Sur le papier, c’est un immense gâteau qui a de quoi faire saliver les ports de la façade maritime allemande: au cours des prochaines années, le gouvernement prévoit de planter près de 7 000 éoliennes aux larges des côtes du pays. Objectif: produire chaque année 15 000 gigawatts, de quoi compenser la fermeture des douze centrales nucléaires prévue pour 2022. La sortie du nucléaireest une immense aubaine pour les ports qui se retrouvent de facto appelés à jouer les premiers rôles. Avant d’être acheminées en haute mer, les éoliennes doivent forcément transiter par les plates-formes portuaires. Mieux, pour réduire les coûts de transport, les éléments sont produits ou assemblés au plus près des parcs offshores, directement sur les sites portuaires. L’enjeu est colossal: le secteur pourrait créer 30 000 emplois au cours des vingt prochaines années.
Une activité quasi inexistante
Et pourtant, à Hambourg, le premier port du pays, pas la moindre éolienne en vue sur les quais. « C’est une activité quasi inexistante chez nous », reconnaît un porte-parole du site. De fait, le port hanséatique est confronté depuis plusieurs années à un problème de place. Ses infrastructures, largement consacrées au transport de conteneurs, sont saturées. Impossible dans ces conditions de se lancer dans la manutention d’éoliennes, des engins hors normes qui pèsent jusqu’à 350 t pour une envergure de 120 m. Autre handicap pour la ville hanséatique, sa position particulière, au fond de l’estuaire de l’Elbe, à 100 km de la mer. Trop loin et donc trop coûteux pour les constructeurs. Conséquence, sur ce segment, Hambourg se fait doubler par des ports beaucoup plus modestes qui profitent de la manne de l’éolien offshore pour sortir de l’ombre. C’est le cas notamment de Cuxhaven où Siemens va installer une grande usine qui va produire des composants pour éoliennes. Des éléments que le port est déjà prêt à transporter: il y a quatre ans, un nouveau terminal spécifiquement adapté à la manutention des éoliennes est sorti de terre. Autre site en pointe: Brunsbüttel. Le port situé à l’embouchure de l’Elbe affiche une croissance insolente (9,5 % au premier semestre), portée en grande partie par l’éolien offshore.
L’écologie à marche forcée
Le Sénat a présenté un plan pour rendre le port de Hambourg plus écologique d’ici cinq ans. Un port plus écologique, voici l’un des grands objectifs du nouveau gouvernement régional de la ville-État de Hambourg. Sous l’impulsion des élus verts, un vaste plan a été adopté au printemps dernier pour combattre les émissions du plus grand terminal allemand. Car le port, poumon économique de la ville, est aussi le principal pollueur, responsable de près de 40 % des émissions d’oxyde d’azote et de 17 % des rejets de particules fines. « Une situation que le port doit améliorer au cours des cinq prochaines années », annonce le Sénat.
Et tout le monde va devoir faire des efforts. Les transporteurs d’abord: les poids lourds les plus polluants ne seront bientôt plus admis sur les quais. Seuls les camions les plus récents, respectant la norme euro 5, auront le droit de circuler sur le site.
Les opérateurs portuaires vont également devoir s’adapter. À commencer par HHLA, le plus gros d’entre eux. Le Sénat exige qu’il fournisse aux navires accostant sur ses terminaux « une connexion au réseau électrique terrestre ». Et ce afin que les porte-conteneurs puissent couper leur moteur lors des opérations de déchargement.
Autre piste: revoir la grille des taxes portuaires. Actuellement, les navires les plus propres bénéficient d’une réduction. Le Sénat veut aller encore plus loin en augmentant les tarifs des armateurs les plus polluants.
Des mesures qui sont accueillies froidement par les principaux intéressés. « Il faudrait que ces mesures s’appliquent à l’ensemble des ports européens », avance la fédération des entreprises portuaires (UVHH). « Cette course en solitaire de Hambourg pourrait nuire notre compétitivité. »