Le 22 juin, le rapport annuel de Shipbreaking Platform a été publié. L’organisation non gouvernementale, qui observe la filière du démantèlement de navires, analyse les évolutions de ce marché dans le monde. S’insurgeant régulièrement contre l’envoi de navires à démanteler dans des chantiers du sous-continent indien, Shipbreaking Platform constate une fois de plus que ces chantiers restent encore majoritairement choisis par les armateurs.
En 2014, Shipbreaking Platform a répertorié 1 026 navires démantelés dans le monde. Sur ce total, 641 navires (soit 62,5 %) ont été envoyés dans des chantiers de l’Asie du Sud-Est. Les 37,5 % restants ont été déconstruits dans des chantiers présentant « des méthodes plus développées, principalement des techniques de déconstruction à un quai puis mis sur un slipway pour terminer la coque », explique Patrizia Heidegger, directrice de Shipbreaking Platform. S’agissant de l’envoi de navires sur les plages du sous-continent indien, elle s’insurge: « Il est honteux que les armateurs ferment les yeux sur de telles pratiques. »
Un point positif ressort du constat, le nombre de navires envoyé à la démolition dans le sous-continent indien est en légère baisse de 0,6 %. Une goutte d’huile dans l’océan de la démolition sous normes pour l’organisation non gouvernementale, mais qui demeure malgré tout un espoir.
Dépavillonnage
Sur les 285 navires déconstruits, soit appartenant à des armateurs européens soit arborant le pavillon européen, 182 l’ont été sur des plages du sous-continent indien, ce qui représente 62,3 %.
Les armateurs ont pris l’habitude de dépavillonner le navire avant qu’il soit envoyé dans ces chantiers. Le Panama et le Liberia sont encore largement présents, mais ils sont avant tout des pavillons de navigation. Les armateurs préfèrent se tourner vers des pavillons de complaisance avant d’envoyer leurs navires dans ces chantiers. Ainsi ceux de St Kitts et Nevis, les Comores, Tuvalu, Tanzanie, St Vincent et Grenadines et le Togo sont les plus appréciés. Parmi les dix premiers armateurs les plus assidus aux chantiers du sous-continent indien se retrouvent des grands noms du transport maritime international, comme l’Allemand Blue Star Holding qui a été créé par E.R Schiffahrt et Ernst Komrowski. Une société de gestion de navires qui affrète une grande partie de ses navires à des compagnies comme Mærsk Line. Cet armateur a envoyé 14 navires dans les chantiers du Sud-Est asiatique. Second armateur opérant aussi en Europe, le Sud-Coréen Hanjin Shipping qui a déconstruit 11 navires dans ces chantiers. Vient ensuite la compagnie italo-suisse MSC, qui a envoyé sept unités vers le sous-continent indien. « Une compagnie récidiviste », note Patrizia Heidegger. En quatrième position, le Brésilien Petrobras reste une des dernières compagnies pétrolières à avoir envoyé six navires dans ces chantiers. Enfin, viennent des armateurs comme Conti, G-Bulk, Danaos Shipping, Ignazio Messina, MOL, PIL (Pacific International Line), TBS International et Yang Ming Line. Parallèlement à ces « mauvais élèves », Shipbreaking Platform a constaté les efforts fournis par des opérateurs comme Hapag Lloyd qui préfère envoyer ses navires vers la Turquie ou la Chine, dans des conditions de contrôle sévère, ou encore Mærsk, malgré quelques loupés, qui veut accentuer sa politique de fin de vie.
Shipbreaking Platform maintient la pression. Après l’adoption de la directive du 30 décembre sur le recyclage des navires, des dossiers demeurent ouverts. L’organisation souhaite que la Commission européenne développe des incitations financières pour les armateurs les plus propres. Ensuite, elle souhaiterait que soit amendée la directive sur les crimes contre l’environnement en y intégrant l’envoi sur des plages de navires à déconstruire.