La première image du slider de la home page du site de l’ONG Shipbreaking Platform choque. Un navire en déconstruction sur une plage européenne avec le commentaire: « Laisserions-nous faire cela en Europe? » La réponse est bien évidemment non, mais cela se réalise chaque jour sur les plages du sous-continent indien. Dans son rapport annuel 2015, Shipbreaking Platform revient sur ce « marché » de la démolition des navires en fin de vie. Sur les 768 navires déconstruits en 2015, 469 ont été envoyés sur les plages du sous-continent indien. En nombre de navires, l’Inde et le Bangladesh caracolent en tête avec 194 navires chacun. En tonnage, la palme de la démolition revient au Bangladesh avec 6,7 Mtpl démolis contre 4,5 Mtpl pour l’Inde. Le Pakistan vient en troisième place de ce tiercé avec 3,7 Mtpl. La Chine clôt ce quarté avec 158 navires pour 4,1 Mtpl. Globalement, le nombre de navires envoyés à la démolition a baissé en 2015 sur l’ensemble de la planète. Pour Shipbreaking Platform, cette baisse dans la démolition est principalement liée au marché de l’acier en baisse. La faiblesse des prix de l’acier recyclé n’incite pas les armateurs à démolir leurs navires, et cela malgré des taux de fret à des niveaux planchers.
Les armateurs grecs demeurent pour cette année encore les principaux pourvoyeurs de ces chantiers. Ils ont envoyé 76 navires sur les plages et seulement 11 unités dans des chantiers. La Chine vient en seconde position avec 192 navires démantelés. « Seulement » 55 navires ont été envoyés sur les plages, le solde ayant été opéré dans des chantiers traditionnels.
Le rôle du gouvernement chinois
Selon l’analyse de Shipbreaking Platform, ce revirement de position de la Chine vient des aides accordées par le gouvernement aux armateurs pour envoyer leurs navires dans des chantiers nationaux. Le gouvernement chinois mène une campagne politique pour inciter à la construction et la démolition des navires de ses armateurs dans ses propres chantiers. L’analyse de l’ONG montre aussi que des accords signés entre le Japon et des chantiers indiens n’a pas joué son rôle. Sur les 21 navires envoyés à la démolition, 20 l’ont été sur des plages.
Shipbreaking Platform a identifié les principaux armateurs qui envoient leurs navires sur des plages du sous-continent indien. En première position, les sociétés du groupe israélien Ofer. Idan Ofer possède Quantum Pacific Group qui détient une participation majoritaire dans Israel Corporation, propriétaire de l’armement Zim. « L’ensemble des sociétés du groupe a vendu en 2015 le plus grand nombre de navires à des sites de démantèlement ne respectant pas les normes: neuf au total dont six d’entre eux ont été envoyés au Bangladesh où les conditions de travail sont connues pour être les pires de cette industrie », souligne Shipbreaking Platform. Le second armateur apparaissant sur cette liste est japonais. Il s’agit de Mitsui OSK Lines (MOL) qui a envoyé à la démolition sept navires dans le sous-continent indien. Viennent ensuite des groupes grecs à l’image de Enterprises & Trading, Mallah Shipping, Star Bulk et Angelicoussis Group. L’Inde participe aussi à alimenter les plages du sous-continent. ONGC (Oil and National Gas Company) a envoyé quatre navires à la démolition localement.