L’année 2014 s’est terminée sur un trafic en baisse. « C’est une mauvaise année pour nous, indique Yves Salaün, président du directoire du Grand port maritime de la Guadeloupe. L’année a été celle de l’attentisme. » La mauvaise économie locale a pesé lourdement sur cette année. Avec une baisse de 10 %, le trafic global est descendu à 3,3 Mt. Pour la seconde année consécutive, le GPMG accuse un repli. Sans vouloir dramatiser, Yves Salaün constate que l’année 2014 est la 5e meilleure du port. Rien de catastrophique.
« Les baisses sur les vracs solides ou encore sur les diverses témoignent des difficultés de l’activité économique de la Guadeloupe dans son ensemble », analyse le président du directoire. La quasi-totalité des segments est concernée. Le nombre de navires escalant diminue également. La campagne sucrière a été bonne dans la mesure où les exportations de sucre sont supérieures de plus d’un tiers à celles de l’année précédente. Le trafic de sucre a été le seul à afficher une progression de 37,6 % à 39 107 t. Du côté des trafics énergétiques, les hydrocarbures et le charbon perdent de leur volume. Les hydrocarbures accusent une perte de 8,2 % à 603 117 t quand les charbons se réduisent de 18,1 % à 234 878 t. Le secteur du BTP a aussi souffert avec la baisse des trafics de clinker, d’agrégats, de pouzzolane et de gypse. Sur les produits agroalimentaires, les céréales se maintiennent à 60 505 t.
Les diverses n’ont pas échappé à la tendance générale. Elles perdent 6,9 % à 1,9 Mt. Les conteneurs, représentant la majeure partie de ces trafics, affichent aussi une diminution de 8,2 % à 1,7 Mt. En nombre, le trafic conteneurs du GPMG s’inscrit dans la même direction avec une baisse de 7,2 % à 183 922 EVP. Le trafic de conteneurs pleins recule de 8,1 % à 125 739 EVP. « En isolant le trafic domestique dans le trafic total de conteneurs pleins, nous observons un maintien du trafic et une baisse globale des transbordements de 18 % », indique le président du directoire. Plus globalement, les résultats de 2014 sont liés à la consommation des stocks sur l’île.
« Nous devrions retrouver notre niveau de 2013 »
Après cette année noire, 2015 semble repartir à la hausse tant sur le trafic international que le trafic domestique. Sur les premiers mois de l’année, le président du directoire prévoit une hausse de 6 % du trafic. « Nous devrions retrouver notre niveau de 2013 », assure Yves Salaün. Hormis les vracs solides et le BTP, dont le retour à la croissance n’est pas attendu avant 2017, tous les autres indicateurs sont au vert. Et dans ce retour à la croissance, les conteneurs ne font pas exception. Le trafic global est en hausse de 4 % sur les neuf premiers mois. Mieux, les trafics de transbordement s’envolent de 23 %. À fin septembre, le trafic conteneurisé global affiche 146 000 EVP. Deux raisons expliquent ce mouvement. D’une part, les armateurs ont repris confiance dans le port guadeloupéen. D’autre part, le départ des transbordements de la Martinique pèse favorablement sur les trafics de Pointe-à-Pitre. Ce renouveau dans le port vient à point. À quelques mois de l’ouverture du nouveau jeu d’écluses du canal de Panama, Guadeloupe Port Caraïbes peut s’imposer dans la région. « Avec le retard pris par les travaux sur le canal de Panama, la reconfiguration des lignes ne s’est pas encore faite. Il faudra attendre l’ouverture officielle en avril. Tout se jouera au second semestre 2016 », explique Yves Salaün. Et la reconfiguration se fera autour de Kingston, en Jamaïque. Les investissements du groupe CMA CGM sur le port jamaïquain ne sont pas une concurrence pour le port. « Notre logique de base est de maintenir un service hebdomadaire avec l’Europe assuré par des navires de 4 500 EVP. Cela veut dire que nous devons rendre le port opérable pour ces navires. » Les ambitions du port guadeloupéen se situent plus au sud, et notamment l’Amérique du Sud. « Nos concurrents sont plutôt Puerto Caucedo ou Port of Spain. Certes, ils ont un trafic domestique plus important que le nôtre, mais ils n’ont pas notre qualité de service. Il n’est pas anodin que la Carribbean Shipping Association nous ait délivré une récompense pour notre fiabilité. » Et cette fiabilité, Höegh a su en profiter en transférant son hub depuis Port of Spain sur Pointe-à-Pitre.
