Costume sombre et cravate, les repreneurs étaient pourtant dans les starting-blocks pour défendre leur offre de reprise de la SNCM devant Georges Richelme, président de l’institution consulaire. Ce dernier ne leur a pas laissé le temps de présenter leurs arguments. En effet, à la demande du procureur de la République, absent, l’audience d’examen des offres a été reportée au 14 octobre à 13 h 30.
Compte tenu de l’importance de ce dossier, le ministère public a réclamé un nouveau délai pour examiner les offres de D’Orbigny et France Ferries, de Christian Garin, de Patrick Rocca et de Corsica Maritima.
Dans leur rapport remis la veille, les administrateurs judiciaires de la SNCM se sont prononcés favorablement sur les offres de reprise déposées par les chefs d’entreprise corses. En revanche, ils ont écarté l’offre de Christian Garin et pointé du doigt des failles juridiques dans l’offre solidaire et conjointe déposée par D’Orbigny et France Ferries.
Au cœur du problème, le transfert des salariés dans les différentes sociétés constituées. « En particulier s’agissant des sédentaires hors atelier, aucun n’est dédié à l’activité navigation Corse, à l’activité navigation Maghreb ou à celle de la réservation. En conséquence, il ne serait pas possible de caractériser un quelconque rattachement de 164 sédentaires à l’une de ces activités et donc de justifier objectivement leur transfert dans une entité plutôt qu’une autre », est-il précisé dans le document visant à éclairer le tribunal.
Les administrateurs judiciaires redoutent la perspective de procès des salariés contestant ces transferts devant le tribunal des prud’hommes. Pourtant, de source proche du dossier, il serait possible de contourner cette question en créant une unité économique et sociale qui fédérerait l’ensemble des salariés au sein d’une entité unique.
L’amélioration des offres au cœur du débat
Reste à savoir si l’offre D’orbigny et France Ferries peut être améliorée durant ce nouveau délai, le président du tribunal ne l’ayant pas précisé. Par ailleurs, si l’autorité de la concurrence a donné son feu vert à l’opération de concentration réalisée par Stef (D’Orbigny), en revanche, Bruxelles estime que les critères de discontinuité de l’entreprise ne seraient pas respectés. Un vrai camouflet pour la candidature de la maison mère de La Méridionale qui partait pourtant favorite avec un prix de cession de 15 M€ et la reprise de 739 salariés (535 pour D’Orbigny et 204 repris par Baja Ferries).
« Nous allons employer ce délai pour fournir les éléments nécessaires à la Commission européenne, et le cas échéant adapter notre offre en tant que de besoin. Notre projet industriel est construit sur des bases financières, juridiques et sociales solides et pérennes. Il permettra d’assurer aux salariés un avenir sécurisé par des armateurs et des entrepreneurs qui n’ont pas l’habitude de refuser de prendre leurs responsabilités. À chacun d’en faire autant », a commenté Maître Santoni, représentant le groupe de transport Stef, peu après l’annonce du report d’audience du Tribunal de Commerce de Marseille. Visiblement plus serein, Patrick Rocca s’est fendu d’un sourire: « Nous avons reçu une lettre de Bruxelles hier soir confirmant un courrier du mois de mai qui précise que les critères de discontinuité étaient bien respectés. »
Alors que l’Office des transports de la Corse doit publier mi-octobre le cahier des charges de la future délégation de service public, l’actuelle ayant été annulée par le tribunal administratif de Bastia, La Méridionale précise les conditions dans lesquelles elle assurera la subdélégation temporaire jusqu’en octobre 2016. Selon son avocat, Maître François Froment-Meurice, il existe un problème majeur. « La convention de service public maritime Corse/continent prévoit expressément que les délégataires doivent constituer une société dédiée. Nous ne pourrons pas subdéléguer à un repreneur qui ne serait pas en ligne avec cette obligation. L’offre de Patrick Rocca est floue sur cette question et Corsica Maritima ne propose pas de société dédiée. De plus, l’assemblée de Corse a précisé le 18 septembre que le contrat de subdélégation de service public ne serait pas modifié », a précisé l’avocat.
« Nous créons deux sociétés, une dédiée aux lignes de Corse et une autre aux lignes du Maghreb », a rétorqué Patrick Rocca. Pour leur part, les organisations syndicales de la SNCM et les élus du comité d’entreprise ont émis à l’unanimité un avis défavorable à l’ensemble des offres de reprise. Ils contestent également le rapport des administrateurs judiciaires de la SNCM.