Le pavillon SNCM flottera encore cet été en Méditerranée. C’est désormais une certitude. Le 10 juin, le tribunal de commerce de Marseille, écartant la liquidation judiciaire, a pris la décision – délicate et sujette à controverses – de se donner encore un peu de temps pour préserver au mieux les intérêts de la compagnie maritime et de ses 1 500 salariés en rejetant les trois offres officielles déposées le 17 mai par Patrick Rocca, Christian Garin et Daniel Berrebi.
Rebondissements
Les rebondissements de ces derniers jours – avec d’un côté la candidature du groupe Stef/ Méridionale et de l’autre celle d’un consortium composé de huit entreprises corses présentes dans la vente de matériaux de BTP, la distribution de boissons et la location de véhicules – ne sont certainement pas étrangers à cette décision. Si le tribunal rejette les notes reçues les vidant ainsi de toute valeur juridique, il estime qu’un nouvel appel d’offres « paraît être l’ultime mesure » dont il dispose « pour organiser une cession dans les meilleures conditions possibles pour l’entreprise ».
Les administrateurs judiciaires doivent à présent s’atteler à préparer la publication de ce deuxième appel d’offres pour permettre l’entrée dans le jeu des candidatures tardives. Le président du tribunal Georges Richelme donne rendez-vous à toutes les parties prenantes au dossier le 25 septembre, la période d’observation s’achevant le 28 novembre.
Nouveau délai
Ce nouveau délai réclamé par l’ensemble des organisations syndicales devrait rapidement déboucher sur la levée des préavis de grève, déposés pour le 11 juin, et apaiser les professionnels portuaires qui redoutaient un été socialement chaud sur les quais phocéens. « Il est important de laisser passer la saison estivale afin de ne pas pénaliser les économies provençales et corses qui bénéficient de retombées touristiques conséquentes, et d’étudier toute nouvelle offre dans un climat serein, guidé par la recherche d’une solution pérenne », a commenté Jacques Pfister, président de la Chambre de commerce et d’industrie de Marseille-Provence.
En optant pour un délai supplémentaire, le tribunal prend néanmoins deux risques. Tout d’abord celui d’examiner en septembre des offres de reprise qui pourraient être encore jugées insuffisantes. Avec une trésorerie asséchée, cette fois-ci, le spectre d’une liquidation de la SNCM serait réel.
Cette décision risque de soulever le courroux des services européens de la concurrence qui, à la veille de la décision du tribunal, a fait une déclaration ou plutôt émis une mise en garde. « La reprise éventuelle de certains des actifs de la SNCM par son co-délégataire modifierait donc le cadre de reprise précédemment analysé, et il ne saurait être exclu qu’il soit de nature à remettre en cause la position de nos services relatifs à la discontinuité économique. Les services de la commission ne peuvent en tout état de cause étendre à de nouvelles offres venues d’autres candidats repreneurs les conclusions précédemment communiquées aux autorités françaises, dans la mesure où les caractéristiques précises de ces offres nous sont encore inconnues », écrit la Commission européenne dans un courrier adressé à Daniel Berrebi. En d’autres termes, cela laisse entendre qu’elle se réserve le droit de réclamer le remboursement des aides d’État si le co-délégataire émet une offre de reprise (où il serait majoritaire) mettant à mal le principe de discontinuité tant débattu ces dernières semaines. Seul moyen de rester dans la ligne de conduite des services de Bruxelles? Que Stef/Méridionale soit minoritaire et fasse entrer de nouveaux opérateurs.
Enfin, Bruxelles n’était pas favorable à ce que la SNCM bénéficie d’un nouveau délai. Cette dernière percevant tous les mois des aides publiques. Le risque étant de devoir les rembourser au regard de la jurisprudence européenne.