À la question « pour vous, quelles sont les grandes problématiques qui se poseront en matière de sûreté maritime, à court, moyen et long terme? », l’Association française des capitaines de navires (Afcan) cite la cybercriminalité visant à connaître le contenu des conteneurs. Qu’il s’agisse du piratage informatique des listings (comprendre sans doute du manifeste, NDLR), de la dissimulation des marchandises prohibées ou de la récupération ensuite de ces marchandises dans un port ou sur la route. « Ce sera sans doute le grand problème de la prochaine décade. » Le syndrome de l’informatique de la place d’Anvers, en quelque sorte. En ce qui concerne les vracs, notamment énergétiques, l’Afcan estime qu’il est encore plus facile de se procurer les informations nécessaires puisqu’elles sont envoyées par le bord lui-même ainsi que les agents consignataires à un grand nombre de personnes. Le vol de produits raffinés, après arraisonnement, est « facile ». Le détournement de cargaison est déjà une réalité pour les raffinés dans le golfe de Guinée et en Asie. La piraterie maritime retient l’attention des membres de l’Afcan, même si les solutions pour l’éradiquer se trouvent plus à terre qu’en mer.
La « transhumance des migrants est l’actualité » en cours. Il n’y a pour l’instant « au cun signe d’amélioration ». Pour les navires de commerce, la récupération des migrants est à la fois un problème de sûreté et de sécurité.
La Délégation ministérielle aux industries de sécurité (DMIS) s’interroge également sur d’autres sujets de préoccupation dans les ports ou à bord: « La vulnérabilité des navires à quai, côté mer », répond l’Afcan. « On est – ou censé être – protégé côté quai » grâce au code ISPS, mais « on reste bien vulnérable côté mer. […] Même des ports fermés ou “à flot” comme Amsterdam, Anvers , Le Havre ou Dunkerque, en amont des écluses, ont des points accessibles à tous. »
Troisième question de la DMIS: « La sûreté maritime en France est-elle ou non encore sous-estimée? » « La France n’est qu’un élève moyen au niveau de la sûreté maritime », répondent les membres de l’Afcan qui se demandent s’il faudra un attentat majeur dans un port ou sur un navire pour « booster » la sûreté portuaire. Quelques lignes plus loin, les capitaines ont « l’impression que le plus grand problème de l’industrie portuaire est l’absence de culture sécurité: une caserne de pompiers c’est suffisant! »
Autre question de la DMIS: « Quelles autres cibles potentielles maritimes d’actes malveillants, non encore identifiés, voyez-vous? » Outre une attaque sur un champ d’éoliennes offshore, l’Afcan envisage un déversement volontaire de pétrole brut à proximité d’une côte touristique.
Câbles sous-marins: vulnérabilité confirmée
L’Afcan rapporte également les craintes de l’un de ses adhérents qui a navigué pendant 10 ans sur un câblier, puis trois ans sur un navire de réparation: « Il suffirait d’affréter un navire et de tirer un grappin coupant la ligne Nord-Sud au milieu des grands océans. Cela pourrait potentiellement couper un grand nombre de câbles de communications en peu de temps. Une action coordonnée de plusieurs navires (de pêche) bloquerait alors tout le système mondial, [ce qui créerait] un impact considérable. Compte tenu des délais pour réparer un câble, il est impossible actuellement de réduire le temps d’impact. » Peu de matériel, un coût raisonnable pour un résultat « majeur » sachant que la majorité du trafic internet passe par des câbles sous-marins.
Rappelons que l’Observatoire du monde cybernétique
Encore une question de la DMIS: « Avez-vous identifié des lacunes techniques et technologiques en termes de sûreté maritime? » « La principale lacune est la formation des acteurs (surtout le personnel portuaire) qui reste dans un état lamentable malgré tous les efforts de l’OMI », répond l’Afcan. « En sécurité, dans tous les accidents maritimes classiques, on pointe le manque de formation des acteurs, c’est la même chose dans l’industrie de la sûreté maritime et portuaire mais on ne s’en apercevra réellement que lors du prochain accident de sûreté dans un port », poursuit l’Afcan.
*Trimestriel publié par la délégation aux affaires stratégiques du ministère de la Défense.