Après l’Europe du Nord, l’Asie et la mer Noire, l’océan Indien occupe la quatrième place des marchés du vrac sec, a expliqué Gilles Cossy, directeur de l’affrètement de Setaf-Saget. Quelque 175 Mt de marchandises en vrac transitent dans la région tous les ans. Ce sont principalement des trafics d’agrégats, de calcaire, de charbon, minerai de fer, céréales et engrais qui sont réalisés dans la région. Même si les installations portuaires sont en développement, la taille maximale des navires pouvant entrer dans les ports se limite aux Supramax. « Nous avons anticipé ce mouvement en investissant dans ce type de navire. Nous avons commandé des unités avec une faible consommation en fioul et des émissions de Sox et Nox réduites », continue le directeur d’affrètement de Setaf-Saget. Des navires spécifiques qui disposent de panneaux de cale larges pour une cadence pouvant atteindre jusqu’à 20 000 t par jour en 24h/24.
Coopérative ouvrière
Pour sa part, la COR (Coopérative ouvrière réunionnaise), manutentionnaire de vracs et de diverses à Port Réunion, s’est spécialisée dans ces trafics de vrac. « Nous avons organisé l’entreprise en coopérative ouvrière pour que les dockers prennent leur destin en main », a expliqué Michel Séraphine, un des fondateurs de la COR. Aujourd’hui spécialisée sur les trafics de vrac, la COR s’est diversifiée vers les marchandises conventionnelles. « Notre mode opératoire diffère de ceux des autres sociétés de manutention de la place. Nous avons une gestion collégiale dans une économie sociale et solidaire. Les bénéfices sont réinvestis. » Une gestion particulière qui a eu pour effet de solidariser l’ensemble des équipes des ouvriers dockers « et d’éviter les mouvements sociaux », précise Michel Séraphine. Au global, la COR traite environ 1,5 Mt de marchandises par an, surtout le clinker, le charbon, les céréales, le bois et les colis lourds. « Nous n’intervenons pas sur les conteneurs à l’exception de ceux destinés à l’armée française basée à La Réunion. »
Le démarrage des travaux de la Nouvelle route du Littoral, entre Saint-Denis et Saint Paul, nécessite un approvisionnement important de matériaux. La majorité de ces trafics, et notamment les enrochements en provenance de Madagascar, sont traités par la COR.
Un marché destiné à croître
En ayant pris place sur ces trafics à La Réunion, la COR a posé le pied sur un marché qui devrait croître dans les prochaines années. Pour Gilles Cossy, de Setaf-Saget, la croissance démographique sera source de nouveaux potentiels. Les céréales pour l’alimentation humaine et animale vont augmenter. Avec le retour de la croissance, les matériaux de construction devraient aussi connaître dans les prochaines années un nouvel essor. C’est sur le charbon et les minerais de fer que des baisses sont attendues. « Avec les décisions prises lors de la COP 21, les trafics de charbon destinés aux centrales électriques sont voués à s’amoindrir », envisage Gilles Cossy. Néanmoins, si le charbon n’est plus la source de chaleur de ces centrales, il pourrait bien être remplacé par la biomasse. À La Réunion, la bagasse pourrait être utilisée comme combustible des centrales. Un bienfait pour l’écologie, un trafic en moins pour la COR. Une position non encore adoptée.
Face au développement du hub sur la partie conteneurs, tant Gilles Cossy que Michel Séraphine n’imaginent pas décliner ce concept sur les trafics de vracs. « L’éclatement des trafics de vrac existe relativement peu dans le monde, explique Gilles Cossy. Les manutentionnaires de Dunkerque ont déployé ce système vers l’Allemagne, mais dans la région, faire un hub de vracs secs ne serait pas envisageable dans un avenir proche. » Et Michel Séraphine de confirmer cette position avec néanmoins une nuance. « Nous pourrions imaginer faire de nos silos un hub pour redistribuer dans la région des céréales. Ce n’est pas nous qui le commandons. Nous le proposons et nous sommes ouverts à toute activité nouvelle, mais cela doit venir des opérateurs. »
Port Réunion a entamé sa mue
Port Réunion a inauguré en grande pompe les nouveaux équipements qui l’ornent. Après le voyage présidentiel en août 2014, lançant le début des travaux sur le port, c’est avec les autorités régionales réunies que l’inauguration a eu lieu sur le port Est. En 18 mois et avec une enveloppe de 80 M€, Port Réunion a su relever un défi. Il a été d’autant mieux réussi que l’ensemble de la communauté portuaire salue la bonne organisation de ces travaux. « Nous avons pu apprécier le timing respecté de ces travaux qui n’a pas altéré l’activité », nous a confié Matthieu Roger, directeur responsable des DOM TOM chez Mærsk. Une position partagée par Jean-Michel Audiger de MSC. L’investissement a été porté par le Feder à hauteur de 38 M€, le Grand port maritime pour 32 M€ et l’État pour 11 M€.
