Engrais, produits chimiques, produits forestiers, projets industriels, hors-gabarits: les marchandises conventionnelles constituent des typologies de produits très diversifiés avec des caractéristiques pas toujours compatibles sur un quai, dans une cale ou dans un entrepôt.
Manutention, stockage, transport, préparation logistique ou même préparation des cales: les conventionnelles exigent des spécialisations et de lourds investissements. Or, les volumes et les valeurs manutentionnés sur les terminaux ne relèvent pas de la même logique économique et financière que le conteneur ou les grands projets intégrés de l’Oil & Gaz. Saisonnalité, volatilité, diversité et hétérogénéité physico-chimiques des produits rendent plus complexes une véritable industrialisation massificatrice des actions de manutentions. Le casse-tête aujourd’hui sur les terminaux polyfonctionnels subsahariens s’avère complexe. Pour les Autorités Portuaires publiques, la pérennité économique, logistique et sociétale d’activités de manutention des conventionnels demeure impérative.
Or, la mise en concession et les diverses formes de Partenariats Public-Privé pour l’exploitation commerciale d’un terminal polyvalent sont toujours délicates, souvent menacées par les dérives monopolistiques. Cependant, les volumes, les valeurs et les quantités sur la durée d’une convention limitent souvent les Autorités Portuaires au moment de mettre en concurrence plusieurs opérateurs sur plusieurs « morceaux de quai », saucissonnés selon des filières de produits qui exigent parfois le même matériel de manutention et les mêmes compétences du côté de la main d’œuvre (comme l’activité d’ensacherie). Concomitamment, pour les opérateurs privés, le dilemme relève des calculs économiques et financiers sur l’investissement dans des superstructures dédiées à des natures de produits très hétérogènes.
Une maîtrise collaborative concertée
Des grues mobiles polyvalentes, des engins de parcs spécialisés, des entrepôts dédiés et des services sur mesure nécessitent un minimum de visibilité et de confiance sur lesdites filières. Or, en Afrique subsaharienne (comme partout ailleurs!), les relations entre chargeurs, intégrateurs, manutentionnaires et transporteurs maritimes sont sujettes à de plus en plus de volatilité. Au gré des stratégies des acteurs, des opportunités des spéculateurs et des versatilités des marchés régionaux-globaux, les chaînes de valeur se font et se défont d’une interface portuaire vers une autre. Pour l’opérateur de manutention, ces incertitudes s’avèrent encore plus critiques dans les conventionnels que dans le conteneur ou les vracs solides et liquides. Dans ce contexte général, il serait intéressant de considérer une suggestion aussi novatrice que prospective pour pérenniser une manutention compétitive des marchandises générales diverses.
Dans quelle mesure des formes de mutualisation d’intérêts entre plusieurs entreprises privées spécialisées et plusieurs Autorités Portuaires pourraient-elles redéfinir les dimensions des marchés? En d’autres ter mes, une maîtrise collaborative et concertée des termes du marché pourrait entraîner une meilleure visibilité sur les risques. Un GIE portuaire sous-régional (entre deux ou plusieurs autorités d’un ou de plusieurs pays ouest ou centre-africains) pourrait alors mettre en concession plu sieurs sites « concurrents et complémentaires ». Évidemment, ce type d’innovation exige de revisiter l’intégralité des termes contractuels et d’innover dans un modèle économique et financier d’une nature encore jamais expérimentée. Une fois les complexités juridiques et légales résolues, cette approche permettrait sûrement d’optimiser les investissements et de réduire les coûts de la maintenance et des opérations. À l’instar de ce que l’on peut voir dans le pétrole ou le conteneur, les spécialistes de la manutention conventionnelle auraient un intérêt à se constituer en partenariats stratégiques afin d’anticiper, non plus une seule concession, mais un ensemble de concessions sous-régionales.
Le tout aurait alors l’ambition de servir au mieux chacune des filières de produits tout en pérennisant aussi l’emploi des dockers et la formation des personnels spécialisés. Les Autorités portuaires pourraient trouver dans cette innovation la capacité de maintenir des activités de manutention efficientes sur leurs terminaux spécialisés respectifs. Cette idée constitue une des ré flexions actuellement en débat au sein des groupes de recherche de la fondation Sefacil. L’ambition est d’entrer dans le détail de cette possible forme de collaboration-mutualisation interportuaire, pour l’Afrique subsaharienne, sur des filières souvent vitales pour la plupart des États africains.
Note: pour compléter la présente contribution, lire: Yann Alix, « Manutention et stockage portuaires des marchandises diverses non-conteneurisées: réflexions sur l’Afrique de l’Ouest et du Centre », in Logistique et transport des vracs, sous la direction de Y. Alix & R. Lacoste, Collection Les Océanides, EMS Editions, 2013.
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