avait engagé une procédure de tierce opposition. Elle vient d’abandonner son recours. Autre surprise de ces derniers jours, le renoncement par Corsica Linea de faire appel devant la cour d’appel de Paris.
Condamnée le 1er mars par le tribunal de commerce de Marseille à cesser d’opérer une ligne fret entre Marseille et Bastia et à payer une astreinte de 150 000 € par traversée, Corsica Linea avait fait appel le soir même du jugement. Corsica Maritima était en droit de réclamer 150 000 € pour une traversée réalisée en toute illégalité ainsi que des dommages et intérêts. Elle aurait décidé d’y renoncer.