Le fret ferroviaire est régulièrement sous les feux de la critique. En 2009 déjà, une commission de la CCI Rhône-Alpes indiquait: « Le fret SNCF n’atteint pas ses objectifs avec un déficit de 600 M€ en 2009 (…), et ce malgré cinq plans de sauvetage de l’État à hauteur de 3,5 Md€. ». Une fois balayé la question de la conjoncture économique peu favorable, la Chambre de commerce pointait surtout « le manque de fiabilité dans la chaîne logistique ferroviaire, la mauvaise interopérabilité des réseaux pour les déplacements internationaux, l’arbitrage entre l’activité fret ferroviaire et passagers sur les réseaux ».
En 2012, rebelote, cette fois sous la plume du Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement). Pour le Centre, la faible représentation du fer dans les pré et post-acheminements s’expliquerait par le fort développement des infrastructures autoroutières, mais aussi par le manque de souplesse du ferroviaire « dans une chaîne logistique qui repose sur le juste-à-temps ». Autre frein à sa croissance: la circulation des trains régionaux et la libération des sillons en vue de la construction des lignes à grande vitesse.
Des atouts non négligeables
Le fret ferroviaire dispose pourtant de plusieurs atouts non négligeables. Non content d’être le seul mode d’évacuation massifié terrestre – ce qui est plutôt de bon aloi à l’heure où chacun souhaite développer les modes massifiés maritimes –, il se caractérise également par sa facilité de franchissement des obstacles naturels que sont, par exemple, les Alpes ou la Manche. À l’instar du fluvial, il a également pour lui un bilan énergétique compatible avec les problématiques de réchauffement climatique. Ainsi, les plus optimistes souhaiteraient voir la part modale fluvial-ferroviaire se hisser à 25 % à l’horizon 2020. Oui, mais…
Le premier obstacle, et non des moindres, au développement du ferroviaire, réside dans l’obsolescence des infrastructures, à l’intérieur des ports notamment. Les connexions aménagées depuis des décennies ne sont pas toujours, faute de maintenance, en mesure d’absorber les flux qui transitent aujourd’hui par les ports maritimes, et constituent autant de goulets d’étranglement. Faute de pouvoir investir massivement dans ces travaux, les mêmes lignes sont partagées entre train de voyageurs et de fret, avec les difficultés de cohabitation entre les premiers, circulant à 250-300 km/h, et les seconds à 100-120 km/h.
Les sillons, le nœud du problème
S’il refuse de parler de goulets d’étranglement – « un mot un peu trop fort à mon niveau » –, David le Floch, responsable commercial Normandie et référent marché céréales fret SNCF, reconnaît que la disponibilité ou l’indisponibilité des sillons est le nœud du problème. Et si la régénération du réseau est activement en cours, elle entraîne « un graphique de circulation communément disponible 18 h ou 20 h/24 h, et non 24 h/24 h, ce qui implique une contraction des circulations avec une éventuelle indisponibilité sur certains axes. Paris-Rouen-Le Havre en est un exemple typique avec des travaux entre 22 h et 4 h du matin, rendant difficile la circulation des trains de fret ».
Seconde difficulté relevée par le responsable fret SNCF, « l’annonce non anticipée de certains travaux. Avec des commandes clients qui peuvent se faire un mois avant, l’annonce de travaux à une ou deux semaines sur le réseau portuaire peut poser problème. D’autant que nous sommes sur un mode de transport qui doit être pensé très en amont pour répondre aux exigences du juste-à-temps. Il y a peu d’itinéraires bis dans le ferroviaire dont le réseau ne représente que 30 000 km contre 900 000 km de routes ».
De là à tirer un trait sur les perspectives de progression du ferroviaire, il y a un fossé que nul ne semble disposé à franchir. Malgré les inerties et les fonds limités pour les rénovations, le transfert en 2008 des voies ferrées portuaires aux établissements portuaires eux-mêmes va dans le bon sens. La création d’OFP (opérateurs ferroviaires de proximité) tel celui de La Rochelle (voir entretien page suivante) montre d’ailleurs des résultats très encourageants, confirmant l’importance d’une meilleure communication entre les différents acteurs de la chaîne logistique.
C’est précisément l’un des axes sur lequel Fret SNCF a consacré son attention. Comme l’explique David Le Floch: « La libéralisation du fret ferroviaire nous a rendus plus professionnels et plus à l’écoute vis-à-vis de nos clients. » Voilà qui explique sans doute, pour partie du moins, la progression de 4,5 % du fret ferroviaire conteneurisé en 2013. À suivre.