Pour pouvoir répondre à l’attente des armateurs, Guadeloupe Port Caraïbes s’est lancé dans un programme de travaux important. « Nous voulons créer un port nouvelle génération à Jarry adapté aux caractéristiques nouvelles du transport maritime. » Le projet comprend deux phases: la première vise à approfondir le chenal d’accès pour le passer de 12 m actuellement à 16 m, et d’avoir des bassins dont le tirant d’eau passera de 12 m à 13,8 m. Une première phase qui doit permettre d’accueillir des navires plus grands mais aussi des paquebots plus importants. Les travaux de dragage devraient se terminer dans le courant du mois de décembre au lieu du mois de mars, comme initialement prévu. Pourtant, au départ, les choses ne se sont pas déroulées facilement. L’opposition des pêcheurs, profession atomisée à la Guadeloupe, a obligé le port à répondre aux interrogations de la profession.
Un nouveau terre-plein
La seconde étape de ce programme vise à créer un nouveau terre-plein qui prendra sur la mer. Une surface qui permettra d’adjoindre 10 ha au port. Le quai de 350 m est à l’horizon 2020, soit dans le prochain plan stratégique, indique le président du directoire. Il sera fait pour garantir l’arrivée des navires de 6 500 EVP avec 15,5 m de tirant d’eau. Ces aménagements, dimensionnés pour des cyclones de type Hugo et des séismes de classe IV (la plus élevée), seront les seuls de la région à pouvoir résister aux risques naturels d’occurrence centennale. Dans l’éventualité d’une catastrophe majeure, il offrira à la fois aux Antilles une sécurité d’approvisionnement et aux autres pays une plate-forme d’appui en cas de crise.
Pour le président du directoire de Guadeloupe Port Caraïbes, ces travaux sont majeurs pour l’île. « Il s’agit d’adapter l’environnement portuaire à l’économie maritime pour éviter que la Guadeloupe ne soit reléguée aux économies secondaires de la Caraïbe. Si nous sommes desservis par des feeders, le coût de la vie sur l’île s’en ressentira. Ce que nous faisons est un investissement lourd pour l’avenir de l’économie de l’île. »
Dans le projet stratégique du Grand port maritime de la Guadeloupe, cette dimension domestique et internationale ressort. Ce projet s’articule autour de sept axes parmi lesquels le positionnement comme un hub de transbordement de niveau régional dans la Caraïbe Sud, devenir un aménageur du domaine portuaire et le conservateur des espaces naturels, ou encore le développement du fonctionnement en réseau avec les autres ports des Antilles-Guyane. Certains projets sur le bureau d’Yves Salaün pourraient prendre forme dans les prochains mois. L’économie guadeloupéenne ne dispose pas d’un tissu économique fort. « Il faut chercher ailleurs les clés de notre croissance. » S’impliquant dans l’économie circulaire, Guadeloupe Port Caraïbes pourrait devenir une plate-forme de consolidation des déchets des îles voisines avant de partir pour d’autres destinations et y être traités. « Nous avons un coût de transport marginal, ce qui nous permet d’être compétitifs localement. »
Dans le projet stratégique du GPM Guadeloupe, le développement des filières de vracs y est inscrit. « Une mission qui n’est pas simple », reconnaît Yves Salaün. Les importations de blé à destination des moulins locaux ont du mal à se développer. Le coût de la fabrication de la farine est plus cher en Guadeloupe. « Pour le moment, nous concentrons nos activités de transbordement sur les conteneurs et les voitures. » Pourtant, un projet de terminal multivrac est dans les cartons du port. « Nous réfléchissons sur les infrastructures. » Avec la fin des quotas de sucre devant intervenir le 1er janvier 2017, les exportations locales de ce produit risquent de se réduire.
Le programme des travaux va donner au port un nouveau visage. Sur l’organisation, le chantier de la modernisation de la manutention doit intervenir avant 2018. « Au cours des dernières années, nous avons beaucoup avancé mais nous avons mis en place de nombreuses sécurités. Doit-on encore les garder aujourd’hui? », s’interroge Yves Salaün. Les choses positives réalisées doivent maintenant prendre une nouvelle dimension. Pour le président du directoire, la réflexion sur un opérateur unique doit se faire. « Nous partons d’une feuille blanche qu’il faut remplir tous ensemble. »