Le côté sombre des NTIC à bord

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Pour améliorer le bien-être mental des navigants, facteur très favorable à la sécurité de la conduite du navire, on admet communément depuis quelques années que l’accès à Internet à bord et l’usage du téléphone portable sont de bons moyens, en permettant un contact fréquent avec les proches restés à terre. Comment, dans ces conditions, expliquer que la profession de navigant occupe la deuxième place des métiers où le taux de suicide est le plus important, s’interroge le P&I.

Si avoir en continu des nouvelles des siens peut être une bonne chose, dans certains cas, cela peut produire de l’anxiété. Car pas plus qu’avant le marin ne peut être à la maison rapidement pour aider ou résoudre un problème. « La cassure nette » qui se produisait avant l’ère des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), n’existe plus, note le P& I. Le marin peut donc être brutalement confronté à une réalité domestique face à laquelle il ne peut être d’aucun secours.

L’autre aspect négatif des NTIC est de réduire la vie sociale à bord, certains risquant de s’enfermer dans la consultation de leurs courriels ou des messages échangés dans les réseaux sociaux.

Par le passé, explique le P&I Club, lors de leur temps de repos, les navigants se trouvaient au bar pour discuter, jouer aux cartes ou regarder la télévision. De temps à autre était organisée une fête à bord ou un tournoi de ping-pong. Cela renforçait la cohésion du groupe et les liens amicaux. Le sentiment d’isolement était moins perceptible et, en cas de problème, un marin pouvait plus facilement se confier. Aujourd’hui, il est devenu tentant de regagner sa cabine et de surfer sur les réseaux sociaux.

Les nouvelles technologies, qui améliorent l’efficacité de l’exploitation des navires, exercent cependant une pression plus grande sur l’équipage pour qu’il travaille mieux et plus vite. « Dans certains cas », cela amène également à une réduction d’effectif. La brièveté des escales et les difficultés croissantes pour descendre à terre ne sont guère favorables au bien-être des marins. À cela s’ajoute la multiplication d’équipages multiculturels qui, par définition, n’ont pas la même culture, ni la même langue, ne déjeunent pas à la même heure. « Il ne faut donc pas s’étonner que certains membres d’équipage préfèrent rejoindre au plus tôt leur cabine pour regarder un DVD, appeler leurs proches ou jouer sur leur console de jeux », estime le P&I Club.

Il n’est pas question de bannir l’usage d’Internet et du téléphone portable, car les marins doivent conserver un lien avec leurs proches, afin notamment de réduire le décalage au retour à la maison, explique le P&I Club. Il est question de trouver un équilibre entre la conservation du lien à distance et un bon niveau de socialisation à bord. La Xbox doit de temps à autre laisser la place à un tournoi de fléchettes. Le P&I évoque une relation de cause à effet entre la baisse des interactions sociales à bord et la hausse des suicides. Il conseille aux compagnies, dans l’intérêt bien compris de la sécurité de la conduite de leurs navires, d’y réfléchir avec attention.

L’accès à Internet est presque un prérequis

La première mise en garde du P&I Club est cohérente avec les constatations évoquées lors du 6e séminaire sur les facteurs humains dans les marines de guerre de… mai 2010. En outre, lors des 15e Journées de la médecine des gens de mer (30/09 et 01/10 2010), il a été noté que les moyens modernes de communication avec les proches exacerbaient chez le navigant l’apparition d’une « nostalgie » définie comme étant le mal du pays résultant de l’éloignement douloureux d’avec sa famille et ses amis. Rappelons qu’il n’est pas exceptionnel que les marins philippins restent neuf mois en mer. Par contre, l’alerte du North of England P& I Club nuance la conclusion du réseau social dédié aux navigants, Crewto, selon laquelle l’accès à Internet est l’un des facteurs les plus importants pour le bien-être du navigant (JMM du 8/1, p. 60). Il n’est pas certain que la méthode du questionnaire soit la mieux adaptée pour évaluer la réaction d’un navigant en cas de réception de mauvaises nouvelles familiales. L’activité de la maison mère de Crewto (concepteur et fabricant d’antennes satellite pour mobiles) est susceptible de biaiser une analyse objective.

Le rappel du « bon temps » sans fil à la patte par le P&I est surprenante. En effet, à partir des années 1980, il a été noté que l’apparition des magnétoscopes, puis et surtout des lecteurs portables de DVD favorisait l’isolement à bord car il devenait facile de regagner sa cabine pour regarder seul un film. Internet ne semble être qu’un nouveau moyen de s’isoler. Il suffit de prendre les transports en commun pour constater que l’usage des téléphones portables ne semble pas favorable à la convivialité entre voyageurs.

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