Il s’était probablement juré de ne jamais y aller. Déjà en 2006, lors de l’ouverture du capital de la SNCM par l’État français, Francis Lemor a refusé la proposition. Neuf ans plus tard, il affirme être « prêt à participer à un appel à candidatures ». Une volte-face de dernière minute qu’il a expliqué le 11 juin à Marseille.
Le président du groupe Stef, qui s’est adjoint les services d’Éric Giuily (qui a dirigé la SNCM et sa holding la CGMF, et fut administrateur de Stef durant 23 ans), a présenté les contours de sa stratégie de reprise qui repose sur la constitution de deux sociétés distinctes, une pour les activités Corse de la SNCM (quatre navires) et une autre pour la desserte du Maghreb (deux navires). Deux sociétés dans lesquelles Stef sera partie prenante (sans révéler à quelle hauteur) et associé à « un ou plusieurs armateurs français ou européens », a précisé Francis Lemor. « Je veux bâtir un vrai projet avec Stef comme pivot […]. La Méridionale a toutes les raisons d’être retenue lors du prochain appel d’offres et nous voulons que son partenaire ait les mêmes chances », a-t-il ajouté.
Rompu aux pactes d’actionnaires, il entend donc constituer deux tours de table avec des compagnies maritimes qu’il connaît, évoquant GNV au sud et DFDS au nord. « Nous n’avons pas d’idées préconçues mais nous avons suffisamment d’amis », confie Francis Lemor.
Le président de Stef, qui a confirmé avoir eu des contacts téléphoniques avec des armateurs depuis quelques jours, se donne « 18 mois à deux ans » pour mettre l’ex-SNCM « en vitesse de croisière ».
Des offres non compatibles avec l’exploitation de la CMN
Cette volte-face, le président de Stef l’explique par trois éléments récents. En premier lieu, la décision du tribunal administratif de Bastia qui a résilié la délégation de service public de dix ans avec effet au 1er octobre 2016. « Certes, nous avons fait appel, mais le temps judiciaire n’est pas celui de l’appel d’offres! Nous allons devoir préparer le prochain appel d’offres aux côtés d’un partenaire sérieux présentant des garanties de pérennité de l’exploitation », a indiqué le président de Stef. Deuxième élément, le courrier de Bruxelles du 6 mai précisant les critères de discontinuité au sens de la législation européenne sur les aides illégales d’État. « Dans ce courrier, Bruxelles explique comment éviter le remboursement de 600 M€ et préconise de passer par une subdélégation à La Méridionale. » Enfin, en observant les offres de reprise de Patrick Rocca et de Daniel Berrebi, Francis Lemor a refusé une association avec l’un de ces partenaires. « Fort peu d’éléments dans leur business plan étaient compatibles avec une exploitation telle qu’on la connaît. »
Le 25 mai, le tribunal de commerce de Marseille, dans son jugement rejetant une nouvelle fois les offres de reprise et enjoignant les administrateurs judiciaires de relancer un appel d’offres, a rappelé à quel point l’actuelle co-délégataire du service public maritime sur la Corse jouait un rôle central.