Une croissance de 1 % à 2 % par an sur la prochaine décennie

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Le Grand port maritime de Guyane (GPMG), regroupant les sites de Dégrad des Cannes et de Kourou, situés respectivement sur les communes de Rémire-Montjoly et de Pariacabo, a enregistré un trafic difficile en 2014. Avec 629 185 t, le GPMG accuse un repli de 3,8 %. Au cours des trois dernières années, le trafic du port s’étiole. En 2012, le GPMG a enregistré un trafic de 656 282 t. Au total, en deux ans, le port a perdu 4,1 % de ses flux. Une évolution que le président du directoire du GPMG explique par la situation économique locale. « La structuration économique de la population guyanaise montre qu’une part minoritaire dispose d’un pouvoir d’achat élevé. Nous traitons 95 % du trafic pour le département, alors, à chaque fois que l’économie locale souffre, nous accompagnons le mouvement », explique Philippe Lemoine, président du directoire du GPMG. Tous les courants de trafic affichent une diminution de leur volume. Ainsi les vracs solides, constitués principalement de clinker, accusent une baisse de 12,7 % à 77 152 t. Destiné à l’usine des Ciments guyanais, société rachetée par Holcim, le clinker est une donnée symptomatique de l’activité du BTP. « Nous sommes assujettis à l’investissement public, continue Philippe Lemoine. Les collectivités locales sont pauvres et ne peuvent investir dans des infrastructures lourdes. Il leur faut l’aide de l’État et du Feder (Fonds européen de développement économique et régional) pour soutenir une politique de travaux. »

Quant aux vracs liquides, qui sont composés des hydrocarbures, de bitume et de méthanol, ils enregistrent une diminution de 2,8 % à 234 799 t. L’activité du centre de Kourou entre pour une part non négligeable dans la santé de ces flux tout comme la consommation locale d’essence. Malgré la baisse, les vracs liquides représentent encore 37 % du trafic global.

Parallèlement aux vracs, les marchandises diverses sont le pilier du trafic portuaire. Elles entrent pour plus de 50 % du trafic global. Elles regroupent les conteneurs, les voitures, le fret destiné à la base spatiale et le fret pour les armées. Au global, en 2014, ce poste s’est élevé à 307 182 t, en baisse de 2 %. Le fret spatial reste marginal dans les chiffres du GPMG avec seulement 1 %. « Il a cependant progressé de 14,2 % en 2014 », souligne Philippe Lemoine. Le roulier pèse environ 2 % du trafic global. En 2014, le nombre de véhicules débarqués en Guyane a progressé de 5,5 % à 5 927 unités mais pour un tonnage en baisse de 1,8 % à 10 052 t.

Enfin, les conteneurs s’inscrivent dans la même tendance. En 2011, le port de Dégrad des Cannes a accueilli un trafic de 31 117 EVP. En trois ans, il a perdu 874 EVP. En 2014, la baisse a été de 1,5 % pour se situer à 30 243 EVP pleins.

Deux enjeux majeurs

Au cours des dernières années, le trafic du Grand port maritime de la Guyane a accusé un tassement. Dès 2013 et la mise en place des nouvelles instances de gouvernance, le GPMG a bâti son projet stratégique sur les cinq années à venir, de 2014 à 2018. Deux enjeux gouvernent ce document. Il s’agit en premier lieu d’assurer au territoire guyanais une activité portuaire performante et durable dans un contexte de croissance démographique et, d’autre part, d’améliorer la compétitivité économique et sociale du port tout en contribuant au développement de l’économie du département. Derrière ces deux enjeux majeurs, Philippe Lemoine voit la capacité du port à résister à la concurrence proche de Paramaribo au Suriname, mais aussi à favoriser le développement de l’économie guyanaise par le développement des exportations. « La Guyane exporte principalement du bois et des poissons. Nous voulons accompagner les entreprises avec des projets d’exportation de produits comme les déchets à expédier en Europe. » Quant à la concurrence du port de Paramaribo, elle est appréhendée avec réalisme par le président du directoire. « Notre réseau routier entre Saint Laurent du Maroni et Cayenne est pauvre. Nous devons pouvoir alimenter la région occidentale du département pour être un concurrent du port du Suriname. »

