« Aujourd’hui, le transport conteneurisé de marchandises s’est étendu à toute sorte de domaines. On retrouve des produits aussi variés que des fruits, du sucre, de l’orge de brasserie ou encore du bois. Dans le domaine du bois par exemple, le Havre est devenu en quelques années le premier port européen à l’export. Tout peut rentrer dans un conteneur, y compris un colis lourd. Le conteneur est avant tout un système d’approvisionnement souple. C’est un mode de transport à valeur ajoutée. C’est aussi un secteur qui donne du souffle aux exportations françaises », analyse Hervé Cornède, directeur commercial d’Haropa et du Grand port maritime du Havre (GPMH).
Miser sur le conteneur
Les responsables d’Haropa le concèdent, le trafic est lié à la conjoncture économique mondiale. Leurs ports proposent des offres de services complémentaires à travers le monde. Rouen par exemple se démarque sur l’Afrique. Le seul continent africain représente plus de 20 % de son trafic conteneurs. Le port constitue aussi une grosse base de groupage. Le Havre poursuit son développement sur les États-Unis et sur la Chine, même si le pays enregistre actuellement un net ralentissement de sa croissance. « Le conteneur est au cœur de nos plans stratégiques respectifs, car il représente une grosse part de marché. Nous avons passé au crible toutes les filières existantes. Notre conclusion a été que le conteneur allait poursuivre sa croissance, même si elle est moins rapide que celle enregistrée avant 2007. Il est clair que des secteurs comme les vracs liquides ou le charbon ne vont pas multiplier leur croissance par deux dans les prochaines années. Même si nous n’avons pas de boule de cristal, nous estimons que le conteneur, lui, a une perspective de croissance », confie Hervé Martel, président du directoire du GPMH.
Pour Haropa, le secteur est particulièrement concurrentiel et la nécessité de gagner des parts de marché est une réalité de tous les jours, car au final, ce sont toujours les armateurs et les chargeurs qui choisissent. De plus, la croissance mondiale se fait encore attendre. « Rouen et Le Havre ont une vision d’avenir commune qui se reflète dans les plans stratégiques qui ont été adoptés. Haropa, c’est justement cette idée de proposer des solutions complémentaires, notamment dans le domaine du conteneur. Au Havre, Port 2000 est un formidable outil qui nous permet d’accueillir les plus gros porte-conteneurs du monde, contrairement à d’autres ports européens. À l’heure actuelle, Port 2000 accueille un porte-conteneurs de plus de 10 000 EVP tous les jours. Le Havre, en Europe du Nord, est le premier port touché à l’import et le dernier à l’export. Un armateur comme CMA CGM l’a choisi cette année pour baptiser deux de ses plus gros porte-conteneurs. L’Allemand Hamburg Süd a fait de même. Les logisticiens ne s’y trompent pas, comme la décision récente du groupe Panhard de s’implanter près du Havre. Le groupe Leclerc est également présent et investit. Ce n’est pas un hasard. Nous sommes incontestablement dans la première division », se félicite Hervé Martel. Le responsable ajoute que le système des rendez-vous sur les terminaux portuaires havrais porte ses fruits et permet de fluidifier le trafic.
Les projets
Concernant l’investissement, le plus gros dossier reste celui du terminal à conteneurs qui sera dédié à l’Alliance G6. « Les financements sont là. Nous attendons que l’Alliance G6 nous apporte sa vision des choses. Des solutions existent en termes de disponibilité sur le port du Havre, soit les postes 11 et 12 à Port 2000, soit le terminal d’Asie-Osaka. Il y a deux ans, nous avions lancé un appel à manifestation d’intérêt », explique Hervé Martel.
