La bonne nouvelle de cette session d’automne de l’European Car Group est venue par le président de l’association, Costantino Baldissara. « Le marché de l’automobile connaît un retour à des niveaux d’avant la crise. » Le marché européen a enregistré une croissance de 10,6 % en mars. En avril, avec 1,16 million de véhicules commandés, le marché européen affiche pour le vingtième mois consécutif une progression des ventes. « Nous pouvons être optimistes pour les prochains mois », a continué Costantino Baldissara. Des chiffres encourageants mais Justin Cox, consultant chez LMC Automotive, tempère quelque peu cet enthousiasme: « Le retour à des niveaux de 2007 n’est pas prévu avant 2017. »
La production automobile en Europe est estimée aux environs de 18,9 millions d’unités en 2015, soit une hausse de 3,4 %. Quant aux exportations des véhicules réalisées en Europe vers les marchés extérieurs comme la Chine et les États-Unis, elles enregistrent une baisse depuis quelques mois. Le taux de croissance des exportations européennes se stabilise sur les derniers trimestres. Selon les chiffres présentés par Justin Cox, les exportations d’automobiles européennes vers l’Asie, l’Amérique du Nord et l’Afrique du Sud se sont stabilisées aux alentours de 620 000 à 640 000 unités. En 2013, les exportations automobiles européennes ont progressé entre 5 % et 10 %. En 2014, cette progression se situe entre 0 % et 3 %. Et les prévisions ne voient pas un retour à la croissance en 2015. La Chine, a observé Justin Cox, a ralenti sa croissance de ventes d’automobiles quand le marché américain atteint sa maturité.
Les exportations changent de visage
Une partie de la production revient sur les marchés européens. Ainsi, les Fiat 500 produites au Mexique le seront désormais en Pologne pour repartir ensuite sur le marché nord-américain. Renault a aussi décidé de relocaliser à Flins la production d’une série qui s’est réalisée jusqu’à présent en Inde.
Le marché automobile se transforme, et avec lui les flux de transport. Pour le président d’ECG, Costantino Baldissara, avec la croissance au premier trimestre, un manque de capacité de transport s’est rapidement fait jour. « Le marché de la chaîne logistique automobile doit s’adapter à cette nouvelle demande. Il est nécessaire d’entrer dans une phase d’investissements dans les transports pour répondre à cette nouvelle demande. » Une adaptation chiffrée à 2 Md$ pour les prochaines années. En outre, pour le président d’ECG, de nombreux changements devraient s’opérer dans cette filière. Des rachats et des fusions de sociétés devraient intervenir dans les prochains mois qui changeront encore une fois la donne dans le marché.
Il reste que les investissements à réaliser par les sociétés de logistique automobile passent d’abord par la réalisation de bénéfices suffisants. Au cours des dernières années, les sociétés ont souffert et n’ont pas pu dégager suffisamment de fonds pour se créer un volume d’investissement. Les hausses de production prévues pour les prochains mois doivent être prises avec lucidité, pour les opérateurs logistiques. Une hirondelle ne fait pas le printemps et la courbe de croissance des exportations se stabilise. L’enthousiasme de ce début d’année doit être nuancé pour éviter toute déconvenue future.
De nouvelles législations
Si le marché automobile reste sur une tendance positive au cours des derniers mois, les membres de l’ECG ont pointé du doigt les dernières évolutions législatives dans les modes routiers et maritimes. S’agissant de la route, différents États membres ont déployé de nouvelles législations sur le droit social routier qui pourraient perturber gravement le secteur. Jan Nemec, responsable des affaires sociales à l’IRU (International Road Transport Union), est venue faire la liste des dernières législations européennes. La loi sur les salaires minimaux en Allemagne, l’interdiction de repos dans les cabines des camions en Belgique et en France, la législation sur le repos en Pologne et les déclarations des mouvements de marchandises en Hongrie sont autant de nouveautés qui se reporteront sur les opérateurs logistiques. Prenant l’exemple des nouvelles législations françaises et belges, qui interdisent à un chauffeur de prendre son repos hebdomadaire dans la cabine de son camion, l’IRU a procédé à des simulations de surcoûts de frais d’hôtellerie. D’après les calculs réalisés par l’IRU, ce surcoût serait de 4 000 € par mois pour une entreprise de 300 tracteurs qui évoluent uniquement en France et en Belgique. Pour la même société, si cette mesure devait s’étendre à l’ensemble des pays européens, le surcoût en hôtel s’élèverait à 120 000 € par mois. Autre sujet de préoccupation pour les opérateurs logistiques, la nouvelle législation allemande sur les salaires minimaux. « Nous n’avons rien contre cette règle, bien au contraire. Toute la problématique vient de son application », a continué Jan Nemec. Cette loi prévoit notamment de payer au minimum 8,50 € par heure tout transporteur qui réalisera une partie de son parcours en Allemagne. « Nous ne disposons d’aucune information sur le mode de calcul de ce salaire, ni sur le champ d’application de cette mesure. Tout cela est d’une confusion la plus totale. »
Intervenant lors de cette conférence, Joao Aguiar Machado, directeur général de la DG Move, a rassuré l’audience en indiquant qu’une procédure d’enquête avait été ouverte au niveau européen. « Nous ne sommes pas opposés à cette mesure mais nous souhaitons avoir des précisions sur les modalités d’application. » Et voulant aller encore plus loin, il a assuré que « vos paroles ne tomberont pas dans l’oreille d’un sourd. Nous avons besoin de dialogue entre la Commission et l’ensemble de votre secteur d’activité. »
Effet positif
Tant les nouvelles réglementations routières belge et française que la loi sur les salaires minimaux pourrait avoir un effet positif pour le transport maritime à courte distance en reportant une partie du trafic vers le maritime. « La part de marché du transport maritime ne bénéficiera pas de ces nouvelles réglementations, a indiqué Costantino Baldissara. Le transfert modal se fera principalement sur la croissance des flux. » D’autant plus que le transport maritime a aussi ses contraintes réglementaires. L’entrée en vigueur de l’annexe VI de Marpol restreignant à 0,1 % les rejets de SOx et NOx dans l’atmosphère a aussi touché le marché maritime. Cette nouvelle norme est entrée en vigueur au 1er janvier, dans un marché pétrolier en baisse. « Les effets attendus d’une hausse des taux de fret maritime n’ont pas eu lieu. Cette baisse du pétrole a masqué les effets de cette entrée en vigueur », a continué le président d’ECG qui a aussi cité les dernières études réalisées par l’Ecsa (European Community of Shipowner Association), dont les résultats ne montrent pas de transfert modal vers le maritime ou la route.
Pour le président d’ECG, le manque de moyens de transport ne devrait pas affecter trop durement le monde maritime. « La flotte de navires est équilibrée. Entre les commandes et les prévisions de démolition des navires, nous devrions pouvoir nous adapter. Le manque de moyens de transport se fera davantage sentir sur les modes de transport intérieurs comme la route. » De plus, les armateurs investissent pour les 25 prochaines années.
Quant au paquet portuaire actuellement en discussion devant les autorités européennes, le président d’ECG n’a pas d’a priori. « Nous sommes favorables à des règles communes. Nous verrons ce qu’il ressort des discussions actuelles », a déclaré Costantino Baldissara.