Grâce au suivi statistique des Douanes, il a été possible de retracer l’évolution des échanges en valeur et en tonnage des matières premières de recyclage (MPR) depuis 1999: exportations, 8,3 Mt en 1999 et 14,5 Mt en 2014 (représentant 4,6 Md€), soit une hausse annuelle moyenne de 4 %. Importations, 7 Mt contre 6,3 Mt (pour 1,8 Md€) en 2014 (mais avec une pointe à 8 Mt en 2012), soit une érosion de près de 1 % par an. Les déchets d’acier constituent le moteur des exportations avec 3,7 Mt en 1999 et 6,3 Mt en 2014, loin devant les papiers cartons avec respectivement 0,9 Mt et 2,6 Mt.
Comme toutes les matières premières, celles du recyclage sont très sensibles à la conjoncture internationale et leur prix varie dans de grandes proportions. À l’import comme à l’export, les prix se sont effondrés en 2009, contrairement aux tonnages qui sont moins volatils.
Les principaux pays acheteurs des MPR françaises ont été, en 2014 et en valeur, la Belgique (1,074 Md€, 23 % du total), l’Espagne (0,774 Md€, 16,6 %), l’Allemagne (0,75 Md€, 16 %), l’Italie (0,592 Md€, 12,7 %), le Luxembourg (0,385 Md€, 8,2 %), la Chine (0,258 Md€, 5,5 %), les Pays-Bas (0,189 Md€, 4 %), autres destinations (0,654 Md€, 14 %). En d’autres termes, 85 % des MPR français (en valeur) sont à destination de l’Union européenne (UE).
Trou noir statistique
La position de la Belgique surprend. Compte tenu du trou noir statistique (voir encadré) qui s’agrandit d’année en année, dans la plus parfaite indifférence des administrations des États membres, depuis la mise en place du marché unique en 1993, il n’est pas impensable qu’une partie des MPR transite par la Belgique pour embarquer à Anvers.
Le Commissariat général au développement durable souligne également la percée des ventes françaises en Chine (258 M€ en 2014 contre 19 M€ en 2000, les métaux non ferreux représentant 59 % de la valeur des exports), en Turquie (76 M€, 13 fois plus, 99 % de déchets d’acier) ainsi qu’à Hong Kong (36,5 M€, quatre fois plus). Les États-Unis sont également un bon client avec 43 M€ (dont 48 % de métaux non ferreux), comme l’Inde avec 36 M€ (49 % de métaux non ferreux). Le mode d’emballage « maritime » (conteneur ou vrac) et l’influence des prix du transport maritime qui baisse d’année en année vers l’Extrême-Orient, ne font l’objet d’aucun commentaire. Idem pour le bilan carbone de ces flux. À l’import, 84 % des flux (en valeur) viennent de l’UE, soit 1,5 Md€. L’Allemagne, la Belgique, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Espagne, l’Italie et la Pologne représentant 1,4 Md€. La Suisse, les États-Unis et la Russie faisant l’essentiel du solde, soit 300 M€.
À défaut d’être précises sur la destination finale des exportations passant par la Belgique ou les Pays-Bas, les statistiques douanières distinguent toutes sortes de déchets: fonte-fer-acier, papiers cartons, scories cendres, laitiers, aluminium, plastiques, etc.
1 Md€ de déchets vendus à la Belgique ou en transit?
Ce trou noir est assez largement documenté sans pour autant susciter une réaction perceptible. En 2010, MM. Genevoix et Gilles, membres du GCPC devenu GCDD, écrivaient: « Il serait nécessaire, avec la collaboration active et sans réserve de l’administration des Douanes et des Grands ports maritimes, de se pencher sérieusement sur cette question (la perte des données douanières en intracommunautaire) et de voir s’il est possible, au moins dans un certain champ, de reconstituer des indicateurs suffisants fiables. Ceci en particulier pour les conteneurs, trafic stratégique et par essence très mobile. » Le rapport 102 de mars 2007 du Conseil national de l’information statistique recommandait « d’améliorer la connaissance des flux conteneurisés et rouliers, d’approfondir la coopération avec les Douanes et Eurostat pour améliorer la qualité des données sur les importations et les exportations », etc. Dès lors, on peut s’interroger sur la qualité de l’analyse portant sur les ports de chargement et de déchargement des flux de marchandises qui devrait servir de base à l’élaboration d’une politique portuaire européenne et/ou nationale. L’absence de statistiques fiables présente cependant un avantage politique fort, car elle permet de dire tout et son contraire sans risque d’être contredit par les faits.