En démarrant l’année 2015, les armateurs et les portuaires ont eu les yeux tournés vers l’application de l’annexe vi de la convention Marpol. En limitant les émissions de CO2, cette dernière a suscité bien des inquiétudes. Finalement, après avoir craint de voir les navires s’amarrer au port, l’entrée en vigueur de cette convention s’est réalisée en douceur. La baisse du prix du baril au début de l’année et l’anticipation des opérateurs qui ont ajouté des scrubbers n’ont pas eu pour effet de laisser des navires à l’ancre. Certains ont préféré se tourner vers l’utilisation du gasoil quand d’autres ont investi dans des scrubbers. Une stratégie que les armateurs défendent en pariant sur une nouvelle hausse du prix du baril dans les prochaines années.
Les déboires judiciaires de MyFerryLink
Ce sont plus les économies européennes qui ont eu raison de certaines lignes de ferries en Europe que la fameuse annexe vi de Marpol. En effet, entre l’Allemagne et la Scandinavie, DFDS a mis un terme à des liaisons trop peu rentables. En Manche, le rebond de l’économie britannique dès le début 2015 a eu des effets positifs. Le principal changement est intervenu en juin, lorsque MyFerryLink a dû jeter l’éponge. Tout au long du premier semestre, l’opérateur français a continué d’exploiter les trois navires. L’expérience tentée par la Scop SeaFrance, qui a affrété les navires auprès d’Eurotunnel et qui les a exploités sous la marque MyFerryLink, s’est débattue dans les procédures judiciaires. Après avoir perdu en première instance mais gagné en appel, puis de nouveau perdu devant la Competition Markets Authority (autorité de la concurrence britannique), Eurotunnel, le propriétaire des Rodin, Berlioz et Nord-Pas-de-Calais, a décidé fin juin de ne pas renouveler le contrat d’affrètement qui le lie avec la Scop SeaFrance. Ce contrat prenant fin le 3 juillet, Eurotunnel décide de vendre deux des trois navires, les Rodin et Berlioz. Lors de cette annonce, Jacques Gounon, président d’Eurotunnel, espère encore pouvoir conserver sa casquette d’armateur en exploitant le Nord-Pas-de-Calais, navire pur fret. Il met une réserve à conserver ce navire: « Que la CMA déclare par écrit qu’elle accepte qu’un navire soit exploité par Eurotunnel. »
Blocage du port de Calais
Les deux navires ro-pax sont cédés à DFDS dès le 3 juillet. Du côté des membres de la Scop SeaFrance, la pilule passe difficilement. Pendant plusieurs jours au mois de juillet, en plein départ des congés d’été, les marins de la Scop bloquent le port. Ils refusent que la solution proposée par Eurotunnel et DFDS soit avalisée en raison d’un nombre trop important de licenciements prévus. Il faudra l’intervention du secrétaire d’État en charge des Transports pour que la situation se dénoue. Si DFDS réussi à prendre possession de ses deux navires, le cas du pur fréteur n’est pas réglé. Le 16 décembre, la Competition and Markets Authority refusera à Eurotunnel d’exploiter le dernier navire. La fin de l’aventure maritime pour Eurotunnel. Malgré les efforts entrepris par le ministère français, Eurotunnel décide de céder son navire. Il a indiqué que DFDS ne se portera pas acquéreur.
Dans ce contexte, la carte des liaisons transmanche se rationalise. Depuis Roscoff jusqu’au Havre, Brittany Ferries reste seule sur les liaisons avec l’Angleterre. Vers l’Irlande, Brittany Ferries se partage le marché avec Irish Ferries depuis la Bretagne et Cherbourg. Dans la partie septentrionale de la Manche, P&O Ferries et DFDS sont désormais au coude-à-coude. Si l’armateur britannique a tiré profit de la crise de Calais en 2015 en annonçant des records sur les volumes et les résultats financiers, les choses vont changer. En effet, DFDS devrait mettre en service les deux navires repris de MyFerryLink sur les liaisons entre Douvres et Calais. L’opérateur danois conserve aussi sa liaison depuis Dunkerque et celle au départ de Dieppe.
Le maintien du pavillon français sur le Détroit
Dans l’accord trouvé avec le ministère des transports en juillet, DFDS s’est engagé à conserver les deux navires sous pavillon français. Ainsi, la crainte de voir disparaître le pavillon tricolore du Détroit est écartée. Il n’en reste pas moins qu’une partie des salariés de l’aventure de la Scop SeaFrance ont perdu leur emploi.
Autre concurrent de taille au transmanche maritime, les liaisons du tunnel sous la Manche. Avec la crise du port de Calais, Eurotunnel a su aussi tirer son épingle du jeu en transportant plus de voyageurs et de fret. Quant au dernier navire appartenant au groupe Eurotunnel, il devrait être vendu dans les prochaines semaines à un opérateur. Selon toute vraisemblance, il ne sera pas aligné sur les routes transmanche. Après une année 2015 difficile et pleine de tourments, la situation s’est aujourd’hui apaisée et semble retrouver de la sérénité. Même du côté des migrants qui tentent de rejoindre la Grande-Bretagne par les ferries, les mesures policières portent leurs fruits. Depuis le début de l’année, une partie des migrants se tourne vers le port de Zeebrugge pour tenter de passer.
Les opérateurs espèrent que cette situation plus calme pourra perdurer afin de revenir à des fondamentaux plus stables. Après la crise de Calais, P& O ferries, seul sur la liaison Calais-Douvres, en a profité pour relever ses tarifs à des « niveaux normaux », ont indiqué les responsables de l’armement britannique.