Du côté des dessertes, Haropa attend avec impatience la modernisation de l’axe ferroviaire Serqueux-Gisors et la montée en puissance de la plate-forme multimodale du Havre qui, à ce jour, n’est toujours pas en pleine exploitation. Et les responsables le répètent, 1 000 conteneurs représentent un emploi portuaire. Haropa a enregistré en 2014 un trafic conteneurs de 2,7 MEVP. Au Havre, l’Asie représente 57 % des parts de marché, le marché américain 13 % du trafic conteneurs et l’Afrique 5 %. Le groupement touche aujourd’hui 588 ports à travers le monde contre 540 en 2013. En termes d’objectifs, qui sont repris dans les plans stratégiques, Le Havre, principal acteur du conteneur, ambitionne d’atteindre de 3,8 à 4,8 MEVP à l’horizon 2020, soit près de 50 % du trafic d’Haropa. Rouen se situerait de 100 000 à 150 000 EVP. Pour le transbordement, marché plus volatil par définition, le groupement ambitionne aussi d’atteindre 1,4 MEVP, toujours en 2020, contre 0,7 MEVP à l’heure actuelle.
La manutention doit s’adapter au gigantisme
Actuellement au Havre, il existe trois grands opérateurs de manutention sur le trafic conteneurs. La Générale de manutention portuaire (GMP) occupe le quai des Amériques et le terminal de France à Port 2000. La Compagnie nouvelle de manutentions portuaires (CNMP) travaille sur le terminal de l’Atlantique. Terminaux de Normandie (TN) est présent à Port 2000 sur les terminaux Porte Océane et TNMSC.
Pour Christian de Tinguy, président de l’Union nationale des industries de la manutention des ports (Unim) et du Groupement des employeurs de main-d’œuvre du port du Havre (Gemo), l’activité de l’année 2015 est sensiblement équivalente à celle de l’année précédente: « Le début 2015 n’a pas été propice, car il fallait que les nouvelles alliances se mettent en place. Les derniers mois sont meilleurs, grâce notamment aux trafics supplémentaires de MSC ».
En termes d’infrastructures, le responsable indique que 700 m de quai sont toujours disponibles à Port 2000 (soit deux postes à quai). « Aujourd’hui, le temps presse. Il faut absolument que les travaux à la charge du port démarrent. Un mur de quai est à construire. Il ne faut pas tarder. Puis ce sera au tour des opérateurs d’aménager le site. Tout cela peut prendre cinq ans. »
Et les conséquences du gigantisme des porte-conteneurs sur l’activité de manutention? Selon Christian de Tinguy, elles sont de plusieurs ordres: « Le gigantisme impose des postes à quai plus longs, car certains navires sont supérieurs à 350 m. Il y a moins d’escales, mais elles sont plus importantes. Il faut également des surfaces de stockage plus grandes. Les accès terrestres doivent être dimensionnés, d’où la nécessité de massifier les flux grâce au fluvial ou au ferroviaire. Nous devons nous battre pour que ces investissements deviennent réalité. » Autre problème soulevé, le gigantisme impose des portiques adaptés, plus hauts et avec des portées pouvant aller jusqu’à 24 conteneurs. « Il est indispensable d’investir rapidement si nous voulons satisfaire les besoins de nos clients. Sur les 21 portiques que compte Port 2000 aujourd’hui, seuls quatre sont capables de servir des navires d’une capacité de plus de 19 000 boîtes. » Le président de l’Unim se félicite du bon fonctionnement des prises de rendez-vous sur les terminaux de Port 2000, un système mis en place par l’Union maritime et portuaire du Havre (Umep). « Là ou d’autres ports en Europe du Nord ont échoué, nous avons réussi à mettre en place quelque chose qui permet d’anticiper les choses. »
Concernant la plate-forme multimodale, qui n’est toujours pas en exploitation pour cause de problèmes techniques, le responsable rappelle que les opérateurs n’y ont jamais été vraiment favorables pour diverses raisons. « Ce système génère des ruptures de charge supplémentaires, avec également des coûts supplémentaires. Nous avons toujours été favorables à un accès direct à Port 2000 grâce à une chatière. Cette plate-forme ne constitue pas un bon choix d’investissement. Et géographiquement, elle n’est pas bien localisée », conclut-il.