L’année 2014 s’est achevée à Fort-de-France sur une belle performance. Avec une hausse de 23 %, le port a su faire front face à la volatilité de certains trafics. « Notre trafic domestique est stable, et sur les dix dernières années il se maintient malgré la crise. Cette base domestique est importante pour nous », explique Jean-Rémy Villageois, président du directoire du Grand port maritime de la Martinique (GPMLM). Un trafic relativement équilibré entre les importations et les exportations, avec des produits raffinés en entrée et du rhum et des bananes à l’export. « C’est une caractéristique importante de la Martinique », souligne le président du directoire. Les entrées restent malgré tout majoritaires avec 66 % du trafic en 2014 à 2,3 Mt. Les sorties entrent pour 1,2 Mt. Sur les trafics de conteneurs, l’équilibre est plus proche avec 87 680 EVP en entrée pour 84 209 EVP en sortie.
La hausse de 2014 a surtout été le fait des trafics pétroliers. Avec 1,56 Mt, les liquides en vrac ont bondi de 29 % cette année-là. Ce courant est principalement lié à l’activité de la raffinerie de la Sara. Après un arrêt technique, la raffinerie a repris du service. Sur les premiers mois de 2015, le port enregistre encore une hausse. Avec 1,25 Mt, les trafics de vracs liquides augmentent de 8,5 %. Le brut progresse de 16 % à 554 951 t et les importations pour la centrale EDF de Bellefontaine explosent avec une progression de 46 % à 128 233 t. L’activité de raffinage industriel sur l’île continue de doper ces trafics.
Le levier de la conteneurisation
Le second levier de cette progression est à mettre au crédit des trafics conteneurisés. En 2013, quand le transbordement a commencé, les trafics conteneurisés ont entamé leur envol. En 2014, l’activité a atteint un pic avec une hausse de 17 % à 171 889 EVP. Les transbordements ont presque doublé cette année-là avec une hausse de 87 % à 36 129 EVP. « La communauté portuaire a montré sa capacité à absorber cette progression de trafic », souligne Jean-Rémy Villageois. En 2015, le coup d’arrêt mis au transbordement aura un impact sur les trafics. En effet, le trafic global conteneurisé accuse un repli de 1 % sur les neufs premiers mois de l’année à 123 223 EVP. Dans ce contexte difficile, les transbordements plongent de 33 % pour n’être plus qu’à 17 033 EVP. Le départ de ces trafics est lié à la perte de confiance de CMA CGM après les mouvements sociaux qui ont frappé le port en décembre 2014. « Nous sommes tous autour de la table pour réfléchir à l’avenir. Les manutentionnaires, le GPM et toutes les parties prenantes discutent. Dans ce débat, le GPM n’a qu’un rôle de médiateur ou de facilitateur pour que les choses avancent. » Des discussions qui se déclinent aussi dans les entreprises. « Avec ce dialogue, la confiance entre les lignes et les opérateurs portuaires revient. » Alors pour l’année prochaine, le président du directoire table sur un trafic stable. « Nous disposons d’un trafic domestique solide et nos discussions actuelles porteront leurs fruits dès 2017 », assure Jean-Rémy Villageois.
Dans ce contexte, le projet stratégique du GPMLM a été repris cette année pour mieux y intégrer les projets d’aménagement et surtout les impacts environnementaux. L’autorité environnementale a rendu un avis le 4 décembre qui demande des précisions.
Les travaux de ce projet ont démarré sur la partie Sud-Est du port. « Nous avons eu une opposition ferme de la part des associations écologistes locales qui ont craint un instant que nous fassions du remblai hydraulique. Nous les avons rassurées. » La solution a consisté à utiliser des produits de carrière sans faire de remblai hydraulique. Au final, le terre-plein de trois hectares sera livré en milieu d’année 2016. « Nous avons eu un léger surcoût sur ce projet mais nous livrerons dans les délais prévus », assure Jean-Rémy Villageois.
La phase 2 vise à allonger le linéaire de quai. Pour ces travaux, le port veut mettre en place des techniques pour n’avoir que peu à draguer et peu à remblayer. Les travaux doivent durer quelques mois. La livraison est prévue pour fin 2018, début 2019.
Sécuriser les investissements
Le projet stratégique de Martinique Hub Caraïbes doit avant tout sécuriser les investissements réalisés par le port. Le trafic domestique se stabilise et ne devrait pas connaître de croissance exponentielle dans les prochaines années. « Nous devons nous positionner comme un hub dans les Antilles », rappelle Jean-Rémy Villageois. Avec des caractéristiques nautiques privilégiées pour recevoir des navires à fort tirant d’eau et l’arrivée prochaine de navires plus grands dans la région avec l’ouverture du jeu d’écluses du canal de Panama, le port a des atouts à faire valoir. Développer l’activité du port avec le canal de Panama? « Nous y avons déjà réfléchi et nous œuvrons au quotidien sur ce sujet », répond le président du directoire. En premier lieu, rappelle Jean-Rémy Villageois, des navires mères desservent régulièrement le port en provenance d’Europe. Les trafics se développent déjà grâce aux dessertes qu’offre le port. « Maintenant, nous entrons dans le détail. »
Parmi les actions en cours, outre les négociations avec les partenaires sociaux, toute la question de la fiabilité sociale est en marche. En outre, le port mène avec les opérateurs une réflexion sur l’organisation du terminal et du travail. « Cela représente une contrainte pour nous. Nous devons travailler sur cette organisation du travail sur nos terminaux pour offrir des services compétitifs aux clients. » Le port est conscient de sa capacité à prendre part au jeu d’échecs qui se joue dans les Caraïbes avec l’ouverture du futur canal de Panama. « Nos travaux sur la Pointe des Grives visent à disposer de l’outil pour répondre à la demande, mais il faut aussi gagner la confiance de toute la chaîne logistique. Nous n’avons pas à rougir de nos tarifs de manutention qui ne sont pas aussi exorbitants que ceux des autres ports voisins. »
Le port impliqué dans l’économie bleue
Le positionnement du port à long terme prend en compte les questions environnementales. Déjà, lors de la première phase des travaux sur le terminal de la Pointe des Grives, des solutions techniques ont pris en compte les inquiétudes des associations écologistes. Au-delà de ce concept, Martinique Hub Caraïbes s’inscrit dans l’environnement caribéen. « Nous avons conscience de l’écosystème fragile des Caraïbes », indique Jean-Rémy Villageois qui affirme que Martinique Hub Caraïbes sera demain un port écologique. L’entrée dans la région de navires plus grands mais aussi plus modernes et répondant à des contraintes écologiques nouvelles obligera les ports à s’adapter. Dans ce cadre, le Grand port maritime a signé un « Contrat de baie » avec l’ensemble des acteurs. Ce document oblige les intervenants à mettre toutes les actions nécessaires en œuvre pour éviter la pollution. « Nous avons expliqué à tous les opérateurs que nous avions réussi à apporter des solutions sans pour autant faire de concessions. » Mais l’économie bleue comprend aussi une notion de croissance économique. « Si nous ne nous développons pas, nous allons dégrader notre économie et aussi notre environnement. Tout cela implique une forte responsabilité. » En s’impliquant dans cette économie bleue, le port s’est engagé sur de nouvelles responsabilités pour faire entrer dans son ADN l’environnement. Et derrière, toute la chaîne suit.