Cette somme de 220 M€ correspond aux aides jugées illégales (plus les intérêts) versées au titre du service dit « complémentaire » uniquement effectué par la SNCM dans le cadre de la DSP 2007/2013. La 5e chambre de la CJUE déclare et arrête: « En n’ayant pas pris, dans les délais prescrits, toutes les mesures nécessaires afin de récupérer auprès de la SNCM les aides d’État déclarées illégales et incompatibles avec le marché intérieur par l’art. 2, § 1, de la décision 2013/435/UE de la Commission, du 2 mai 2013, concernant l’aide d’État SA.22843 (2012/C) (ex 2012/ NN) mise à exécution par la France en faveur de la SNCM et la CMN, en n’ayant pas annulé, dans les délais prescrits, tous les versements des aides visées à cet article 2, § 1, et en n’ayant pas informé la Commission européenne, dans le délai imparti, des mesures prises pour se conformer à cette décision, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’art. 288, 4e alinéa, TFUE et des art. 3 à 5 de ladite décision. La République française est condamnée aux dépens. »
Possible procédure précontentieuse
En neuf pages, l’arrêté décrit également en termes clairs les errements politico-administratifs de ce dossier qui n’est pas terminé. Si dans les deux mois, la France s’obstine dans son refus à ne pas récupérer les sommes dues ou à ne pas liquider l’entreprise ou à ne pas organiser sa reprise effective sans continuité économique, la Commission pourrait engager une procédure précontentieuse. Les contribuables pourraient alors avoir à verser une sorte d’amende variant de 25 M€ à 80 M€ à laquelle s’ajouterait une astreinte annuelle de 100 M€ à 235 M€ tant que l’arrêt du 9 juillet n’a pas été complètement mis en œuvre.
En d’autres termes, la Commission a considérablement renforcé son arsenal pour contraindre la France, audacieuse, à faire ce qu’on lui dit de faire. Pourtant, la Commission a joué les « bonnes filles », d’autant que son appréciation de la légalité des aides versées au titre du service « complémentaire » a été changeante. Dans un courrier du 27 avril adressé à la France, elle laisse comprendre qu’elle serait prête à abandonner les poursuites si la reprise de la SNCM était rapidement réalisée. Mais « compte tenu de ces éléments, nous ne pouvons pas exclure qu’une prolongation de six mois ne contraigne la Commission à prendre (…) les mesures procédurales qu’exige la persistance d’une telle distorsion de concurrence » créée par la DSP 2007-2013. La Commission serait très agacée par les atermoiements français.
Le dossier des aides illégales n’est pas clos pour autant: il reste encore environ 220 M€ d’aides finalement jugées également illégales concernant la recapitalisation et la restructuration de la SNCM. C’est l’État qui est, dans ce cas, directement concerné. Pour l’instant, la Commission n’aurait pas encore saisi la Cour.
La Commission a d’autres angles d’attaque comme la DSP 2014/2023 non-notifiée et présentant de possibles faiblesses au regard du droit de la concurrence.