Quand la Chine s’assoupira

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Depuis son entrée à l’OMC, la Chine s’est imposée comme le moteur de l’économie mondiale. Elle est devenue au cours des années la seconde puissance économique de la planète derrière les États-Unis. Le taux de croissance de l’économie chinoise s’est longtemps exprimé à deux chiffres. Ces dernières années, la croissance de l’économie ne s’exprime plus qu’à un chiffre mais toujours à quelques centièmes des 10 %. L’annonce, le 19 octobre, des chiffres pour le troisième trimestre de la croissance économique chinoise fait trembler le monde économique. Le Bureau des statistiques chinois annonce une croissance annuelle de 6,9 % en 2015. Même si cette donnée reste supérieure aux prévisions des économistes, elle ne fait que conforter le sentiment général d’un atterrissage brutal de l’économie de l’empire du Milieu. « Les conditions sous-jacentes sont faibles mais stables », prédit Julian Evans-Pritchard, analyste chez Capital Economics dans un entretien avec Reuters. « Une augmentation des dépenses budgétaires et une croissance plus forte du crédit vont limiter dans les trimestres à venir les risques baissiers qui pèsent sur la croissance. »

Si la croissance chinoise demeure au rendez-vous, les résultats du troisième trimestre restent les plus bas depuis la crise de 2009 quand elle avait accusé une hausse de 6,2 %. Plus alarmant, les indicateurs mensuels publiés parallèlement au PIB ont en revanche déçu, signe que le ralentissement de l’économie chinoise n’est pas terminé malgré les efforts des autorités pour écarter le risque d’un atterrissage brutal. En effet, la production industrielle a également ralenti à 5,7 %, alors qu’elle était attendue à 6,0 % après 6,1 % en août. Seules les ventes au détail ont enregistré un léger mieux à 10,9 % par rapport au mois précédent, dépassant légèrement le consensus (+10,8 %).

« Des inquiétudes au sujet de l’économie chinoise »

La consommation a contribué à hauteur de 58,4 % au PIB du troisième trimestre et la formation de capital de 43,4 %. Ces chiffres viennent appuyer les propos du président chinois Xi Jinping, qui a exprimé le 18 octobre, dans une interview écrite accordée à Reuters, des « inquiétudes au sujet de l’économie chinoise » tout en se disant confiant dans la capacité de son pays à surmonter le ralentissement actuel, qui correspond selon lui à un ajustement structurel normal.

Si la crise économique arrive en Chine, c’est aussi en partie lié aux difficiles reprises des économies de l’Ouest. La consommation ne repartant que faiblement, les Chinois peinent à exporter vers les principaux marchés. Jusqu’à présent, la Chine a consommé pour son marché intérieur mais elle a besoin des marchés internationaux pour consolider sa croissance. Or l’Europe d’une part et les États-Unis d’autre part retrouvent un chemin de la croissance plus ardu et pentu que prévu. Premier effet collatéral de cette crise économique du principal partenaire asiatique, les transports maritimes devront composer avec cette nouvelle donne. Les répercussions sur les trafics de vracs secs et liquides sont plus longues à se faire sentir. Les matières premières restent nécessaires pour assurer une production industrielle à ce niveau. Les principaux effets pourraient se faire sentir très rapidement sur le trafic conteneurisé. En 2014, ce sont 135,4 MEVP qui ont été transportés dans le monde, en hausse de 4 %. Les routes est-ouest impliquant une relation avec la Chine (à savoir Europe-Asie et Asie-Amérique du Nord) représentent 30,7 % de l’ensemble des trafics mondiaux. Sur ces deux routes, le consultant néerlandais estime le volume global à 41,6 MEVP transportés. Les lignes Asie-Europe entrent pour une large part dans ce volume avec 14,9 MEVP. La Méditerranée (comprenant l’Europe du Sud, l’Afrique du Nord et la mer Noire) entre pour 7,3 MEVP. Des chiffres qui restent en croissance en 2014. En effet, le trafic sur l’Europe du Nord a progressé de 5 % en 2014. Un taux qui reste stable sur les deux dernières années après avoir connu des croissances plus faibles en 2012 et 2011 avec des taux avoisinants les 2 %. Les liaisons avec la Méditerranée affichent des taux de croissance plus élevés (7 % en 2014) mais avec un chiffre de base moins élevé (7,3 MEVP).

Le mal chronique dont souffrent ces liaisons entre l’Asie et l’Europe concernent les déséquilibres de flux. En 2014, ils ont été de 52 %, soit 5,2 MEVP. Un écart entre les flux encore plus criant dans le Sud puisque ces déséquilibres atteignent 60 % en 2014.

Le calme avant la tempête

Un constat qui se répercute sur les taux de fret. Ce déséquilibre restant dans les mêmes proportions que précédemment, les taux de fret ont suivi une tendance de stabilité. Et le consultant néerlandais de considérer que 2014 a été le calme avant la tempête. Dès les premiers mois de 2015, les nouvelles alliances (M&M, P3, G6 et CKYHE) ayant pris forme et devenant opérationnelles, la situation a dramatiquement changé, selon Dynamar. En alignant les derniers navires construits, les 16 armateurs regroupés dans ces alliances alignent 224 navires avec une capacité moyenne de 12 400 EVP, soit une augmentation de la capacité moyenne de 900 EVP par navire en moins de six mois. Plus inquiétant, ils offrent une capacité totale de 10,2 MEVP au départ d’Asie vers l’Europe par an, et vice versa. Alors quand dans la seconde moitié de l’année, des armateurs comme Mærsk alignent une série de 12 navires de 18 300 EVP sur son service AE10, qu’Evergreen reçoit une flotte de dix navires de 13 800 EVP, tout laisse à croire que ces déséquilibres prendront du temps à se résorber. Alors, dès les premiers mois de l’année, le SCFI (Shanghai Container Freight Index, prenant en compte les taux de fret sur les principales routes est-ouest) pâlit. Au mois de février, en plein nouvel an chinois, les taux de fret au départ de Shanghai pour l’Europe du Nord affiche un niveau plancher à 431 $/EVP. Le même EVP à destination de la Méditerranée se négocie aux alentours de 531 $. Ce plancher n’a eu de cesse d’être crevé au cours des dernières semaines. Depuis la rentrée de septembre, les taux ne cessent de subir des baisses. Ainsi, dans sa lettre hebdomadaire, Freight Investor Service annonce une baisse des taux de fret de 59 % en septembre à 313 $. Et à titre de comparaison, les taux de fret en septembre sont de 62 % plus bas que ceux de l’année précédente. Une situation difficile qui n’a cessé de se durcir après les chiffres de tassement de l’économie chinoise. Le 14 octobre, FIS reste tout aussi pessimiste. Les taux de fret vers l’Europe du Nord et la Méditerranée continuent de perdre de leur teneur pour se situer à 233 $/EVP sur le marché spot et 195 $/EVP pour la Méditerranée.

Si le tassement de l’économie chinoise joue un rôle dans la baisse des taux de fret et d’une manière plus générale sur les trafics entre l’Europe et l’Asie, la mise en ligne des navires de dernière génération avec des unités avoisinant les 20 000 EVP ne devrait pas améliorer la situation dans les prochains mois. Selon le consultant Drewry, la surcapacité dans la conteneurisation devrait encore durer trois ans. Après, il est encore trop difficile de faire des pronostics.

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