Ces travaux ont permis d’allonger le linéaire de quai de 160 m et d’approfondir la darse à la cote de 15,5 m pour accueillir des navires de 14,5 m de tirant d’eau. « Nous sommes désormais en capacité d’accueillir des navires de 9 000 EVP. Cela est valable pour CMA CGM dans le cadre de son hub, mais aussi pour tous les armateurs de la place », nous a confié Jean-Frédéric Laurent, président du directoire du Grand port maritime de La Réunion. Un outil au service de tous qui se complète avec l’adjonction de trois nouveaux portiques super over-Panamax. Lors de l’inauguration du 27 janvier, déjà deux des trois portiques étaient installés et opérationnels. Un troisième est attendu pour le mois de mai. Quant aux trois anciens portiques, deux vont rester en activité, le troisième sera vendu pour être ferraillé. « Nous avons l’outil avec les nouveaux portiques et le bassin. Il faut désormais que nous travaillions pour une meilleure organisation du terminal », indique Hervé Marodon, président de TLF La Réunion. À peine l’inauguration terminée, l’ensemble de la communauté portuaire s’est réunie pour discuter du programme d’aménagement du terminal. « Le coût estimé est aux environs de 15,5 M€ », continue Hervé Marodon. C’est toute la logistique sur le terminal qui est à l’étude. « À La Réunion, le changement de mentalité doit s’opérer. De nombreux clients du port considèrent le conteneur comme un espace de stockage. Il faut trouver des solutions pour livrer vite et mieux, mais cela doit se faire sur l’ensemble de la chaîne logistique, depuis l’opérateur du terminal jusqu’au client final. » Parmi les solutions envisagées pour décongestionner les entrées et sorties du terminal par voie routière, Hervé Marodon imagine des alternatives. « De nombreux clients veulent être livrés le matin. Pour certains produits, une livraison l’après-midi peut facilement s’envisager, ce qui fluidifierait en partie les entrées et sorties des camions. Il devrait être envisagé d’offrir des ristournes aux clients qui acceptent d’être livrés en dehors des heures de pointe. Cela est une idée qu’il faut débattre avec l’ensemble des intervenants. »
CMA CGM revoit ses lignes pour intégrer le hub de La Réunion
Parallèlement à l’inauguration du nouveau visage de Port Réunion, CMA CGM a mis en place sa stratégie pour faire du port français de l’océan Indien sa nouvelle base navale. Un point stratégique dans l’océan Indien, a indiqué l’armement. Pour concrétiser par des actes sa volonté de faire de Port Réunion son hub, le nombre d’escales hebdomadaires va passer de trois actuellement à cinq. En premier lieu, le service Némo relie désormais en direct l’Europe à l’île de La Réunion puis à l’Australie. CMA CGM offre un temps de transport intéressant en mettant l’île de La Réunion à seulement 16 jours de Fos et 21 jours du Havre. Ensuite, avec ses deux escales hebdomadaires, Midas est l’unique service direct reliant l’île de La Réunion, seule escale de l’océan Indien, à l’Afrique de l’Est, du Sud et de l’Ouest, à la péninsule arabique et l’Inde. De plus, la ligne Mascareignes permet une liaison hebdomadaire entre La Réunion, Port Louis (île Maurice) et Tamatave (Madagascar). Et pour finir, le service Mozex relie Port Réunion et l’Asie par son hub malaisien de Port Kelang. « CMA CGM fait aujourd’hui de l’île de La Réunion son hub maritime pour l’océan Indien, et lui redonne sa position de carrefour des routes maritimes entre l’Europe, l’Asie et l’Afrique grâce notamment à une desserte renforcée. Par les nouvelles solutions d’importations et d’exportations proposées et par l’accroissement de l’activité maritime générée, CMA CGM contribue au développement économique de l’île de La Réunion », a indiqué en août 2014 Rodolphe Saadé, vice-président de CMA CGM, lors de son passage sur l’île aux côtés du président de la République.