Le projet stratégique repose sur cinq actions, qui permettront au port « de préparer l’avenir pour un leadership régional », assure Philippe Lemoine. Pour construire ce projet stratégique, Philippe Lemoine a dressé un constat de la situation du port. « Notre constat est clair sur ce point: le port a besoin de moderniser et de réhabiliter son infrastructure. Cette modernisation doit s’accompagner d’une évolution technologique. » Lorsqu’en 2012, la loi a transféré le port au GPMG, la situation était difficile. La dette du port s’élevait à plusieurs millions d’euros. Il a fallu d’abord négocier avec la CCI, le précédent concessionnaire du port, pour envisager un règlement de cette dette et partir sur des bases plus saines.

Le premier volet de ce plan stratégique repose sur l’organisation du port. L’objectif est d’imaginer une nouvelle organisation du port qui permette d’assurer une meilleure productivité. Cette optimisation passe par l’achat de moyens de manutention. Aujourd’hui, les navires utilisent, notamment pour les conteneurs, les grues de bord. La solution entre une grue sur rail ou un portique est en réflexion. Le portique paraît un peu démesuré au regard des trafics actuels puisqu’il est rentable dès lors que le port franchit le seuil des 120 000 EVP. « La grue sur rail nous paraît plus appropriée », confie Philippe Lemoine. Outre les moyens de manutention, l’autorité portuaire réfléchit à l’organisation du terminal. « Il faut trouver une solution alternative entre une manutention qui soit entièrement dédiée au port et une manutention laissée à un opérateur unique. » La troisième voie pourrait bien être de créer une société qui opérerait la manutention dans laquelle le port aurait une participation, « dont il est encore trop tôt pour donner le pourcentage », précise Philippe Lemoine, et qui serait ouverte à tous les armateurs. « Nous voulons que cet opérateur soit dynamique pour amener du trafic supplémentaire et éviter toute sclérose du trafic portuaire. »

Un volant de 100 dockers

Avec ce volet organisationnel intervient l’aspect social. Dès lors que de nouveaux moyens seraient à disposition, la productivité du terminal sera en hausse. Aujourd’hui, la manutention est assurée par deux sociétés, la CMA CGM et Marfret, qui disposent d’un volant de 100 dockers. « Nous sommes en sureffectif sur la place », constate le président du directoire. Il va alors falloir entrer dans une négociation avec les partenaires sociaux. Le port a déjà budgété une enveloppe de 15 M€ pour la modernisation de la manutention. « Une somme que nous sommes prêts à débourser avec, en contrepartie, de la rentabilité sur le terminal. Nous sommes prêts à faire des efforts mais nous demandons aussi aux armateurs de revoir les taux de fret et d’envisager une réduction de la masse salariale. »

Le calendrier prévu par le projet stratégique établit qu’en 2015, les différentes solutions sont posées sur la table pour présenter une synthèse en 2016 et entamer les travaux pour être opérationnels en 2017 ou 2018.

