« L’Asie n’est pas tout, l’Afrique pèse un poids dans les trafics du système Haropa », a commencé par présenter Nicolas Occis, président du directoire du Grand port maritime de Rouen et président d’Haropa. De Paris au Havre en passant par Rouen, l’Afrique occupe une grande place dans les trafics entrant et sortant d’Haropa. Cela ne concerne pas uniquement les trafics conteneurisés, a continué Nicolas Occis, mais aussi les vracs et notamment les vracs secs. En matière de conteneurs, les trafics entre Haropa et l’Afrique de l’Ouest ont représenté 126 893 EVP pleins en 2014. Vers l’Afrique du Nord, ce sont 34 920 EVP pleins qui ont transité par les ports d’Haropa. Des courants déséquilibrés puisque 16,2 % de ces trafics sont à l’import en Europe et 83,8 % sont des exportations françaises vers l’Afrique de l’Ouest. Le même déséquilibre se remarque avec l’Afrique du Nord. Les conteneurs pleins entrent pour 15,6 % en provenance d’Afrique du Nord quand 84,4 % sont expédiés depuis Haropa vers l’Afrique du Nord.
« Le système portuaire d’Haropa est multispécialiste avec l’Afrique. Outre les conteneurs et les vracs, nous exportons quelque 8 000 véhicules par an vers l’Afrique de l’Ouest et 5 000 vers l’Afrique du Nord », a continué Nicolas Occis. Des chiffres qui projettent Haropa à la place de premier port européen pour les relations conteneurisées avec l’Afrique de l’Ouest et du centre.
Et pour compléter cette présentation, Hervé Cornède, directeur commercial et marketing d’Haropa, a présenté les différentes liaisons maritimes avec le continent. Avec 17 armements assurant des lignes hebdomadaires conteneurisées avec l’Afrique de l’Ouest, Haropa dispose d’une offre complète. « Nous avons mené une étude de benchmarking avec nos principaux concurrents et nous constatons que nous offrons des temps de transport inférieurs vers de nombreuses destinations », a expliqué Hervé Cornède. Sur Abidjan, Pointe Noire et Téma, les liaisons se réalisent plus rapidement qu’avec Anvers (en gagnant un à quatre jours). Les lignes reliant le nord de l’Europe à Lagos et Douala affichent un temps équivalent. À se comparer avec Marseille-Fos, les différences sont plus nettement à l’avantage du pôle portuaire séquanien qui affiche une réduction entre six et onze jours en fonction de la destination.
Cette étude a été déclinée sur d’autres filières comme les véhicules. Globalement, Haropa se place en bonne position pour les destinations ouest-africaines vis-à-vis d’Anvers et de Fos et notamment sur Luanda, en Angola. Une bonne place qui permet aux ports de Seine de se présenter comme le premier port français d’exportation de véhicules d’occasion vers l’Afrique de l’Ouest.
L’Afrique est un puzzle avec autant de pièces qu’il existe de pays
Disposer de liaisons maritimes avec l’Afrique présente de nombreux avantages, mais doit aussi se réaliser en fonction des particularités des pays, a souligné Damas Kakoudja, représentant en Europe du Conseil gabonais des chargeurs. « L’Afrique est particulière avec ses pays côtiers, ses ports et ses infrastructures terrestres, mais aussi ses pays enclavés dont la richesse reste importante. » Il faut considérer la logistique avec l’Afrique comme un puzzle avec autant de pièces qu’il existe de pays. Mais, pour améliorer la logistique, l’Afrique doit réaliser des efforts pour porter son système des transports au niveau des standards internationaux. « Nous travaillons, au Conseil gabonais des chargeurs mais aussi au niveau continental à l’Union des conseils des chargeurs africains, sur la mise ne place dans les différents pays de guichets uniques pour la fluidification des trafics. » Parce que l’Afrique souffre encore de sa congestion portuaire qui se répercute sur la pauvreté des populations du continent. Les sujets des particularités de la logistique avec l’Afrique sont nombreux, a continué Damas Kakoudja, mais les efforts et la volonté politique sont présents pour pousser vers une plus grande intégration de ces systèmes à l’international. Et Philippe Dehays, président de l’Union portuaire rouennaise et directeur régional de Centrimex, a souhaité nuancer ces propos. « L’Afrique a fait de grands efforts sur ses infrastructures même s’il reste encore des goulets d’étranglement. » Une position partagée par Philippe Rozo, de SDV, qui reconnaît rencontrer encore des difficultés dans certains corridors pour rejoindre les pays enclavés, voire aussi des blocages sur les routes.
