Le slogan de campagne du candidat Donald Trump à la candidature du Parti républicain conviendrait sans nul doute au général président Abdel Fattah al-Sissi. Depuis 2008, la population égyptienne vit dans un climat politique instable marqué par les affrontements entre pro et anti-Moubarak. L’armée mène des opérations de guerre dans le Sinaï.
L’extension du canal de Suez apparaît comme une formidable opération à usage interne comme externe. Elle redonne ou prétend redonner au peuple égyptien sa fierté nationale qui remonte à l’Égypte antique en passant par la décolonisation, puis la prise de contrôle par Nasser de la Compagnie universelle du canal maritime de Suez, concessionnaire de l’exploitation du canal pour une durée de 99 ans. Le canal lui-même a toujours été placé sous la souveraineté de l’Égypte selon le traité international de Constantinople de 1888.
Les journaux égyptiens ne se sont pas privés pour rappeler que la tradition de creuser des canaux pour transporter des marchandises entre la Méditerranée et la mer Rouge remonte au pharaon Sésostris III (1850 av. J.C.). Les passages sur l’influence des puissances étrangères jusqu’à la décision de Nasser de 1956 sont nombreux.
« Les Forces armées égyptiennes ont félicité le peuple égyptien et le monde entier pour l’inauguration (…) », écrit le quotidien Le Progrès égyptien du 5 août. De nombreuses vedettes égyptiennes de la chanson ou du cinéma n’ont pas hésité à exprimer par écrit leur joie, fierté ou émotion devant ce miracle. Les représentants de la presse écrite égyptienne, consignés comme leurs homologues étrangers dans un vaste centre de presse peu climatisé, applaudissent le discours du président al-Sissi et se mettent à chanter.
Vis-à-vis de l’extérieur, la présence du président François Hollande, la livraison de huit F-16 sur les vingt promis par les États-Unis, la volonté exprimée par le Premier ministre russe Dmitry Medvedev d’examiner en détail la façon dont les sociétés russes pourraient s’installer le long du canal illustrent une sorte de soutien international à l’Égypte, l’un des derniers dominos de la région susceptible de s’opposer à l’élargissement du chaos qui sévit au Moyen-Orient depuis l’initiative américaine en Irak de mars 2003.
Intérêts communs
« Aujourd’hui, les relations entre la France et l’Égypte sont fondées sur des intérêts communs: la lutte contre le terrorisme et la sécurité », a expliqué François Hollande dans son allocution. La coopération franco-égyptienne doit « donner à l’Égypte les moyens d’agir et aussi à la France d’être protégée ». D’où la livraison des Rafales, d’une frégate et « il y en aura d’autres, parce que nous avons la volonté de faire en sorte que l’Égypte puisse se défendre face au terrorisme ».
Même explication de la part de l’ambassade des États-Unis en Égypte pour justifier la livraison de huit chasseurs F-16 sur une commande de vingt unités supplémentaires qui viendront s’ajouter aux 220 avions déjà opérationnels. Dans ces conditions, tous les moyens sont bons.
À la fin de la cérémonie inaugurale, les présidents égyptien et français se dirigent vers le canal dans une voiturette de golf. Ils montent sur une sorte d’imitation de vieux gréement. Zoom malencontreux de la télévision officielle égyptienne sur le nom du navire: Pirates!