La troisième action de ce plan stratégique vise à sécuriser les accès nautiques des ports de Dégrad des Cannes et de Pariacabo. L’accès au port se fait par un chenal de 15 km de long et d’une largeur de 120 m. Il est dragué en permanence pour assurer un tirant d’eau de 4 m. Au final, les navires d’un tirant d’eau de 7 m peuvent accéder au port, mais uniquement selon les marées. Dans le port de Pariacabo, le chenal d’accès s’étend sur 14 km pour une largeur de 60 m draguée à 2,7 m. Avec le jeu des marées, les navires de 4 m de tirant d’eau peuvent entrer dans le port. « Quand nous avons repris les infrastructures, nous nous sommes aperçus de pointes rocheuses dans les chenaux d’accès des deux ports. » Dans un premier temps, le port a procédé au déroctage de ces pointes rocheuses. Il reste qu’il faut maintenant trouver une solution pour entretenir les deux chenaux d’accès aux ports. Des travaux qui ont pris fin au mois de novembre. Pour le dragage de maintenance du chenal, le port a imaginé une solution en partenariat avec le Cnes. Il s’agit d’un contrat pour la maintenance sur une période de 12 ans avec la présence de deux remorqueurs. Pendant les deux prochaines années, une barge et une drague s’affaireront aux travaux avec la présence d’un remorqueur qui pourra intervenir à Dégrad des Cannes. Dans un second temps, le GPMG disposerait de deux remorqueurs, l’un basé à Dégrad des Cannes et l’autre à Paracaibo. « Avec cette solution, nous pourrons offrir à des armements la possibilité d’entrer dans le port en toute sécurité », explique le président du directoire.

Le quatrième volet de ce plan stratégique concerne le foncier du port. Lors du transfert au Grand port maritime, ce sont quelque 20 ha de terrains qui ont été attribués au GPMG le long du fleuve. La volonté de l’autorité portuaire est d’acquérir des terrains le long du fleuve pour développer de nouvelles activités. Les amendements intervenus dans le cadre de la modernisation du droit en outre mer permettent aux Grands ports maritimes d’acquérir des terrains appartenant à l’État pour se développer. Une amélioration qui lui permettra de croître en amont et en aval de la zone actuelle, mais aussi d’allonger le quai pour recevoir deux navires simultanément. En outre, précise Philippe Lemoine, des cessions onéreuses avec le département pour des terrains proches de la zone portuaire sont envisagées. En acquérant ces terrains, le GPMG souhaite offrir à des sociétés nouvelles la possibilité de réaliser des opérations de logistique. Outre les projets d’entreprises spécialisées dans la collecte de déchets pour les exporter vers l’Europe ou d’autres continents, ces terrains pourraient servir à la logistique pétrolière. Certes, le projet d’exploitation pétrolière au large de la Guyane est actuellement ajourné mais « il n’est pas enterré », assure Philippe Lemoine. La zone portuaire est confrontée aujourd’hui aux soucis des cuves de stockage pétrolier de la Sara (Société anonyme de raffineries des Antilles). L’existence de ces cuves extérieures oblige à limiter la présence d’activités industrielles sensibles aux alentours. La Sara a réalisé une étude pour un enfouissement de ces cuves, mais dont le coût serait si élevé qu’il se répercuterait sur le prix de l’essence localement. En refusant d’enfouir les cuves, la Sara oblige les industries proches à mettre en place un PPRT (plan de prévention des risques techniques), souvent onéreux. « Il faut ramener le sujet à sa juste mesure, rassure le président du directoire. Ce sujet concerne quelques parcelles impactées par ces PPRT ».

Haut débit informatique

Dernier volet du projet stratégique, la mise en place d’outils de communication et d’informatisation dans le port. Il est prévu de raccorder le port au haut débit informatique et de le doter d’outils de gestion pour les escales. Le président du directoire souhaite que le système de gestion des escales soit relié à AP +.

Autre sujet du port, l’ouverture dans les prochains mois du nouveau jeu d’écluses du canal de Panama. « Nous ne menons pas véritablement une action mais plutôt une réflexion sur l’idée d’un port flottant au large de la Guyane. » Une solution qui permettrait de s’affranchir des restrictions de tirant d’eau. « Deux partenaires privés se sont montrés intéressés par ce projet », nous a confiés Philippe Lemoine. Sur ce site pourraient être traités des trafics liés à la croissance bleue et l’économie circulaire, mais aussi pour la logistique pétrolière. « Dès lors que le canal de Panama ouvrira et que le canal du Nicaragua pourrait suivre dans les prochaines années, il est certain qu’un développement des trafics avec le Brésil et, plus loin, l’Afrique de l’Ouest, est à envisager. »

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