L’Afrique doit rattraper son retard
L’Afrique doit rattraper son retard, a confirmé Ousmanou N’Gam, président de NIG Holding, la maison mère du commissionnaire Transimex. « Notre objectif est de rattraper le retard de la logistique en Afrique sur le monde. » L’objectif du commissionnaire africain est avant tout de doter l’Afrique de structures aux standards internationaux pour offrir une logistique dont les aspérités seraient gommées. Alors, outre l’activité logistique et le déploiement d’un réseau sur l’Afrique de l’Ouest et du centre, Transimex s’est enrichi de filiales en Asie et en Europe. Au début de l’année, Transimex a installé ses bureaux parisiens dans le port francilien de Gennevilliers. « Nous avons choisi Gennevilliers pour être au plus proche de nos clients européens. Nous avons conclu un contrat avec l’armement ERL pour disposer de slots sur ses navires vers Douala et les autres pays de l’Afrique de l’Ouest », a continué Ousmanou N’Gam. En outre, Transimex a développé dans ses activités la manutention portuaire de trafics conventionnels en Afrique. Ainsi, déjà présent dans le terminal polyvalent de Douala, Transimex est partenaire dans le groupement KPMO qui a remporté la concession, avec le groupe Necotrans, du terminal conventionnel du port camerounais de Kribi. « Cette concession a été faite sur 80 % du terminal. Les 20 % du terminal restant ne sont pas encore adjugés et le groupement KPMO est candidat à sa gestion », nous a confié le président de NIG Holding.
Si les chargeurs africains sont conscients des efforts à réaliser, pour un chargeur européen, le directeur export des Grands Moulins de Paris, Christian Poirot, l’Afrique est une particularité avec toutes ses différences. Avec un moulin installé à Gennevilliers, GMP a délibérément transféré une partie de sa logistique vers le fluvial en France, profitant, en 1996, de l’arrivée de barges spécialement dessinées pour le transport de sacs de farine. « À l’époque, nous avons construit un pont roulant pour charger les barges avec des sacs de farine pré-élingués. Les péniches rejoignaient ensuite Rouen pour charger sur des navires con-bulk de Delmas les sacs de farine. » Une logistique adaptée à l’époque mais qui a changé. En raison des changements opérés sur les liaisons avec l’Afrique, la société meunière parisienne est passée à une logistique du tout conteneur. Plusieurs facteurs expliquent cette mutation. D’une part la disparition des navires spécifiques de Delmas, la faiblesse des infrastructures des ports africains en grues et en magasins, la vulnérabilité des marchandises chargées directement dans les cales des navires avec les avaries, l’aménagement de plus en plus fréquent de terminaux à conteneurs dans les ports africains, et la souplesse apportée pour la vente de lots en plus petite taille ont incité le chargeur à se tourner vers le conteneur. Alors, quand en 1995, 95 % des trafics de farine vers l’Afrique se réalisent en conventionnel contre 5 % en conteneurs, les chiffres se sont inversés. Aujourd’hui, 95 % des sacs de farine sont chargés directement en conteneurs contre 5 % en conventionnel.
Ce basculement de la logistique africaine depuis le conventionnel vers le conteneur se constate dans de nombreuses filières. Un constat que Loïc Roullier, représentant l’armement allemand Bocs, veut démystifier. « Nous avons constaté depuis quelques années, un transfert du conventionnel vers le conteneur. Ce mouvement de balancier à tendance à revenir pour s’équilibrer. Nous tendons vers un nouvel équilibre entre les deux types de courant pour les prochaines années. »