Marins, vous avez dit marins?

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C’est ce thème de la place des marins dans la ville maritime du xxie siècle qui a été abordé le 16 octobre dans les locaux de l’École nationale supérieure maritime (ENSM) du Havre à l’occasion d’un grand colloque organisé par le Propeller Club du Havre et des associations maritimes (AHAM, FNMM, IFM, SNSM) en partenariat exclusif avec Le Journal de la Marine Marchande. De nombreux intervenants, professionnels du monde de la mer mais aussi universitaires ou responsables d’associations se sont relayés au cours de la journée pour apporter leurs éclairages sur la question. Pour Olivier Lemaire, directeur général de l’Association internationale villes et ports (AIVP), il est indispensable de « refaire du lien social »en France entre la population et les villes portuaires. Une manière également de susciter des vocations auprès des jeunes. Quelles sont alors les solutions pour opérer ce rapprochement?

Refaire du lien social

Le responsable cite des exemples qui viennent de l’étranger à l’instar des belvédères que le port de Hambourg a installé pour permettre au public de voir ce qui se passe sur les terminaux. En France, c’est La Rochelle qui a aménagé une plate-forme pour son nouveau siège qui, là encore, permet de découvrir le port. « Cela peut passer par un travail d’architecte comme ce qui a été fait pour le terminal charbonnier du port de la Corogne. Les habitants en sont très fiers », ajoute-t-il. Bremerhaven a quant à lui développé des circuits par bus aussi bien destinés aux touristes qu’à la population locale. Il y a deux ans, à l’initiative du Grand port maritime du Havre, de l’agglomération havraise (Codah), de la Ville, de l’Union maritime et portuaire (Umep) et de la CCI, un Port Center a été créé au Havre à l’instar de ceux qui existent déjà à Anvers, à Melbourne ou à Gènes. Le géographe Antoine Frémont et Cécile Bellord, déléguée générale adjointe d’Armateurs de France, ont successivement analysé l’évolution du commerce au niveau mondial ces dernières décennies. Le transport maritime a explosé, passant de 550 Mt de marchandises transportées par la mer en 1950 à 9 Mdt aujourd’hui. L’apparition du conteneur a révolutionné les échanges. Autre constat, les flux se sont déplacés vers l’Asie et ont accompagné la croissance des pays émergents.

Les raisons du déclin

La reconfiguration des ports avec l’abandon des quais multi-usages a également eu une conséquence sur la gouvernance, avec une autorité portuaire recentrée sur ses prérogatives régaliennes. Cécile Bellord rappelle quant à elle que la France est bien positionnée sur le marché du transport maritime. Seul bémol, selon elle, le surcoût qui serait lié au pavillon français ou encore l’absence de volonté politique pour promouvoir le maritime. Et les marins dans tout ça? Le commandant Pascal Boulanger rappelle une tendance de fond. Le nombre d’officiers européens ne représentait plus que 12 % des effectifs en 2010 contre 54 % en 1995. Parmi les raisons de ce déclin, il cite l’absence de qualité de vie, des salaires qui stagnent, les perspectives attrayantes de certains métiers à terre ou encore une navigation parfois dangereuse (piraterie). Alain Coatanhay, représentant Louis Dreyfus Armateurs, rappelle quant à lui que la compagnie a été contrainte dans les années 1980 à passer la flotte sous le second registre avec le remplacement d’un certain nombre de personnels français par du personnel étranger. « Un choix difficile », commente-il. L’universitaire Arnaud Lemarchand analyse quant à lui ce qui se passe depuis quelques années dans les pays de l’Est avec l’explosion des agences de recrutement de main-d’œuvre. « Rien qu’à Constanta, en Roumanie, on en dénombre 80. Et à Riga, en Lettonie, près de 55 sans parler des agences officieuses. On y propose une multiplicité de contrats parfois à la limite du salariat. Le premier statut de travailleur détaché, c’est le marin. Le marin roumain a préfiguré le fameux plombier polonais », témoigne-t-il. Au Havre comme ailleurs, les marins sont bien présents. Ronan Dolain, le président du Seamen’s Club, avance le chiffre de 180 000 marins qui transitent localement chaque année. L’association en accueille 12 000 par an. Au cours du colloque, des témoins se sont également accordés pour dire que les marins qui souhaitaient un jour poser le sac à terre avaient toutes les qualités requises pour réussir une réorientation professionnelle.

Plus de classes au Havre

Il est revenu au maire du Havre et député Les Républicains (tendance A. Juppé) de Seine-Maritime, Édouard Philippe, de clore les débats. La conclusion principale est sans ambiguïté: compte tenu des contraintes budgétaire pesant sur l’État, il est impensable de maintenir quatre sites de formation supérieure de marine marchande. La capacité du nouveau bâtiment du Havre permet d’accueillir un nombre bien supérieur d’élèves officiers. Le maire entend s’y employer avec énergie, d’autant que Le Havre n’a pas d’autre alternative économique que de développer ses activités portuaires, « contrairement à Marseille ».

Michel Neumeister

Le risque de la télésurveillance du navire

Invité à s’exprimer sur son ressenti concernant le suivi à distance des paramètres de navigation, Hubert Ardillon, jeune retraité de la Marine marchande, ayant fait l’essentiel de sa carrière à la mer et au pétrole, a répondu qu’heureusement, seules ses toutes dernières années de navigation avaient connu le développement de ces nouvelles technologies. Il a semblé satisfait d’y avoir grandement échappé.

Commandant à 32 ans d’un 8 000 EVP, Matthieu Mabille, jeune pilote du Havre, n’a pas pu y échapper et n’a pas particulièrement apprécié l’expérience. Mais il comprend que lorsque les soutes sont très chères, l’armateur cherche par tous les moyens à en réduire la consommation.

Le discours généralement véhiculé sur les navigants est qu’ils savent, par la force des choses, se débrouiller dans toutes circonstances, ne pouvant compter que sur leurs propres ressources. La télésurveillance par la terre, pour de bonnes et de moins bonnes raisons, n’est-elle pas de nature à faire débarquer encore plus vite les plus indépendants?

M.N.

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