Cinq services maritimes directs appartenant aux alliances M2, Ocean three et G6 effectuent chaque semaine des escales chez Eurofos et Seayard. Motos, outils de bricolage, décoration, luminaires, ameublement, électroménager… Ces biens de consommation courante arrivent tous les jours en direct d’Asie.
Chargés un mois avant dans les ports Chinois, au Japon, au Viêt Nam mais également au Cambodge, aux Philippines ou en Indonésie, les conteneurs une fois débarqués à Fos sont dépotés à quelques kilomètres pour la plupart. En effet, depuis une dizaine d’années, les importateurs ont investi les zones logistiques voisines: Distriport, La Feuillane, Saint-Martin de Crau… 95 % des flux de Maisons du Monde sont acheminés par voie maritime depuis l’Asie. « En 2015, nous allons recevoir 15 000 conteneurs de 40’, ce qui nous place parmi les tout premiers clients du port de Marseille », explique Pascal Bonnaud, directeur général de Distrimag, filiale de Maisons du Monde.
Le géant suédois Ikea a misé il y a cinq ans sur la plate-forme logistique de La Feuillane et importe chaque année 5 500 conteneurs de 40’, soit 11 000 EVP. « Tous nos conteneurs arrivent d’Asie, principalement de Chine et du Viêt Nam. Nous avions fait le pari en 2007 de la réussite de la réforme portuaire et de l’extension des terminaux à conteneurs de Fos 2XL. Depuis 2011, les sociétés de manutention réalisent d’importants gains de productivité et l’offre maritime s’est élargie », se félicite Virginie Viala-Varenne, directrice de la plate-forme logistique. Le discours de Batimex est nettement moins convenu. Spécialisée depuis 2004 dans l’importation de biens de consommation sourcés en Chine, la PME a investi en 2010 sur place afin de développer, avec Raingo International, son partenaire local, une usine de production d’objets lumineux. L’entreprise marseillaise, qui avait déserté Fos durant les grèves au bénéfice des ports du Nord, avait fini par retrouver son port d’attache redevenu performant. C’était sans compter un nouveau phénomène.
30 % de la production relocalisée
Depuis 2014, Batimex, comme tous les importateurs réglant leurs achats en dollars, subissent une hausse des prix de 20 % à 25 %. « Ceux qui se sont couverts en dollars se retrouvent logés à la même enseigne. Tous les achats de Chine mais aussi de Thaïlande, du Viêt Nam ont augmenté de la même façon », constate amèrement Jean-Yves Baeteman, p.-d.g. de Batimex. Mobilier indonésien en teck, poterie du Viêt Nam, outillage et bambou de Chine, bijoux thaïlandais sont concernés par la flambée des prix.
« La chine se trouve dans une situation très critique avec une baisse des exports de 30 % dans les régions les plus industrialisées. Cela se traduit par des licenciements et des fermetures d’usines à un moment où les salaires ont doublé en trois ans, passant de 250 € à 500 € par mois », s’alarme le dirigeant.
Pour faire face à cette hausse vertigineuse des prix que la grande distribution n’accepte pas, Batimex, comme nombre d’industriels, a délocalisé en Europe une partie de la production des luminaires de jardin. « Nous avons transféré 35 % de nos achats en zone Euro. Nous allons démarrer fin octobre notre production dans une usine de rotomoulage située entre Barcelone et Tarragone. Nous n’aurons plus à nous acquitter des droits de douane, ni des THC », précise le dirigeant qui désormais utilisera le transport routier.
Conséquence directe pour le Grand port maritime de Marseille, une chute de 30 % d’un trafic annuel estimé à 200 conteneurs de 40’. L’effondrement des expéditions en sortie d’Asie, associé à la mise en service de navires de 18 000 EVP à 20 000 EVP, a entraîné une chute vertigineuse des taux de fret passant de 2 500 $ à 3 000 $ pour un 40’ en 2014, à 350 $ aujourd’hui pour la même boîte.
Jean-Yves Baeteman n’en revient pas. En 32 ans de métier, il n’a jamais vu un phénomène pareil. « Les navires partent vides car il n’y a plus de fret. Afin d’amortir le transport, les compagnies organisent des escales à Singapour pour remplir les navires et les transit times deviennent aléatoires », explique le responsable furieux lorsque le transit se dégrade à 45 jours au lieu des 30 jours annoncés alors qu’il prépare une opération pour la grande distribution (Auchan, Castorama, Leroy Merlin, Truffaut…).