Journal de la marine marchande (JMM): l’EPCSA a été créée en 2011 par des sociétés privées. D’habitude, les organisations européennes représentent des organisations nationales et non pas des sociétés privées. Pourquoi avoir choisi de bâtir votre organisation sur ce nouveau concept?
Richard Morton (R.M.): Alors que les Port Community System existent depuis bientôt 40 ans, il n’y a jamais eu d’organisations nationales dans un État membre avec une dimension européenne pour représenter leurs intérêts. Nous avons donc décidé en 2011, avec les six premiers opérateurs de PCS dans le monde, de créer l’EPCSA. Cependant, dans de nombreux cas, un pays ne dispose que de très peu de PCS. Ainsi, en Grande-Bretagne, seuls trois PCS couvrent l’ensemble des ports, et aux Pays-Bas Portbase est le principal opérateur pour la majorité des ports locaux.
De plus, les opérateurs de PCS peuvent être privés, publics ou issus d’un partenariat public-privé. Alors quand nous avons créé l’EPCSA, il s’est avéré que les membres fondateurs étaient tous des sociétés privées. Au fur et à mesure que nous avons accueilli de nouveaux membres, des sociétés avec des structures différentes nous ont rejoints. Chaque entreprise se crée selon les besoins locaux et la culture du pays ou de la région.
Par ailleurs, les six fondateurs de l’association vivaient à l’époque dans un contexte particulier. L’entrée en vigueur de la directive européenne 2010/65 et les développements du Code des douanes européen ont modifié le paysage. L’EPCSA est devenue la voie des opérateurs de PCS en Europe.
JMM: en 2014, l’epcsa est devenue l’IPCSA (international port community system association). Cela signifie-t-il que vos préoccupations vont être dirigées plus vers l’international que l’europe?
R.M.: L’EPCSA a toujours eu une vision sur les développements internationaux puisque la plupart des PCS en Europe utilisent des messages aux standards internationaux. L’Union européenne suit avec attention les positions de l’OMC (Organisation mondiale du commerce), des Nations unies, de l’Organisation maritime internationale et de l’Organisation mondiale des douanes. Depuis notre origine, nous avons un regard sur les développements internationaux. L’élément déclencheur du passage d’une organisation européenne à une dimension internationale est survenu lorsque la société australienne 1-Stop est devenue membre en 2014. Nous avons alors décidé que les intérêts suscités par notre organisation au-delà des frontières européennes motivaient ce passage vers l’international.
Ce changement a aussi permis à notre association de postuler comme membre auprès d’organisations comme l’OMI, les Nations unies et l’OMD. Auparavant, notre statut de membre consultatif comme organisation européenne nous empêchait d’être membre de droit comme une organisation régionale.
Dans notre organisation, nous avons créé une division par régions qui reflète celles faites par les commissions régionales des Nations unies. Ces régions sont l’Europe et l’Amérique du Nord, l’Asie et le Pacifique, l’Amérique latine et les Caraïbes et, enfin, l’Afrique et l’Asie de l’Ouest. Cela va nous permettre de faire un focus sur des régions où il existe des différences dans les opérations de PCS et les développements. Nous avons été ravis d’accueillir en juillet le premier membre depuis l’Amérique du Sud, l’ABTRA (Association brésilienne des opérateurs de terminaux) qui a développé le PCS JUP.
Néanmoins, 19 de nos 27 membres sont européens et nous sommes toujours concentrés sur l’Europe pour ces membres et leurs intérêts.
JMM: d’un point de vue opérationnel, pourquoi les ports ont besoin de PCS? Les différents opérateurs portuaires privés ne peuvent-ils pas développer leur propre système pour leurs clients?
R.M.: Les PCS ont été développés par les communautés portuaires, à savoir les utilisateurs et les administrations. Pour arriver au même résultat, il aurait été très cher et inefficace pour une seule société de créer différentes interfaces avec les systèmes des administrations et les autres intervenants de la supply chain.
De fait, toutes les sociétés ont leur propre système informatique et les PCS ne remplacent pas ces systèmes. Il permet d’accroître les liaisons sans papier pour les flux des marchandises. La société a une seule interface avec le PCS qui dispose de relais avec les différentes administrations et organisations qui doivent échanger des données entre elles. Ce flux est à double sens puisque les PCS offrent aux administrations la possibilité d’avoir un lien avec le PCS et non pas des connexions différentes pour chaque entreprise portuaire. Chaque société peut décider d’avoir son propre système informatique interfacé avec les autres, mais cette arborescence n’est pas économique alors que le PCS permet à la société d’échanger des messages électroniques avec tous ses partenaires de la chaîne logistique.
