En décembre, Marfret a fêté les 35 ans de sa présence sur les Antilles et la Guyane. Le premier voyage s’est déroulé en décembre 1980. Sans interruption depuis lors, l’armement basé à Marseille a su développer un réseau dans les départements français d’Amérique. L’objectif de Marfret a été d’entrer sur le marché des Caraïbes pour y prendre des parts de marché en conteneurs. « À l’époque, la conteneurisation était peu développée, alors nous avions du conventionnel, du conteneur et même du vrac, puisque parmi nos premiers voyages nous avons acheminé 10 000 t de blé », raconte Raymond Vidil.
Trois lignes sur les DFA
Aujourd’hui, Marfret opère trois lignes sur le marché des départements français d’Amérique en transatlantique en partenariat avec CMA CGM. La première sur les Antilles depuis l’Europe du Nord, qui touche Dunkerque, Le Havre et Montoir pour relier Fort-de-France et Pointe-à-Pitre. La deuxième, dédiée à la Méditerranée, part d’Algésiras pour joindre Livourne, Gênes, Fos, Barcelone, Valence, Pointe-à-Pitre, Fort-de-France, Cartagène, Manzanillo, Port Moin, Turbo et Pointe-à-Pitre. Enfin, la troisième est plus centrée sur le nord de l’Amérique du Sud. Elle touche Algésiras, Rotterdam, Anvers, Tilbury, Rouen, Le Havre pour rejoindre Saint Martin, Port of Spain, Dégrad des Cannes, Belem, Fortaleza et Natal. Sa présence depuis trois décennies sur ces îles pourrait permettre à Marfret d’assurer seul la desserte de ces marchés. « Notre métier n’est pas seulement de relier un port à un autre par voie maritime, mais surtout d’avoir une logistique plus poussée sur l’ensemble de la chaîne. Nous faisons du bout en bout en utilisant le conteneur comme une solution intégrée. » En disposant de ses propres filiales pour la manutention et de ses propres services de pré et post-acheminements, Marfret maîtrise la politique commerciale et logistique. La mise en place de cet accord avec CMA CGM permet surtout d’offrir aux clients un service amélioré. Alors quand la CMA CGM a décidé de construire des navires plus grands pour assurer la ligne sur la Guyane, Marfret a réfléchi à sa position. « Nos navires sont parfaitement adaptés au marché actuel. Les Guyanamax sont des navires qui sont taillés pour desservir les marchés amazoniens », explique Raymond Vidil. La réflexion a débouché sur une adaptation. Les navires affectés au service sur la Guyane ont été mis en arrêt technique en septembre et octobre pour ajouter des prises reefers. « Nous sommes passés d’une capacité de 300 prises à 418 prises par navire », confirme le p.-d.g. de Marfret. La situation demeurera sur ce statu quo pendant encore au moins deux ans, « après nous verrons en fonction des marchés ».
Réduire la dépendance aux importations
Dans le cadre du VSA avec CMA CGM, une clause prévoit que Marfret ne peut charger des bananes des deux départements. Les navires qui assurent ce VSA sont tous propriété de CMA CGM, et dans l’accord d’allocation de slots, Marfret ne dispose que de 20 prises reefers pour des produits venant d’autres pays de la région. Marfret exporte les bananes du Costa Rica sur le service Med Car en effectuant un transbordement sur le port de Pointe-à-Pitre. Sur le port d’Algésiras en retour, les fruits du Costa Rica destinés au Portugal et à l’Espagne sont déchargés pour être réacheminés.
Outre les rotations en transatlantique, Marfret assure une rotation entre les deux îles de la Guadeloupe et de la Martinique. Commercialisée sous la marque Ferrymar, cette ligne est réalisée avec Le-Marin. Le navire peut charger des conteneurs et des remorques. « Le modèle économique de cette ligne n’a rien à voir avec ce que nous faisons sur le transatlantique », explique Raymond Vidil. L’intuition du p.-d.g. de Marfret repose sur la dépendance des économies des deux îles aux importations de la métropole. « Il faut développer une industrie manufacturière locale pour réduire la dépendance aux importations. » De nombreuses filières pourraient se développer localement qui mériteraient ensuite de s’échanger entre les îles. Raymond Vidil est persuadé que l’agroalimentaire (sur tout ce qui concerne les boissons, les glaces, le café), les industries liées à l’élevage ou encore le bâtiment (comme les fermetures de la maison, portes, volets, fenêtres) sont autant de secteurs qui pourraient susciter l’installation de manufactures dans la région. « Depuis 2000, depuis que cette ligne existe, nous avons créé un pont entre les îles. La ligne fonctionne mais nous sommes arrivés à un palier. Il faut maintenant passer à la vitesse supérieure. » Pour franchir le cap, il faut surmonter plusieurs facteurs et notamment avoir une véritable volonté politique de développer l’activité manufacturière dans les îles. Ensuite, les conditions de la manutention doivent être revues. Actuellement, les dockers déchargent les remorques. « Nous avons entamé des négociations avec les manutentionnaires pour que nous puissions faire décharger les remorques par les chauffeurs. » Le sujet est sur la table. Enfin, il faudra passer le frein culturel. « Après les grèves dans l’un ou l’autre port, les différentes parties qui pourraient s’investir dans ce projet et qui ont connu de longues périodes de grève sont réticentes. Elles craignent de se retrouver bloquées ou immobilisées par un mouvement. » Et cette idée de développer des zones industrielles adossées aux ports peut aussi se décliner, selon le p.-d.g. de Marfret, sur les ports secondaires de ces îles. « La desserte de ports comme Le Robert prend toute sa dimension dès lors qu’une zone industrialo-portuaire y est accolée pour y développer une activité industrielle. »