« La Seine relie des zones importantes de production de déchets. Avec Le Havre, Rouen et les plates-formes logistiques de l’Île-de-France, nous sommes en mesure d’apporter des solutions logistiques à nos clients », explique-t-il. Il le rappelle au passage, l’économie circulaire se décline à la fois à l’échelle locale, à plus grande échelle avec le développement des solutions short sea, mais également à l’international avec les flux liés par exemple aux trafics de recyclage (ferraille ou véhicules d’occasions). « Derrière l’avantage géographique, Haropa mène des projets pour apporter des solutions. On peut citer le projet de plate-forme multimodale Port Métropole Seine Ouest. Face au débouché de l’Oise, la plate-forme d’une centaine d’hectares englobera une grande partie des carrières en exploitation. Sa vocation est liée aux travaux qui seront menés dans le cadre du Grand Paris. L’objectif est notamment de servir de base logistique pour l’acheminement des matériaux de construction et d’accueillir les remblais non pollués des chantiers. Le port de Limay, lui, est très orienté sur la valorisation des déchets. C’est un port qui fonctionne bien. On prévoit d’ores et déjà une extension de quarante à cinquante hectares. » À Limay par exemple, l’entreprise de collecte, de recyclage et de valorisation de déchets GDE dispose d’un site d’exploitation directement en bord de Seine. Toujours à Limay, la société Sarp Industrie traite, recycle et valorise des déchets dangereux. En Île-de-France, Étienne Dereu cite également les ports de Gennevilliers et de Bonneuil qui, là encore, accueillent des trafics liés au recyclage de déchets.
Les perspectives dans tous les esprits
Les perspectives des chantiers du Grand Paris sont présentes dans tous les esprits. À Gennevilliers, Étienne Dereu cite le cas de la société Yprema qui se positionne dans la transformation de matériaux de déconstruction, de mâchefers et d’incinération de terres inertes. Elle les sélectionne, les valorise, les recycle pour les livrer aux entreprises de BTP. Haropa va également s’engager dans une politique de réhabilitation des ports urbains comme Alfortville, Choisy-le-Roi, Issy-les-Moulineaux ou encore Vitry-sur-Seine. Sur chacun des sites de gare du Grand Paris Express, sur la ligne 15 Sud et sur les futurs plates-formes de transbordement des Ardoines et de l’île Monsieur, Haropa Ports de Paris estime à 2,3 Mm3 les déblais qui seront évacués par voie fluviale sur un total de 6 Mm3. La mobilisation du trafic fluvial sur ces sites permettra d’éviter le passage de 100 000 camions sur les routes et de diminuer de plus d’1 Mt les émissions de CO2. Au Havre, deux sites sont emblématiques des trafics liés à l’économie circulaire. Depuis novembre 2013, les Britanniques exportent par navire depuis Portsmouth jusqu’au Havre des tonnes de déchets domestiques ou plastiques. Ils sont chargés sur camions pour être acheminés à l’usine de retraitement de déchets Ecostu’air implantée à Saint-Jean de Folleville. Sita, filiale de Suez Environnement, qui exploite ce site dans le cadre d’une délégation de service public, a réceptionné ainsi, en 2014, 19 000 t de déchets provenant de Grande-Bretagne. En service depuis 2013, l’usine Val’Estuaire de Rogerville, toujours près du Havre, est également exploitée par Sita. Sur ce site on réceptionne, on trie et on valorise papiers, cartons, plastiques, déchets de chantiers et même terres polluées. L’usine traite 70 000 t de déchets par an et se fixe un objectif de 300 000 t d’ici cinq ans. Là encore, le choix du port du Havre n’est pas lié au hasard puisqu’un tiers de la capacité de l’usine est directement destiné à une activité import-export avec l’Europe mais aussi l’Asie.
Haropa écrit une politique environnementale commune
Pas de charte pour Haropa, mais une politique environnementale commune. « Nous n’avons jamais utilisé le terme de charte mais les trois ports ont un engagement commun pour le projet Cop 21 de réduction des émissions de gaz à effet de serre », rappelle Regis Soenen, directeur aménagement territorial et environnement d’Haropa-Port de Rouen.
« Nous avons écrit une politique commune qui consiste en différentes chartes sur le territoire liant les ports aux collectivités et associations. » Ainsi, la charte « Sable en Seine » adoptée en 2000 engage l’ensemble des acteurs de la filière BTP à améliorer leurs installations en termes d’intégration urbaine, de propreté et de prévention des pollutions et nuisances. Cette charte a été étendue en 2015 aux nouvelles filières « produits valorisables ».
Partenaire de solutions Cop 21, le groupement portuaire de l’axe Seine propose de rassembler, par le biais d’un appel à projet, des solutions logistiques alternatives pour répondre au défi climatique. Au-delà du développement des transports massifiés (voie d’eau et rail) sur l’axe Seine, il s’agit de réduire la consommation de pétrole à bord des navires, de mettre en place des projets d’économie circulaire en termes de déchets de matières premières ou de réseau de chaleur. Les 21 solutions les plus innovantes et efficaces sont en cours de sélection dans le cadre de l’appel à projet, elles seront prochainement présentées sur une plate-forme dédiée.
En marge de l’implication dans Cop 21, les trois ports de l’axe Seine ont pris des initiatives et des engagements spécifiques pour prendre en charge les impacts des activités industrielles et portuaires.
Si elles s’emboîtent dans la politique environnementale d’Haropa, ces initiatives sont fonction des spécificités de chacune des trois places portuaires: Paris, Rouen et Le Havre. Ainsi le port du Havre, à l’embouchure de la Seine, se situe dans une zone environnementale particulièrement sensible. Le port de Rouen, à 80 km de la mer, est un port d’estuaire dont une partie des terminaux est située en interface avec la ville. Cette caractéristique nécessite une prise en compte systématique des impacts des activités portuaires sur les riverains. La politique environnementale de Ports de Paris passe par la promotion du transport fluvial.
Élu le 24 juin « best green seaport » par les professionnels asiatiques du shipping et du commerce international, Haropa revendique la mise en œuvre de « solutions logistiques vertueuses ». Celles-ci passent par des actions en matière de report modal (la toute nouvelle plate-forme multimodale du Havre y contribue) et de projets d’écologie industrielle sur l’axe Seine. Dans sa mission d’aménageur, Haropa souligne qu’il veille à « créer des logiques de flux circulaires sur ses ports ». Une étude est en cours sur l’utilisation et le recyclage des déchets industriels issus des différentes zones industrielles de la vallée de la Seine. Exemple de démarche d’économie circulaire, le projet de Sarp Industries à Limay-Porcheville (Yvelines) de produire de la vapeur avec l’incinération de ses déchets et de revendre cette vapeur à EDF pour son fonctionnement.
Les modes de stockage et de valorisation du CO2 constituent un enjeu fort pour Haropa. La zone industrialo-portuaire du Havre est d’ailleurs le site pilote de l’Ecoparc industriel du programme PS2E (Paris Saclay efficacité énergétique).
Dans le cadre de la démarche EcoPorts, projet financé par la Commission européenne, le port du Havre s’est vu remettre le 19 janvier la certification Pers (Port Environmental Review System) valable deux ans. L’audit du Pers est réalisé par le Lloyd’s Register à partir de données qualitatives et quantitatives.