De plus, les ports sont aussi sous la pression des législations nationales, régionales et internationales pour automatiser et limiter l’utilisation de papier. En développant des flux informatiques sans papiers, les PCS jouent un rôle pour l’ensemble de la communauté portuaire y compris les administrations nationales.
JMM: vous avez un impact sur différentes législations en Europe comme e-maritime, e-freight. Quels sont les dossiers qui seront sur votre bureau dans les prochains mois.
R.M.: Nous avons quatre priorités pour les prochaines années, et cela tant au niveau européen qu’international. Ce sont la standardisation, les douanes, la facilitation du commerce et la cybersécurité. Ces quatre domaines sont tous importants pour le commerce international et forment un tout. Les opérateurs de PCS voient les nouvelles législations du point de vue de leurs utilisateurs en se préoccupant du fait que toute nouvelle réglementation ait un minimum d’impact sur les processus en vigueur.
À propos de la standardisation, nous sommes actuellement dans une phase d’amélioration de notre guide européen sur les références des messages (European Message Reference Guide). Il a été publié en 2013 et nous envisageons de publier à la fin 2015 un guide des messages au niveau international. Nous travaillons aussi sur les exigences de pesage des conteneurs, prévues à la convention Solas, et leurs impacts sur les PCS.
À propos des douanes, l’Europe est particulièrement importante aujourd’hui pour l’association car l’impact du nouveau Code des douanes européen est toujours en négociation et certaines applications peuvent avoir des effets significatifs. Cela comprend un nouveau système européen de gestion des risques et des preuves au niveau européen. L’IPCSA veut apporter des expériences pratiques à la commission européenne sur les impacts de ces nouveaux textes sur l’ensemble de la chaîne logistique.
La facilitation du commerce et le Single Window seront un fil conducteur derrière de nombreuses réformes, tant au niveau européen qu’au niveau international et notamment avec l’effet sur l’accord de facilitation du commerce par l’OMC et les recommandations des Nations unies sur le Single Window.
La cybersécurité est devenue aussi un sujet majeur et difficile à appréhender. L’IPCSA a organisé en juillet une réunion avec les opérateurs de PCS, les associations de commerce, l’OMI pour débattre des principaux défis à relever face à la cybercriminalité et les actions à mener. Les minutes de ces débats ont été rendues publiques sur notre site et nous avons pu échanger ensuite avec les organisations européennes et internationales.
JMM: les pcs sont aujourd’hui un moyen de faciliter les flux dans les ports et les aéroports. Les membres de l’IPCSA ont d’ores et déjà implémenté des procédures basées sur le zéro-papier. Quelles seront les évolutions dans le futur de ces PCS?
R.M.: Les Port Community System sont désormais implantés dans les ports, les aéroports et même dans certains ports intérieurs. Alors que les pays sont en train de mettre en place l’accord de l’OMC sur la facilitation du commerce et le concept de Single Window, les PCS vont devenir dans les prochaines années un système collaboratif de plus en plus important qui reliera les process des administrations et des sociétés privées pour donner aux PCS un rôle majeur aux points d’entrée et de sortie des pays.
Les nouveaux défis que les PCS devront relever dans les prochaines années se feront principalement sur la simplification, l’intégration du concept de Single Window et les facilitations du commerce. Déjà, les pays africains relient ou développent les PCS en liaison avec le concept de Single Window. D’autres en Europe interfacent les PCS avec les systèmes de Single Window maritime pour aider à réduire les contraintes administratives.
Les Port Community System de demain devront aussi avoir un rôle sur l’ensemble de la chaîne logistique. L’IPCSA mène déjà un projet pilote sur le tracking et le tracing en maritime pour suivre en temps réel les conteneurs. Nous avons huit PCS, dont six sont en Europe, un en Israël et un en Australie qui pilotent ce projet pour vérifier que le système fonctionne correctement et quel type d’utilisateur peut être client de ces prestations.
Le futur des PCS est à créer. Nous pouvons imaginer dans un futur proche que tous les ports, les aéroports et les plates-formes intérieures devront se doter de PCS pour simplifier et automatiser leurs opérations et les mettre en adéquation avec les procédures administratives. Dans ce contexte, l’ensemble de la chaîne logistique s’en verra amélioré.