L’océan, un enjeu crucial de la lutte contre le réchauffement climatique, aura tout de même trouvé une place dans les discussions de la première semaine de la COP 21. L’océan couvre 71 % de la surface du globe, il absorbe plus de 25 % du CO2 et 93 % de l’excès de chaleur causé par l’emballement des activités humaines et fournit de l’oxygène et des protéines, essentielles pour l’humanité.
Pour faire avancer l’agenda de l’océan à la COP 21, plusieurs actions ont été entreprises en amont, parmi lesquelles le Forum Océan et Climat, le 3 décembre, suivi le 4 décembre par le Oceans Day at COP 21 organisé par la Commission océanographique intergouvernementale (COI) de l’Unesco, le Global Ocean Forum et la Plate-forme Océan et Climat.
Le Oceans Day at COP21 s’est appuyé sur les recommandations et les solutions proposées lors de précédentes journées « océan », ainsi que sur les résultats de la Journée mondiale de l’océan organisée par la COI et la Plate-forme Océan et Climat le 8 juin au siège de l’Unesco. Ont participé aux discussions de cette journée des acteurs politiques (parmi lesquels la ministre de l’Écologie Ségolène Royal), des scientifiques, des représentants d’organisations internationales et de la société civile. Le Oceans Day at COP21 a mis l’accent sur « les populations et les écosystèmes les plus vulnérables », et a proposé des mesures à prendre pour « atténuer l’acidification de l’océan, aborder les services écosystémiques et mettre en place des aires marines protégées ».
Plan startégique et proposition
Les discussions ont abouti à l’élaboration d’un « plan stratégique articulé autour de nombreuses priorités telles que l’atténuation, l’adaptation, le financement, le renforcement des capacités, la sensibilisation du public, la science et l’observation océaniques », et à une proposition: la rédaction d’un « rapport spécial sur l’océan » par le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).
Génération bleue
À la fin de l’événement, Romain Troublé et Catherine Chabaud, représentants de la Plate-forme Océan et Climat, avec Vladimir Ryabinin, ont présenté les 25 000 signatures récoltées depuis le lancement de l’Appel de l’océan pour le climat au mois de juin à l’occasion de la Journée mondiale de l’océan.
La jeune génération a également activement travaillé à faire avancer l’agenda de l’océan en organisant les 26, 27 et 28 novembre une Conférence des jeunes appelée COY 11 (Conference of Youth). À l’issue de l’atelier Act for the Ocean, un plaidoyer a été rédigé, intitulé « Génération bleue », qui présente une série de propositions concrètes dans « les champs de l’éducation et des connaissances, du financement, des outils juridiques et de gouvernance », et un rappel aux décideurs: « Notre génération est plus que consciente des enjeux qu’elle doit relever et assumer, mais c’est aussi aux décideurs et élus d’incarner nos valeurs à travers les programmes mis en œuvre: innovation, partage, engagement et responsabilité. »
Parmi les propositions pour faire émerger une « économie bleue », la création d’un « fonds bleu » au niveau international, pour soutenir les « entrepreneurs, quand ils cherchent à innover ou à adapter leur outil de production pour le rendre plus respectueux de l’océan. Ce fonds bleu pourrait être constitué de financements participatifs de type crowfunding ou même de façon peut-être plus ambitieuse en permettant aux citoyens de flécher l’utilisation de leur épargne vers des projets bleus ».
Les jeunes de la COY 11 proposent parallèlement la création d’un label « aux critères universels, délivré par des organisations extra-financières indépendantes, conditionnant l’obtention des prêts du fonds bleu. Ces propositions se fondent sur la liberté des citoyens, qui pourront choisir de donner aujourd’hui aux entrepreneurs, aux innovateurs, les moyens de construire une société respectueuse de l’océan pour demain ».
Paris Draft
Le projet d’accord remis au président de la COP 21 Laurent Fabius, le 5 décembre (Paris Draft), reprend et modifie le texte validé mi-octobre à Bonn, lors de la dernière session préparatoire. Il doit guider les discussions ministérielles du 7 au 9 décembre et mener à un accord le 11 décembre, au dernier jour de la conférence.
Diane Beaumenay-Joannat, chargée de mission Climat et Outre-mer à la fondation Surfrider Europe, commente les modifications apportées au document de travail. À propos du paragraphe 13 du préambule, elle salue la mention de « l’importance de préserver les milieux océaniques, qui sont des puits de carbone », au moyen d’approches stratégiques internationalement partagées et respectées, comme celle mise en place pour lutter contre la déforestation, Redd + la réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts.
Diane Beaumenay-Joannat regrette cependant que le texte renvoie à l’article 4 de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC): « Cette référence reste indirecte et oblige le lecteur à aller chercher le contenu de l’article 4, une gymnastique juridique, un manque de lisibilité qui ne traduit pas le rôle essentiel que l’océan occupe dans la machine climatique et doit occuper dans l’accord de Paris. »
La question du transport maritime international est abordée dans l’article 3. 20 sur « l’atténuation » (mitigation). Dans le texte, après « Organisation maritime internationale » (OMI), la recommandation présente dans le texte de la Convention est maintenue sur la nécessité d’adopter des « mesures concrètes visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre des navires en développant des stratégies de basse émission ».
Les sessions de travail sont conduites en binôme, les coprésidents font ensuite des propositions de modifications. Diane Beaumenay-Joannat espère ainsi que la proposition faite par les coprésidents d’insérer dans le paragraphe 13 une mention claire de l’océan et des « écosystèmes marins et littoraux » sera prise en compte et « intégrée dans l’accord ».